samedi 8 et dimanche 9 janvier 2005
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Hier, le premier ministre Jean Charest est sorti de sa tanière et a délaissé ses réjouissances de début d'année pour tenter un petit coup de relations publiques sur le dos des victimes des tsunamis et en se servant de la Croix-Rouge comme complice involontaire.
Pour démontrer qu'il éprouvait au moins autant de compassion que Paul Martin, il s'est rendu serrer la main des bénévoles qui ont récolté huit millions de dollars (80 fois la contribution du gouvernement qu'il préside). Avec le cynisme quasi chirurgical qui le caractérise, il en a profité pour répéter les insoutenables raisonnements invoqués par ses porte-parole pour justifier l'inaction quasi totale de Québec. J'imagine que les poignées de main des bénévoles ne débordaient pas de chaleur et d'empathie.
Donc, Jean Charest persiste et signe. La contribution financière du gouvernement québécois aux victimes des tsunamis sera bel et bien la plus pingre, la plus ridicule, la plus honteuse de tout le monde occidental. Même le Nunavut est plus généreux. Je ne me souviens pas, dans ma vie de journaliste, d'avoir été témoin d'une telle démonstration de cynisme, d'indécence et de duplicité. Une honte absolue. M. Charest a même eu l'audace de rappeler que le Québec était exceptionnel en ce domaine car il est le seul gouvernement à posséder un Secrétariat à la coopération internationale. Un chausson avec ça ?
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Il est revenu sur l'aide accordée à Haïti en expliquant que la présence d'une communauté forte de 120 000 personnes justifiait qu'elle ait été cinq fois plus généreuse que celle accordée aux proches des 150 000 victimes, aux 500 000 blessés et aux millions de personnes sans abri. Cette justification digne d'un plaideur de Molière poussé dans ses derniers retranchements illustre ce qui constitue probablement les bases de calcul de ce gouvernement quand il s'agit de faire preuve de compassion internationale. Quatre dollars par électeur actuel ou futur puisque, ensemble, les communautés sri-lankaise, indienne et indonésienne sont fortes d'environ 25 000 personnes. Espérons que la Moldavie ne connaisse jamais de catastrophe de proportion biblique comme celle-ci car on me dit qu'on ne compte que treize Moldaves au Québec.
Quelques jours après l'annonce de la contribution par communiqué, un membre de son cabinet, confronté aux cinq millions de dollars accordés par le gouvernement ontarien, avait osé justifier l'indifférence québécoise en rappelant que 20 % des sommes accordées par le gouvernement canadien provenaient des impôts payés par les Québécois au fédéral. Faudrait-il rappeler à cette personne importante dans le cabinet du premier ministre que les citoyens de l'Ontario paient eux aussi de l'impôt au gouvernement fédéral ?
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Enfin, M. Charest nous a expliqué, imperturbable, que, comme c'est la pratique habituelle, son gouvernement est en communication constante avec Ottawa et qu'il est prêt à étudier les demandes d'aide en services et en personnel spécialisé, comme ceux d'Hydro-Québec, si le besoin s'en fait sentir. Pour prouver sa très grande mobilisation et son immense préoccupation, il nous a annoncé qu'il participerait bientôt à une conférence téléphonique sur le sujet avec son homologue fédéral. (Espérons que les frais des appels interurbains ne seront pas déduits de la contribution de 100 000 $.) Cette collaboration est courante et régulièrement, à la demande de l'Agence canadienne de développement international, gouvernements provinciaux et municipaux détachent du personnel spécialisé pour des missions à l'étranger.
Le premier ministre semble totalement incapable de comprendre que nous sommes devant la pire catastrophe humanitaire de l'histoire moderne, pire encore que les bombes atomiques sur Nagasaki et Hiroshima. Les organisations internationales, les ONG présentes dans ces pays et les autorités locales n'ont pas besoin de trois pylônes usagers d'Hydro-Québec, elles ont besoin d'argent, d'argent et d'argent. C'est ce que les Québécois et les Canadiens ont compris en faisant preuve d'une générosité exemplaire. Ce faisant, ils ont aussi dit à leurs gouvernements qu'ils attendaient d'eux la même générosité, même s'il fallait se priver des services de quelques experts-conseils ou diminuer les subventions accordées au Festival de la crevette. Et, comble de l'indécence, c'est aussi dans les bureaux de la Croix-Rouge que M. Charest a annoncé la nomination de deux nouveaux experts pour décider à sa place de l'adresse du CHUM. Après 35 millions de dollars en études et en commissions !
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Et puisque nous parlons d'indécence, je m'en voudrais de ne pas mentionner l'insoutenable indécence de la direction de la SAQ, qui a demandé à ses employés en grève de modérer leurs ardeurs afin, et je cite, «d'éviter de faire dégénérer le lien de confiance» entre les parties. Je rêve ! Voilà une société d'État qui de toute évidence a décidé de détruire un syndicat faible à cause de son indépendance, une société d'État qui multiplie l'ouverture de succursales «scabs» et qui évoque la confiance ! Que les cadres conscrits par la SAQ pour lutter contre le syndicat ne soient pas des briseurs de grève au nom de la loi, j'en conviens, mais que les employés aillent leur rappeler qu'ils le sont moralement, je trouve que c'est parfaitement normal et justifié.
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