Inconnu il y a peu encore, Emmanuel Macron est sans nul doute une figure importante de la présidentielle 2017. Il est celui que les médias présentent comme l’homme de la situation. Ses meetings sont retransmis par les grandes chaînes d’information en temps réel. Bien que son bilan de Ministre de l’économie et des finances ne plaide pas en sa faveur (600 000 chômeurs de plus), ses partisans voient en lui un modèle d’efficacité.
Dès ses premiers pas dans le monde politique il a essayé de se présenter comme un leader “anti-système”, alors qu’il est un pur produit du sérail. Il plébiscite la réforme des institutions qui, selon lui, sont un frein à la modernité. Il est en France le chef de file d’une doctrine économique qui prône la déréglementation pour les entreprises transnationales. Il est le grand responsable du « scandale d’Etat Alsthom « . Pour rappel, Alsthom Energie fut cédée en 2014 pour une bouchée de pain à l’entreprise américaine General Electric. Bref, Emmanuel Macron est l’incarnation du Traité constitutionnel (libéral) qu’une majorité de français ont rejeté au soir du 29 mai 2005.
Pourtant, à en croire les instituts de sondage, Emmanuel Macron est la personnalité politique préférée des Français. Ces derniers sont-ils devenus amnésiques au point d’oublier la caste de banquiers dont il est issu ?… ou plus simplement bénéficie-t-il d’une répétition de messages favorables dans les médias ?
Aussi, pour appréhender au mieux le “phénomène Macron”, plusieurs questions doivent trouver réponse. Par exemple : Quels sont les réseaux qui le soutiennent ? Qui le finance ? Au-delà des apparences, que dit-il vraiment ? Son discours se tient-il ? Est-il comme on nous le présente un véritable “fer de lance” ?
Groupes de pression & réseaux du patronat
En avril 2016 le journal Mediapart écrivait dans l’une de ses rubriques : « En annonçant la création de son mouvement « En marche! », le Ministre de l’économie a omis de préciser que l’adresse légale de son association était le domicile privé du directeur de l’un des principaux clubs patronaux, l’Institut Montaigne ».
Véritable officine au service de l’organisation patronale (MEDEF), l’objectif de l’Institut Montaigne est de promouvoir des idées néo-libérales telles que la mise du gaz de schiste au service de la compétitivité, la privatisation de l’assurance maladie, l’augmentation du temps de travail, ou encore le départ à la retraite à 63 ans avec une durée de cotisation de 43 ans. Il convient aussi de noter que le président de l’Institut Montaigne Henri de Castries fut président-directeur-général du groupe d’assurance Axa de mai 2000 à août 2016, où il s’est vu accorder un salaire annuel (hors revenus du capital) oscillant entre 2,8 millions et 3,2 millions d’euros. Quant à sa retraite (dorée), elle atteint un confortable revenu annuel de 1 056 000 euros.
En 1994, Henri de Castries était nommé à la French-American Foundation, institution connue pour être un Cheval de Troie du libéralisme américain dans la société française, qui compte parmi ses anciens disciples communément appelés « Young Leaders », une ribambelle de journalistes et de personnages politiques français. En septembre 2016, sur le site de la French-American Foundation nous pouvions lire « Breakfast avec Emmanuel Macron, ministre de l’Economie« .
Rappelons aussi que Henri de Castries a pris en 2012 la présidence du comité de direction du très opaque groupe Bilderberg, où l’on discute uniquement entre pairs, et qu’il a fini par rejoindre l’équipe de campagne de François Fillon,
De son côté, le directeur général de “Terra Nova” Thierry Pech, un think tank proche du PS, réfute les informations concernant sa participation active au mouvement d’Emmanuel Macron « En Marche ». Ceci-étant, dans Libération Thierry Pech ne cache pas sa «proximité intellectuelle» avec Emmanuel Macron. Une proximité confirmée par le grand nombre de membres et de contributeurs réguliers de “Terra Nova” qui apportent un soutien sans faille à Emmanuel Macron. En particulier, les économistes Philippe Aghion, Élie Cohen, Gilbert Cette, le Libéral-libertaire Daniel Cohn-Bendit, l’homme d’affaires Henry Hermand, Jacques Attali, le dirigeant d’entreprise Louis Gallois, et le sénateur socialiste Gérard Collomb.
Homme de réseaux, Gérard Collomb soutient ouvertement le mouvement « En Marche! » depuis sa création. Pour preuve, ce dernier déclara par voie de presse « Les 23 et 24 septembre 2016, nous organiserons à Lyon un colloque des réformistes européens et mondiaux avec l’Institut Montaigne, les think tanks “Les Gracques” (un autre groupe de pression) et “Terra Nova”. Il y aura aussi des think tanks italiens, allemands, anglais et des membres de l’équipe d’Hillary Clinton ». Cependant, “Terra Nova”, toujours très proche du parti socialiste, décidera de se retirer de l’événement.
Roger Lenglet et Olivier Vilain, tous deux auteurs d’“Un pouvoir sous influence, quand les think tanks confisquent la démocratie » nous démontrent que ces think tanks ont pour point commun d’être soutenus par des groupes industriels cotés en bourse et favorables à la déréglementation économique. Leur enquête comprend une étude qui mesure le nombre de fois où les think tanks sont cités publiquement par les parlementaires et dans les médias. Roger Lenglet nous résume ici “qu’avec l’auréole de l’expertise, on voit depuis les années 2010 se multiplier l’influence des think tanks« . Lenglet et Vilain, dans leur travail de décryptage, reviennent sur l’influence libérale des think tanks tels que Terra Nova , l’Institut Montaigne ou la Fondation Jean-Jaurès.
L’Institut Montaigne est financé entre autres par des entreprises du CAC 40 telles que Veolia, Sanofi, Rothschild & Cie, Michelin, Microsoft, Groupama, Bank of America, Merrill Lynch, BNP Paribas, Bolloré, Bouygues.
Selon le journal en ligne Rue89, en 2013, Terra Nova était financée à 80 % par le mécénat d’entreprise et 20% par la cotisation des adhérents. Parmi les mécènes: Areva, EDF, Caisse des Dépôts, Microsoft, Sanofi, Vivendi, Google, etc. En somme du déjà-vu plus haut, et il n’est pas difficile de comprendre que comme l’Institut Montaigne, Terra Nova est plus un lobby au service du capital qu’un cercle de réflexion.
Quant à la Fondation Jean-Jaurès, si l’on en croit son dernier rapport, elle perçoit des subventions du Premier ministre (31%), des subventions publiques sur projet (28%), des fonds issus de partenariats européens (17%), du Mécénat (14%), ses ressources propres (publications, dons…) ne représentant que 10% de ses revenus.
Financements en eaux troubles
En novembre 2016, Europe 1 se fait le porte parole d’”En Marche!” en titrant une chronique : « Macron répond à Hamon sur le financement de “En Marche!” : « Chez moi, on ne vit pas du contribuable« .
Benoît Hamon lui avait posé la question suivante « Si tu es hors système, acceptes-tu de rendre publique et transparente [la liste des] donateurs de ta campagne ? » Pour se défausser, Emmanuel Macron évoque le secret fiscal qui protège l’identité des donateurs. Il ajoute « Un ancien ministre devrait savoir qu’il faut respecter la loi. » Puis il conclut « Je suis en effet hors système puisque j’ai créé un mouvement en avril dernier et ce mouvement n’a aucune subvention publique. Donc chez moi, on ne vit pas du contribuable« .
En premier lieu, nous sommes en droit de penser que Benoît Hamon demande simplement à Emmanuel Macron des indications sur les gros donateurs (organismes financiers, Banques, etc). Et la moindre des chose eût été que le candidat Macron fasse preuve de transparence.
Nous pouvons également constater qu’Emmanuel Macron ne manque pas de toupet quand il déclare qu’un ancien ministre devrait savoir qu’il faut respecter la loi. Rappelons-nous en effet qu’à l’époque où il était ministre, Emmanuel Macron avait sous-évalué la valeur de la maison de son épouse de 200 000 €.
Emmanuel Macron nous dit ensuite « chez moi, on ne vit pas du contribuable« . Sur ce fait, il omet simplement d’expliquer qu’il n’a pas d’aide directe car pour l’heure “En Marche!” n’a tout simplement pas d’élus. Mais la loi permet à tout donateur de dons ou cotisations à un parti politique de bénéficier d’une réduction d’impôt. Donc par voie de conséquence “En Marche!” bénéficie d’une aide indirecte de l’Etat.
Et concernant les aides directes, En marche présentera 577 candidats aux législatives qui suivront l’élection présidentielle. Dès lors la loi prévoit un financement public accordé aux différents partis en fonction de deux critères : premièrement leurs résultats aux élections législatives, pour ceux qui ont présenté des candidats ayant obtenu au moins 1% des voix dans au moins 50 circonscriptions, et deuxièmement leur nombre de parlementaires. Pour vous faire une idée plus précise, sachez qu’en 2013 le montant global versé aux partis et formations politiques de métropole et d’outre-mer s’est élevé à 70 083 332,15 € dont notamment : 28 480 742,50 € pour le PS ; 19 870 309,79 € pour l’UMP ; 5 543 646,41 € pour le FN ; 3 521 792,11 € pour Europe Écologie-Les Verts ; 3 222 320,99 € pour le PCF (décret n°2013-430 du 27 mai 2013).
Regardez la porte parole Laurence Haïm très mal à l’aise dès qu’il s’agit d’évoquer le financement de la campagne de Macron.
D’autre part nous avons vu dans le paragraphe précédent que les think tanks qui soutiennent Macron bénéficient d’une aide publique directe. Des think tanks qui peuvent êtres soutenus par des entreprises qui sont elles-mêmes liées à l’Etat. Enfin, il ne faut pas négliger le fait que “En Marche!” est très probablement soutenu aussi par des banques. Or comment oublier qu’en 2008 l’Etat a déposé 360 milliards sur la table pour sauver les banques ? Et là, n’en déplaise à l’ancien Ministre de l’économie, il fut question de l’argent des contribuables. Ce rappel prend encore plus d’importance à la lumière de la réforme du 1er janvier 2016 : Les banques peuvent désormais ponctionner les comptes des déposants. Cette directive européenne fut transposée dans le droit français en toute discrétion quelques jours avant la Noël 2015, et à cette époque monsieur Macron était toujours ministre de l’économie.
Autre adversaire d’Emmanuel Macron : l’ex ministre de la Culture Aurélie Filippetti. Elle qualifie Emmanuel Macron de « candidat du grand capitalisme financier ». Le député PS Richard Ferrand, secrétaire général du mouvement “En Marche!”, rétorque « Je laisse Mme Filippetti à ses saillies nauséabondes et à ses arguments qui sont dignes du Front national« . En bref, du déjà-vu des dizaines de fois sur ce blog. Pour la énième fois Richard Ferrand a recours à la méthode par l’amalgame qui consiste à fusionner ses contradicteurs avec le Front national. Ainsi donc, le point Godwin est atteint. Si vous demandez des comptes à Emmanuel Macron sur ses liens avec la finance, c’est que sans aucun doute vous avez des idées proches du FN. Cependant, nous verrons plus bas en détail que les idées putrides ne gênent pas Emmanuel Macron quand il est question de siphonner des voix.
En janvier 2017 une polémique fait rage. Après deux ans d’investigations, les journalistes Frédéric Says et Marion L’Hour viennent de publier « Dans l’enfer de Bercy ». Si on en croit cet ouvrage, Emmanuel Macron à l’époque où il était encore ministre a utilisé à lui seul 80% de l’enveloppe annuelle des frais de représentation accordée à son ministère par le Budget. Une somme estimée à 120 000 euros. Des crédits du ministre à Bercy auraient donc été utilisés pour le lancement du mouvement « En Marche », écrivent Frédéric Says et Marion L’Hour. Depuis le Liban où il était en déplacement, Emmanuel Macron réagit « Aucun centime du budget du ministère de l’Économie (…) n’a jamais été utilisé pour En Marche!. Toute affirmation du contraire est purement et simplement diffamatoire. Celles et ceux qui continueront à écrire et à dire des contre-vérités seront poursuivis« . “Peut-être”… dirons-nous après coup, mais que penser d’Emmanuel Macron qui crie à la diffamation, sans toutefois porter plainte contre les auteurs d’un livre qui lui est très défavorable ?
Emmanuel Macron à la pêche aux voix dans le fief de l’anti-républicanisme
Dans un billet précédent, nous sommes revenus sur la visite au Puy-du-Fou de celui qui était il y a encore quelques temps le Ministre de l’économie d’un pouvoir dit “socialiste”. Là, Emmanuel Macron a rencontré l’une des figures de proue de l’ultra droite islamophobe française Philippe de Villiers.
À titre de rappel, la spécialité de Monsieur de Villiers est d’entrelacer sa lecture fantasmée de l’Histoire avec des concepts politiques paranoïaques tels qu’Eurabia et le Choc des Civilisations. Ce porte-parole paranoïaque n’a pas la moindre analyse sociale. Pour Philippe de Villiers, les musulmans pauvres et les musulmans riches sont “du même bois”. Et pour scénariser sa petite histoire, il surajoute une dose d’eschatologie, c’est-à-dire des manifestations des signes de la fin des temps. Ce raisonnement fallacieux fait de Philippe de Villiers le théoricien de la conspiration type.
A l’occasion de cette rencontre Macron – de Villiers, Emmanuel Macron déclara « je ne suis pas socialiste« . D’ailleurs ne se situe-t-il pas “par-delà la gauche et la droite”, cher au criminel de guerre Tony Blair ? En avril 2016, quand Andrew Marr, chroniqueur vedette de la BBC, compara le ministre de l’Economie français à Tony Blair, Emmanuel Macron rétorqua “Je vais prendre ça comme un compliment”. Pour Emmanuel Macron, il manque un roi à la France : « Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort » (extrait d’une interview accordée à LeUn Hebdo, du 8 juillet 2015). A Orléans le 8 mai 2016, Emmanuel Macron a salué Jeanne d’Arc qui « a su rassembler la France ». Si pour certains, Jeanne d’Arc est un symbole de courage et de résistance, nous sommes malgré tout en droit de nous interroger sur les réelles motivations d’Emmanuel Macron qui dans un laps de temps très court vient de créer un parti politique, déclarer qu’un roi manque à la France, qu’il admire Jeanne d’Arc, et qui pour finir part en vacances chez le vicomte Philippe de Villiers.
En ce qui concerne le volet économique et social, les objectifs de celui qui fut Ministre de l’économie du gouvernement Valls sont quasi-identiques à ceux de l’ex-secrétaire d’Etat du gouvernement Chirac. Le ministre de l’Économie s’est prononcé en novembre 2015 pour une rémunération « au mérite » des agents de la fonction publique, soulevant un tollé chez les syndicats. Le candidat Philippe de Villiers à la présidentielle de 2007 avait proposé « la rémunération au mérite pour les fonctionnaires ». En 2016 Emmanuel Macron suggère de supprimer l’impôt sur les grandes fortunes (ISF). En 1995 Philippe de Villiers insistait fermement sur ses intentions de supprimer l’impôt sur les revenus. En janvier 2016, Le Monde Économique titrait l’une de ses chroniques « Emmanuel Macron prêt à mettre fin «de facto» aux 35 heures ». Philippe de Villiers a toujours été hostile à la réduction du temps de travail. Donc à quelques années d’intervalle, les deux hommes nous ont proposé des services publics a minima, une déréglementation des lois du travail, et l’acceptation du principe de l’inégalité. Cela s’appelle le Thatchérisme. D’ailleurs, M. Macron a confessé en mars 2015 à la BBC qu’il aurait fallu une Margaret Thatcher à la France.
Il suffit d’ailleurs de voir le coordinateur du programme d’E. Macron, Jean Pisani-Ferry incapable de cacher que, contrairement aux promesses, les retraites subiront une cure d’austérité.
De l’arrogance au « racisme social »
Le mépris de classe est un travers qui refait surface à intervalle régulier chez Emmanuel Macron.
Sur Europe1 en face de Jean-Pierre Elkabbach en septembre 2014, pour sa première interview en tant que ministre de l’économie, M. Macron s’est fait connaître du grand public avec ses propos sur les employés des abattoirs Gad. Précisément, Emmanuel Macron a dit : » Il y a dans cette société (Gad), une majorité de femmes, il y en a qui sont pour beaucoup illettrées, pour beaucoup on leur explique : ‘Vous n’avez plus d’avenir à Gad ou aux alentours. Allez travailler à 50 ou 60 km !’ Ces gens-là n’ont pas le permis de conduire, on va leur dire quoi ? » Le ministre s’exprimait au micro d’Europe 1, regrettant le coût et les délais nécessaires pour ce permis.
En avril 2016, face à des syndicalistes qui simplement (voir ici la vidéo) lui demandent des comptes, M. Macron s’énerve en direct. Vexé, le “gendre idéal” se transforme très vite en “loup-garou” « Je n’ai pas de leçons à recevoir.» Et sans la moindre pudeur il ajouta « Le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler.«
Un complexe de supériorité une fois de plus démontré après sa visite dans le Pas-de-Calais au début de cette année 2017. Là, Emmanuel Macron officiellement candidat à l’élection présidentielle déclare « Dans ce bassin minier, les soins se sont moins bien faits, il y a beaucoup de tabagisme et d’alcoolisme, l’espérance de vie s’est réduite, elle est de plusieurs années inférieure à la moyenne nationale. (…) Il faut traiter cela en urgence afin de rendre le quotidien de ces personnes meilleur.» Au regard oblique de l’ancien Ministre, il nous semble prépondérant d’opposer quelques études factuelles émanant de services spécialisés, qui au demeurant concernent directement la catégorie socio-professionnelle d’où est issu M. Macron.
Décryptage d’une rhétorique
Juillet 2016, Emmanuel Macron est en marche vers la campagne présidentielle. A La Mutualité (Paris), devant un large public, notre ministre sûr de son fait pose les bases de ce que l’on pressent déjà comme étant l’assise institutionnelle de “l’entreprise Macron”. Que doit-on retenir de cette première?
Tout d’abord, avec son « entre les progressistes et les conservateurs », notons que globalement, Emmanuel Macron s’intercale entre le discours d’investiture de Nicolas Sarkozy en 2007 et celui de François Hollande au Bourget en 2012. M. Macron est aussi libéral que le Nicolas Sarkozy de 2007 sur les questions économiques, et très proche du François Hollande de 2012 sur les questions de société. Ainsi, sur la question économique et sociale, nous pourrions presque nous risquer à une analogie entre la nouvelle coqueluche d’aujourd’hui Emmanuel Macron, et le comédien Yves Montand qui en 1984 fut mandaté pour faire accepter la contrainte budgétaire aux français. Yves Montand anima une émission de télévision spéciale intitulée “Vive la crise”. Avec le recul, cette émission « Vive la crise » semble avoir été l’un des signes avant-coureurs de l’hégémonie du libéralisme, mais aussi de la politique « bling-bling » qui engendra les Bernard Tapie, Nicolas Sarkozy, et à présent Emmanuel Macron.
Concernant les relations internationales, M. Macron reste pour l’heure plutôt énigmatique, néanmoins nous connaissons certaines de ses références, en particulier le trio va-t-en-guerre Obama, Blair, Hillary Clinton. Logiquement, l’actuel porte-parole de “En Marche!”, Benjamin Griveaux, pour se soustraire par la diversion à une question qui concernait les liens de « En Marche! » avec la finance, affirma sur RMC que la plupart des candidats autres que M. Macron étaient des agents du Kremlin. La preuve de cette vision pour le moins manichéenne est apportée, insista Benjamin Griveaux, puisque –selon lui- “les sites d’information russes RT et Sputnik écrivent uniquement sur Emmanuel Macron« . Cette russophobie n’est pas sans rappeler la stratégie de communication qui consiste à utiliser des mots épouvantails, en l’occurrence ici “Kremlin”, afin de diaboliser les adversaires. Ce type de sophisme nous vient tout droit d’une période de l’Histoire américaine appelée « Peur rouge« , qui est qualifiée fréquemment de chasse aux sorcières. Et il est certain qu’il y a toujours chez les atlantistes, des réminiscences de cette période. Par conséquent ces derniers ne peuvent appréhender le monde qu’à travers le prisme d’un rapport de force. Une résurgence de la guerre froide tout à fait visible chez M. Macron lorsqu’il déclare « Je veux réancrer monsieur Trump dans le camp de l’Occident ».
Nous avons aussi remarqué que sa rhétorique s’appuie pour l’essentiel sur des formules qui se suffisent à elles-mêmes, par exemple : (Discours de La Mutualité, 12 juillet 2016) « Il faut changer le pays » – « Il n’y a pas de plus belle chose que de servir son pays” – “Ce monde est ancien, il est usé, il est fatigué, il faut en changer” – “Nous vivons une refondation » – “Il faut un souffle nouveau” – “Le moment est venu de faire des choix clairs” – “Cette histoire, elle dérange. Ça arrive, j’en sais quelque chose. Parce qu’elle vient contrarier l’ordre établi, parce qu’elle inquiète le système“. Ce type de petites phrases représente bien les deux tiers de son discours. L’argumentation de M. Macron n’est jamais avare de confusion et de non-sens, notamment «révolution démocratique »… Cela ne veut pas dire grand chose et c’est pourtant le titre de son dernier ouvrage.
Nous pouvons également affirmer que la contradiction est une prérogative dans le “process” Macron. Il chante, nous venons de le voir, les louanges de la Révolution et de la Démocratie, mais nous avons vu en exergue qu’il considère qu’il manque un Roi à la France… De même, il a pris ses distances avec le gouvernement Valls sur le dossier de la déchéance de nationalité, néanmoins six mois plus tard il vanta les mérites de l’islamophobe Philippe de Villiers. “Je suis pour le renouveau démocratique« , dit-il à qui veut l’entendre, pourtant il y a un an sa loi travail fut imposée par le recours à l’article 49-3 de notre Constitution. Cela alors que les trois quarts des Français (74%) se disaient opposés à cette Loi. ”Fillon, c’est Thatcher dans les années 80, la France mérite mieux que ça !” s’exclame Emmanuel Macron, et pourtant dans le préambule nous avons vu qu’il confiait à la BBC que selon lui il aurait fallu Margaret Thatcher à la France. A Alger il déclare «La colonisation française est un crime contre l’humanité». Mais cette première proposition qui rendrait la France passible du TPI est annihilée par cette injonction : « je ne regrette rien, la France a installé les droits de l’homme en Algérie, mais elle a oublié de les lire ». De fait, l’esprit néocolonial revient au galop. Dès lors comprenons une fois de plus, qu’en moins de deux minutes Emmanuel Macron est capable de changer son discours du tout au tout. Lire “Macron philosophe: ces intellectuels qui n’y croient pas”.
Voici quelques contradictions de M. Macron via twitter :
Enfin, l’auto-glorification est un ingrédient incontournable dans ses discours. Dans un premier temps il flatte son auditoire, avec des phrases consensuelles telles que « notre histoire inquiète le système« , ou encore « vous êtes exceptionnelles« . Toutefois, quand nous écoutons attentivement ses discours, nous percevons très vite qu’il y a toujours l’idée d’un “retour sur investissement” chez le banquier Macron. Si au préalable, il est aussi généreux avec son public, c’est pour mieux se glorifier par la suite. En somme, dès que nous actionnons le décodeur, nous obtenons l’image suivante: « vous êtes supers parce que vous suivez un super leader« . Alors bien sûr, on nous rétorquera que tout cela est le lot de nombreux hommes politiques. Certes, à ceci près que chez Emmanuel Macron, cette autoglorification voilée relève pratiquement du messianisme. D’ailleurs dernièrement sur RMC Gérard Filoche n’a-t-il pas comparé Emmanuel Macron à un prêcheur américain ? Et à y regarder de près, nous ne pouvons qu’adhérer à cette idée qui est corroborée par M. Macron lui-même lorsque, à ceux qui lui reprochent de ne pas avoir de programme, il répond « c’est une erreur de penser que le programme est le coeur d’une campagne électorale, car la politique c’est une magie mystique« . Et il ajoute « La dimension christique, je ne la renie pas”.
… au point que son obsession du pouvoir tourne quelquefois au ridicule. Souvenez-vous ici, lors de son premier meeting parisien le 12 décembre dernier, de cet Emmanuel Macron surexcité, exubérant, soucieux de satisfaire ses ambitions. Voyez aussi son discours de Quimper du 16 janvier, où M. Macron sermonne Donald Trump… Pourquoi pas nous direz-vous, mais alors à vous de juger les mots qu’il emploie : « Monsieur Trump” ou « l’Américain », “N’oubliez jamais que si vous êtes une nation libre, c’est parce que des ambitieux sont partis de ces terres avec l’amour de la liberté, avec le même rêve, le rêve français, le rêve européen. Monsieur Trump, n’oubliez jamais ce que vous nous devez. La liberté, votre existence, c’est celle de Lafayette, c’est la nôtre« . Bref, cela se passe de commentaire.
Bien qu’il soit présenté par ses soutiens comme un esprit brillant, il n’y a jamais de rigueur dans les démonstrations d’Emmanuel Macron, en aucune façon notre homme ne prend la peine de partir d’un point A pour aller vers un point B. Il faut donc oublier la précision et la notion de logique avec Emmanuel Macron. A ce jour, seule l’exaltation de la course au pouvoir semble le combler.
Conclusion
Face à cette tentative de synthèse, il est indéniable qu’Emmanuel Macron bénéficie du soutien sans faille de beaucoup de grands médias. D’une part, certains patrons de la presse nationale affichent clairement leur préférence, d’autre part un très grand nombre de chroniqueurs vedette prennent le relais de leurs patrons en louant les mérites du candidat Macron, ce qui oriente forcément l’opinion publique. Cette quasi-unanimité dans la presse n’est pas sans rappeler le rôle que joua cette même presse à l’occasion du référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005. Nous avons écrit en introduction qu’Emmanuel Macron “est l’incarnation de ce traité libéral », un point de vue conforté ici qui n’annonce rien de nouveau sous le soleil. De facto, cette propagande est donc surtout conforme aux attentes d’une minorité de gens liés par la richesse. Et Emmanuel Macron n’y apparaît alors que pour ce qu’il est : le faire-valoir d’une ploutocratie qui a pour objectif d’assurer ses avantages en contrôlant autant que possible le débat politique.
Le problème pour notre oligarchie hexagonale au demeurant atlantiste, c’est que le monde est encore en train de changer, et vite. La politique sécuritaire et militaire qu’a menée l’Occident s’est avérée plutôt décevante. Elle affiche un passif meurtrier et dévastateur, et nous pouvons nous risquer à penser que l’OTAN pourrait bien vivre son crépuscule dans les années à venir.
A partir de ce constat, l’escroquerie Macron ne fonctionne que si elle s’appuie sur une autre escroquerie nommée “Front national”. Grâce à la magie du “rassemblement républicain” qui se profile face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron est ainsi pratiquement sûr de remporter l’élection présidentielle. Aussi comprenons bien que la grande force de notre système politique est de favoriser au préalable le monstre FN, de le nourrir afin qu’il soit le plus effrayant possible, et ainsi de nous offrir un chevalier blanc qui abattra la bête au printemps prochain. “Nous sommes en pleine mystique“ nous dit M. Macron. Il est donc décidément très compliqué de lutter efficacement contre Emmanuel Macron. Qui plus est, il est à cette heure difficile d’imaginer comment un candidat de gauche pourrait dépasser Emmanuel Macron sans le concours du Parti socialiste. Or sur le plan de notre politique étrangère, le Parti “socialiste” a toujours été colonialiste et américanisé, et sur le plan intérieur le pouvoir socialiste a favorisé l’émergence d’Emmanuel Macron, tandis qu’il faut bien reconnaître que les différents gouvernements de François Hollande ont sans vergogne trahi leur électorat. Un constat d’autant plus amer que malgré les résultats de la primaire, les apparatchiks Hollande, Valls, Ayrault ou encore Cambadélis, sont toujours les maîtres de la maison socialiste.
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