L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a louangé la réponse de la Chine à la pandémie de la COVID-19, la qualifiant d’« extraordinaire » dans un récent rapport rédigé par des experts qui ont séjourné dans la province du Hubei, ancien épicentre de l’épidémie. Des observateurs et l’organisation Human Rights Watch ont dénoncé l’absence de mention par l’OMS des atteintes aux droits de la personne qui ont accompagné les mesures prises par le gouvernement chinois. On sait notamment que ce dernier a profité de la crise pour étoffer son système de surveillance et que l’accès aux soins de santé de certains citoyens vulnérables s’est vu limité.
Une récente entrevue publiée le 16 mars dernier par ONU Info avec un spécialiste de l’OMS, le Docteur Gauden Galea, confirme la rareté des critiques vis-à-vis de la Chine de la part d’organisations internationales comme les Nations unies et ses différentes branches. On y va plutôt de compliments, en partie justifiés, quant aux mesures de grande ampleur déployées par les autorités. Pour expliquer ce ton favorable, les experts pointent vers un désir de l’OMS d’éviter que la Chine ne cesse de coopérer avec l’Organisation.
Alors que des pays démocratiques comme le Canada considèrent l’adoption des mesures d’urgence pour juguler la propagation du virus, une option qui peut en effet éventuellement s’avérer nécessaire, il relève plus que jamais du devoir d’instances comme l’OMS de rappeler aux gouvernements l’importance du respect des droits de la personne en période de crise. Puisqu’en plus de représenter des affronts éthiques, les atteintes aux droits fondamentaux représentent des obstacles à l’adoption de solutions durables.
La démocratie davantage porteuse
La revue britannique The Economist publiait à la mi-février un article arguant que les régimes démocratiques gèrent généralement mieux les crises sanitaires. La preuve s’illustre par le nombre de morts, qui s’y fait moins grand en cadres démocratiques. On attribue ces succès au partage libre d’information, et donc à la capacité des citoyens, experts et médias de critiquer les mesures gouvernementales afin que ces dernières soient améliorées.
Dans le même ordre d’idées, un court article publié dans la revue scientifique The Lancet nuançait l’efficacité de la réponse chinoise. L’article rappelait que la répression des travailleurs de la santé ayant sonné l’alarme dès décembre 2019 quant à l’arrivée d’un virus menaçant la vie humaine a permis la propagation de la maladie et repoussé dans le temps l’action gouvernementale.
L’autoritarisme, donc, ne serait pas porteur de vertus en matière de contention d’une crise sanitaire. Mais que faire alors des résultats indéniablement positifs de certaines mesures adoptées par la Chine ? Le nombre de personnes contaminées continue en effet de diminuer, et ce, pour le mieux de la population chinoise et mondiale.
Ce succès découle de mesures qui auraient pu être implantées sans le recours à une force aussi majeure. Comme le mentionnait dans les pages du Devoir la semaine dernière l’expert sur la santé publique en Asie, Frédéric Keck : « La “surveillance douce” de la population confinée à domicile, grâce à des drones et aux téléphones portables, a également joué un rôle important. » Les mesures les plus draconiennes entreprises par la Chine ont même mené au décès évitable de personnes souffrant de maladies chroniques, démontrant la contre-productivité de telles actions.
En plus de leur nature contre-productive, ces mesures autoritaristes permettent le déploiement et le renforcement de l’édifice de surveillance chinois. Le Citizen Lab, laboratoire de recherche de l’Université de Toronto qui publie des recherches à l’intersection de la communication, de la sécurité et des droits de la personne, a publié une étude détaillée des nouveaux mécanismes de censure mis en place par le gouvernement sur la plateforme de clavardage WeChat. Ces mesures empêchent le partage d’informations essentielles aux citoyens en cette période de crise, et élargissent le spectre des contenus interdits en Chine à tout sujet impliquant la COVID-19 et sa gestion gouvernementale.
Pour ceux qui seraient tentés de nommer d’autres exemples de pays non-démocratiques félicités pour leur réponse adéquate à la menace du pathogène tels que Singapour, il faut noter que leur succès ne repose pas sur leur donne autoritaire. On félicite plutôt le leadership pragmatique et rassurant du premier ministre de Singapour, Lee Hsien Loong, la détection rapide des porteurs du virus, et l’offre de services publics efficaces.
Souhaitons que les institutions les plus hautement considérées en matière de gestion de crises mondiales ne délaissent pas leur sens critique quand ce dernier s’avère le plus nécessaire. Promouvoir et assurer le respect des droits de la personne représentent des objectifs allant de pair avec l’endiguement d’une pandémie. Ne le perdons jamais de vue.