Il a été organisateur d’une campagne électorale de Gilles Vaillancourt. Sous Philippe Couillard, il est devenu l’un des plus hauts fonctionnaires de l’État. Dans une rare entrevue, Pietro Perrino assure n’avoir rien su des activités criminelles de l’ancien maire de Laval.
Militant libéral de longue date, proche de l’ancien premier ministre Daniel Johnson, Pietro Perrino est devenu en 2014 secrétaire général associé au ministère du Conseil exécutif, le ministère du premier ministre, rémunéré 180 000$ par année.
Un an plus tôt, Vaillancourt était arrêté, mais Pietro Perrino assure que personne au gouvernement ne l’a interrogé sur les services qu’il a rendus à l’ancien maire comme organisateur d’élections.
«Je suis sûr qu’ils ont dû faire des enquêtes de sécurité, mais je ne me souviens pas avoir eu des questions spécifiques là-dessus», a-t-il confié à notre Bureau d’enquête.
Consultant
Vaillancourt est en prison depuis le 30 novembre, car il a reconnu avoir perçu des pots-de-vin et géré un système de collusion de 1996 à 2010.
Au cœur de cette période, Pietro Perrino, résident de Laval, venait de démarrer une firme de consultant.
«Un des premiers mandats que j’ai eus, c’est la campagne de 2001, dit-il. Mon client était le Parti PRO des Lavallois. Je facturais mes heures. J’étais payé par chèque par le PRO, comme un autre fournisseur.»
Avait-il eu de l’information sur les activités criminelles qu’a reconnu avoir commises l’ancien maire? «Non jamais, assure-t-il. La réputation de Gilles Vaillancourt en 2001, ça n’avait rien à voir avec aujourd’hui. C’était un joueur majeur, tous paliers politiques confondus. Il avait été président de l’Union des municipalités du Québec... Il en menait large!»
En 2001, le titre de Pietro Perrino dans la campagne de Vaillancourt était celui d'organisateur en chef. Mais le haut fonctionnaire minimise son rôle, à l’ombre de Vaillancourt, le véritable patron des élections au PRO, selon lui.
«J’ai donné un coup de main pour le positionnement de la campagne, comment identifier leur vote, comment procéder à des sondages maison... Ce genre de poutine électorale, explique Pietro Perrino. Ce n’est pas moi qui choisissais les candidats, et je ne me suis jamais occupé de financement, ni avant, ni pendant, ni après la campagne électorale.»
Mission réussie
Il pense avoir bien rempli son contrat. «En 2001, je vous rappelle que Vaillancourt a gagné 21 districts sur 21!»
Une semaine après que l’ancien maire eut plaidé coupable à des accusations de complot, fraude et abus de confiance et accepté de rembourser 8,6 M$, Pietro Perrino se dit abasourdi par les crimes de son ancien maire.
«Je ne comprends pas pourquoi il a fait ça, dit-il. Je suis sûr qu’il serait plus heureux en étant encore maire de Laval. Ça donne quoi d’avoir 10, 15, 20 M$ cachés, de ne rien faire avec? Ce n’était pas un amateur de vin, il s’habillait de façon ordinaire, il ne voyageait pas...»
Pietro Perrino dit ne rien regretter de son militantisme et des contrats de consultant politique de son ancienne vie.
«Je n’ai rien fait de malhonnête», insiste celui qui bénéficie d’un emploi à vie depuis décembre 2015. Il dit cependant avoir l’impression de payer pour son engagement du passé. «Quand ton nom est associé à Gilles Vaillancourt, c’est moins positif qu’à l’époque!»
Le Journal a demandé à l’attaché de presse de Philippe Couillard s’il était à l’aise avec le passé de Pietro Perrino comme organisateur de Vaillancourt. Il nous a redirigés vers la porte-parole du ministère du Conseil exécutif, qui a à son tour renvoyé la question au politique.
Que fait Pietro Perrino ?
- Secrétaire général associé au ministère du Conseil exécutif (ministère du premier ministre)
- Dirige le Secrétariat du comité ministériel de l’économie, de la création d’emplois et du développement durable
- Ce comité regroupe les ministres aux portefeuilles économiques
- Il est présidé par le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles Pierre Arcand
- Le comité se penche sur les mesures économiques avant qu’elles ne soient présentées au Conseil des ministres
Les candidats le croyaient bénévole
Les anciens conseillers du Parti PRO des Lavallois qu’a joints notre Bureau d’enquête ignoraient que Pietro Perrino était rémunéré pour ses services lors de la campagne de 2001.
«Pour moi, il n’était pas payé, dit l’ancien conseiller Jean-Jacques Lapierre. D’après moi, il n’en avait pas besoin.» En fait, l’ancien consultant politique facturait bel et bien l’organisation.
Son titre officiel était celui d’«organisateur en chef», selon un autre ancien conseiller membre de l’exécutif qui a voulu garder l’anonymat.
Pietro Perrino agissait surtout comme conseiller du maire Gilles Vaillancourt, qui était le vrai patron de la campagne. «Il y avait aussi l’agent officiel Jean Bertrand, qui jouait un rôle très fort», dit Jean-Jacques Lapierre.
En 2013, l’Unité permanente anticorruption a arrêté Bertrand avec Vaillancourt et 35 autres personnes.
«Pietro Perrino n’avait pas beaucoup d’ouvrage à faire, dit Jean-Jacques Lapierre. On s’occupait pas mal chacun de nos affaires.»
Selon les conseillers interrogés, l’organisateur a rencontré chacun des candidats du parti, qui ont tous été élus. «Il était bon pour parler, expliquer la stratégie électorale, dit Robert Plante, l’un des rares anciens conseillers du PRO qui n’ont pas servi de prête-nom pour l’organisation. Il nous parlait surtout de discours, de tenue, de façons de se présenter...»
♦ Selon le rapport financier du Parti PRO des Lavallois de 2001, Pietro Perrino a donné 1000 $ à la campagne de Gilles Vaillancourt cette année-là. En entrevue, il assure ne pas avoir servi de prête-nom.
Comment Vaillancourt finançait ses élections, selon la commission Charbonneau
- Une ristourne de 2 % des entrepreneurs collusionnaires sur les contrats publics dans la municipalité à Laval, souvent payée en argent liquide.
- L’utilisation massive de prête-noms pour signer des chèques remboursés par de l’argent liquide, provenant des firmes d’ingénieurs. Selon l’agent officiel du Parti PRO des Lavallois, l’ex-avocat Jean Bertrand, tous les membres du comité exécutif et 20 conseillers le faisaient.
- Paiement de faux bénévoles avec de l’argent comptant.
— Avec la collaboration d’Andrea Valeria
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