Voici une histoire vraie que je veux absolument partager avec vous.
Un soir de 2013, une jeune fille qui est en 4e secondaire tend un formulaire à signer à son père.
C’est une autorisation pour une sortie dans le cadre d’un cours d’ECR : les élèves visiteront divers lieux de culte.
Tensions
Le père remarque que le formulaire dit que la jeune fille devra obligatoirement porter un voile dans certains de ces lieux.
L’activité compte pour 10 % de la note. Si pas de voile, pas d’activité, donc la fille récolterait un beau zéro.
Le père refuse. Sa fille lui dit : « Papa, tu ne vas pas faire ça ! » On connaît les ados.
Le père raconte : « Deux jours plus tard, je reçois un long courriel du prof d’ÉCR m’expliquant, sur un ton très pédagogique, les vertus de l’ouverture aux autres et les dangers du racisme ! »
Il répond à l’enseignant qu’il vient du Moyen-Orient et comprend parfaitement la signification du voile pour les femmes.
Il sait de quoi il parle. On n’imposera pas cela à sa fille. Il demande à rencontrer la direction, qui accepte.
Il dit :
« Je dois m’absenter du bureau, mon épouse aussi. Je suis nerveux, un peu troublé. Je marche sur des œufs, dans un champ miné : le politiquement correct, les prérogatives des profs, l’intervention des parents dans un contenu de programme officiel, ma fille que je ne veux pas singulariser, mon profond sentiment de refus de participer à cette oppression, notre désir de protéger l’essentiel. »
Lors de la rencontre, il explique qu’il a fui un radicalisme qu’il retrouve ici et qui progresse insidieusement.
« La direction a été vraiment à l’écoute, dit-il, les profs ont finalement compris notre point de vue. On nous exempte des lieux problématiques. Ça se passe dans le respect, l’écoute, l’harmonie et la vérité. On repart pacifiés. »
Mais...
« Mais comment vous dire l’énergie nerveuse, le temps, le courage, le doigté et les nerfs que cela nous a pris, comme simples citoyens et comme parents, pour résister et essayer de ramener le bon sens dans tout cela. »
Nœud
Depuis, son école a annulé ces visites. Mais ailleurs ?
Sa conclusion :
« Cet incident m’a donné à réfléchir. [...] Le cours d’ÉCR perpétue les stéréotypes et la discrimination envers les femmes. Ce cours favorise aussi le prisme religieux pour décrire la réalité de la diversité. Il néglige [...] l’immense majorité des citoyens qui ne se définissent pas en premier lieu par leur appartenance religieuse et surtout pas par les signes ostentatoires de leur religion. De plus, en partant d’excellentes intentions, [...] il banalise des pratiques très discutables prônées par des radicaux. Voilà le fond du problème. »