L’arme de la reine-nègre sous le regard des larmes

Tribune libre 2008

Avec toute la polémique entourant l’utilisation du terme « reine-nègre »
par Victor-Lévy Beaulieu et de la réaction abusive envers la liberté
d’expression du député libéral Emmanuel Dubourg, il ressort qu’il n’est pas
bon de mêler les sentiments et la politique. Des deux côtés, le
sentimentalisme est à fleur de peau et on s’envoie à qui mieux mieux les
pots!
VLB n’est pas dupe du pouvoir des mots et il est certain que la
multiplicité de sens du terme « nègre », bien que couplé en néologisme à «
reine », ne lui a pas échappé, oh! que non! L’insulte se trouvait donc au
moins sous-jacente comme une bombe à retardement, sinon évidente comme une
main toujours prête à gifler. En somme, un beau coup calculé, puisqu’il est
toujours possible d’arguer, avec un coup de poing sonore sur la table de
concertation, que le sens rejoint seulement et seulement celui du « roi
nègre », lié au colonialisme…
Qui me dira sans rire que cette missive assassine à double tranchant n’est
pas l’art de se laisser émouvoir par l’adversité? Il n’y a que de
l’épanchement débordant pour donner un résultat aussi bien rempli
d’ambiguïté, propice à provoquer la colère chez les autres, ces autres
malins qui ont assurément accompagné les pensées de l’écrivain alors qu’il
traficotait sa bombe incendiaire. Tout ça pour dire que ce concept de
reine-nègre n’est pas le fruit du hasard, mais bien plutôt le fruit de la
fatalité, résultat d’au moins une douce tristesse devant la personne de
Michaëlle Jean, symbole amer.
Qu’on rabaisse ce symbole à de l’utilitarisme pur et à la charge émotive
qui sous-tend toujours la question de la race, ou plus clairement du
racisme, c’est ce qui blesse à mort le député Emmanuel Dubourg :
sentimentalisme encore… Mais bien plus alors qu’il franchit le pont qui le
mène jusqu’à la censure en pleurant! Comment y glisser sans le lubrifiant
des larmes?
Alors là, la faute de l’écrivain s’amincit à la mesure de la démesure du
député. Le monument de la liberté d’expression est bien plus important que
la statuette à l’effigie de la gouverneure générale : il faut le répéter
comme si c’était le dernier leitmotiv disponible et possible. Je comprends
les blessures de monsieur Dubourg, mais cette compréhension ne commande pas
la validité d’un retour en enfance où le père de l’un serait plus fort que
l’autre, le père étant ici, pour ce dernier, évidemment le pouvoir
législatif de l’État.
En espérant que lorsque la source de ses larmes se sera tarie, il
reprendra à nouveau les armes pour défendre la liberté d’expression.
L’humain est un être d’humeur, et un politicien se devrait toujours d’être
humble par rapport à sa propre humanité.
Pascal "Renart" Léveillé
http://renartleveille.wordpress.com/2008/05/28/larme-de-la-reine-negre-sous-le-regard-des-larmes/
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