Le temps des fêtes est une période de retrouvailles et de réjouissances. C’est l’occasion privilégiée pour les parents et les amis de se réunir et de célébrer. Habituellement, cette période est aussi l’occasion d’une trêve dans les zones de combat et sur la scène politique où les politiciens font relâche. Ils se taisent et retrouvent la quiétude de leur comté et de leur famille.
Mais si la vie politique institutionnelle tourne au ralenti, n’y a-t-il pas une autre forme de vie politique qui se manifeste? L’interaction politique entre les citoyens n’a-t-elle pas tendance à s’intensifier dans les multiples rencontres familiales ou amicales où les échanges d’idées et d’opinions foisonnent? N’assistons-nous pas dans le temps des fêtes à la constitution d’une agora politique informelle en raison de la forte concentration de rencontres sociales? Le temps des fêtes est une période propice à la socialisation politiques car aux échanges de souhaits et de cadeaux se mêlent aussi des échanges d’opinions.
Nous pensons que cette convivialité festive intensifie la communication politique et favorise l’action de ceux que l’on appelle des leaders d’opinion. Dans toute réunion de famille, il y a des personnes dont la parole fait autorité et qui exercent de l’influence sur leur entourage. De ces discussions entre la tourtière et la dinde résulte un brassage d’idées susceptible de modifier l’état de l’opinion publique.
Puisque les effets de conversion n’opèrent pas à court terme, il est peu probable que ceux qui ont déjà une opinion ou une identité partisane changent de parti entre Noël et le Jour de l’An. Mais nous avons déjà démontré empiriquement en analysant une décennie de sondages que l’effet politique du temps des fêtes se manifeste plutôt chez les électeurs indécis ou indifférents qui après avoir été exposés aux multiples conversations sont plus en mesure d’exprimer une opinion. Nous avons ainsi observé dans les années quatre-vingt que le taux des indécis était presque systématiquement plus faible dans les sondages réalisés en janvier comparés à ceux réalisés en décembre.
A cet effet sur le degré d’indécision politique, il faut ajouter ce qu’on appelle un effet d’agenda. Les événements politiques qui se produisent en décembre alimenteront les conversations et détermineront les enjeux auxquels les gens estimeront important de réfléchir. Un gouvernement qui cafouille, qui recule, qui fait des tête-à-queue, qui adopte des politiques controversées risque d’être vilipendés dans les diners de familles et sera probablement perçus plus négativement après le temps de fêtes qu’il ne l’était avant, surtout si sa gestion s’est avérée erratique. Il va de soi que les partisans libéraux et caquistes feront un bilan négatif des 100 premiers jours du gouvernement péquistes, mais leur négativité pourra être difficilement combattue par les partisans du Parti québécois qui ont été déçus des performances de leurs élus. Les premiers auront à tout le moins plus de munitions que les derniers pour influencer les indécis. On peut donc prévoir que le taux d’insatisfaction à l’endroit du gouvernement péquiste devrait être plus élevé après les fêtes qu’avant les fêtes.
Ceux qui ont voté Parti québécois se sentiront sur la défensive et seront moins vigoureux dans la défense de leur parti ce qui laissera le champ libre aux maraudeurs de Québec solidaire et d’Option nationale qui tenteront des opérations de ralliement des déçus du PQ. Ils profiteront de ces discussions pour dénoncer les promesses non-tenues, faire valoir leur point de vue et justifier la pertinence de leurs options politiques. Leur mot d’ordre sera de dire la prochaine fois votez-donc pour le vraie changement… Vos convictions ne vous décevront jamais. Suggérons à nos convives de cesser d’être les dindons de la farce.
Joyeux Noël et Bonne année