Pour son assermentation mercredi, Philippe Couillard avait promis de livrer un discours qui le définirait. Comme il a beaucoup parlé de son aversion pour la charte des valeurs du gouvernement péquiste, le chef libéral s’est surtout posé en défenseur des libertés individuelles. Il s’est dépeint comme un homme de principe qui luttera avec acharnement contre la tyrannie de la majorité. À l’approche d’une année électorale, le chef libéral fait preuve de courage, diront les uns, ou de témérité, diront les autres.
En politique, il vaut mieux ne pas laisser à ses adversaires le soin de définir qui l’on est, comme l’a appris à ses dépens Mario Dumont devant Jean Charest. Déjà que l’étiquette « Philippe flop » commençait à coller, Philippe Couillard était mûr pour un coup de barre.
En voulant interdire aux employés de l’État de porter des signes religieux ostensibles, « le gouvernement du Parti québécois a choisi par pure démagogie de s’attaquer à nos libertés », a martelé le chef libéral. La charte des valeurs n’a qu’un but à ses yeux : « faire oublier une des performances économiques les plus médiocres d’un gouvernement québécois »,faire diversion de façon « particulièrement cynique » en risquant de créer « une fracture sociale ».
« Nous ne marchanderons pas nos libertés, nous ne les échangerons pas contre des votes », a poursuivi Philippe Couillard.
L’affirmation est forte et péremptoire, du genre « Over my dead body ». Le chef libéral semble aimer les défis et les ultimatums. Mais cette déclaration révèle deux choses : que la position des libéraux sur le port des signes religieux peut leur faire perdre des votes, du moins chez les francophones, et qu’en mettant de l’eau dans leur vin, ils pourraient en gagner. Manifestement, ce n’est pas le genre de calcul politique auquel Philippe Couillard entend s’abaisser.
Position modifiée
Dans son discours, le chef libéral n’a pas mentionné que son parti avait modifié sa position d’origine et qu’il était maintenant prêt à envisager d’interdire le port de signes religieux aux agents « coercitifs » de l’État — juges, policiers, gardiens de prison, etc. —, mais non pas plus largement aux figures d’autorité, a-t-il tenu à préciser en conférence de presse en corrigeant un journaliste.
D’évidence, Philippe Couillard n’est guère enthousiaste à l’idée d’un tel accroc, aussi minime soit-il, aux libertés individuelles. N’eût été la sortie de Fatima Houda-Pepin, le chef libéral n’aurait pas bougé d’un iota. Ce n’est que pour la voir rentrer dans le rang qu’il a jeté du lest.
Encore qu’il ne soit pas assuré que la brave députée de La Pinière, vilipendée pour son manque de loyauté par plusieurs de ses collègues, gagnera quoi que ce soit. C’est un comité présidé par le député de Fabre et ex-bâtonnier, Gilles Ouimet, qui est chargé d’étudier la question : toute interdiction devra être rigoureusement conforme aux chartes. On pourrait arriver aux mêmes fins sans interdire quoi que ce soit, a avancé Philippe Couillard. « Il y a des façons, à mon avis, beaucoup plus intelligentes pour arriver au même résultat que de procéder par de bêtes interdictions qui risquent de nous plonger dans des débats juridiques interminables », a-t-il déclaré, sans vouloir se lancer dans l’explication, qu’il promet pour plus tard, de la quadrature du cercle.
Si Jean Charest dissimulait sa bien réelle ferveur canadian derrière la défense des revendications du Québec face à Ottawa et un discours au parfum nationaliste, Philippe Couillard n’a pas le même réflexe. À Jean-François Lisée qui juge que les Québécois se détachent de plus en plus du Canada, il répond que c’est une vue de l’esprit. À ces indépendantistes, il dit : « Quel est votre argument pour retirer la citoyenneté canadienne aux Québécois. Pourquoi on ferait ça ? C’est quoi, le problème ? »
L’héritage
« Au cours de notre histoire, ce sont des gouvernements libéraux qui ont réussi à faire progresser le Canada dans le sens des intérêts du Québec. Et, pour nous, il n’a jamais été question de choisir entre l’un ou l’autre. Nous réclamons tout notre héritage, toute notre histoire. Nous sommes québécois et canadiens, notre patrie et notre pays », a-t-il affirmé dans son discours.
Jean Charest savait aussi qu’en politique, toute vérité n’est pas bonne à dire. Souvent, il a préféré dire plutôt ce que les gens voulaient entendre. Philippe Couillard n’est pas de cette école. Du moins pas encore. « Nous voulons aussi un discours politique qui respecte l’intelligence des gens, a-t-il affirmé. Je parle franchement. Je dis ce que je pense. Ça ne changera pas. »
Philippe Couillard ne dédaigne pas de prendre ses distances de l’opinion commune. À un journaliste qui lui a demandé si sa mission, au regard de la charte des valeurs, c’était de protéger les Québécois contre eux-mêmes, Philippe Couillard a répondu que la population n’avait pas nécessairement besoin d’être d’accord avec lui. « C’est de convaincre les Québécois, pas nécessairement que notre position doit être la leur, mais de la profondeur des principes qui nous animent et qui mènent à cette position », a-t-il énoncé.
« C’est debout, sur les épaules des géants qui nous ont précédés, que nous pouvons mieux voir l’horizon et la destination », a déclamé Philippe Couillard à la fin de son discours d’assermentation. On le constate : l’homme de principe aborde la politique avec une hauteur certaine.
Philippe Couillard
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