Revue de presse

L'affaire Hérouxville a fait le tour du pays

Hérouxville - l'étincelle

Le débat québécois sur les accommodements raisonnables n'est pas passé inaperçu au Canada anglais. La nouvelle du dépôt éventuel d'une plainte contre le code de vie d'Hérouxville par deux organisations musulmanes a fait le tour du pays. Les journaux qui ont traité de toute la question, le Globe and Mail et le Toronto Star en particulier, l'ont fait avec des pincettes, évitant de tirer des conclusions hâtives.

Hérouxville a trouvé des supporteurs. [Margaret Wente->4304], du Globe, a écouté avec curiosité le conseiller André Drouin s'expliquer à l'émission As It Happens, de la radio de la CBC. À sa propre surprise, avoue-t-elle, les auditeurs se sont en général dit d'accord avec M. Drouin. Wente rappelle que le code d'Hérouxville a touché une corde sensible que les élites auraient intérêt à ne pas ignorer. «La grande majorité des Canadiens, écrit-elle, croient, malgré notre politique officielle du multiculturalisme, qu'il revient aux immigrants de s'intégrer.» Selon elle, les gens ont le sentiment que ce n'est pas toujours le cas, surtout à Toronto où, affirme-t-elle, des enclaves ethniques ont fait leur apparition, un sujet que le Globe a aussi abordé dans un long dossier. Wente demande quelle est la culture à laquelle on veut voir les immigrants s'intégrer, quand certaines écoles comptent une majorité d'enfants nés à l'extérieur du pays. «Aucun politicien n'ose demander si nous n'accueillons pas trop de gens par rapport aux capacités du système. Les gens ordinaires, eux, se posent la question et avec raison.» Citant un sondage de 2005, elle rappelle que la majorité des gens trouvent aussi qu'on accommode trop les minorités religieuses. «Comment transformer les nouveaux arrivants en Canadiens? Et qu'arrivera-t-il si on échoue? Ce sont les vrais défis que les péquenauds d'Hérouxville tentent gauchement de résoudre. Ces enjeux sont sérieux et prétendre le contraire serait une très grosse erreur», conclut-elle.
[L'équipe éditoriale du Post->4286] trouve qu'on a fait peu de cas du préambule du code d'Hérouxville et de son invitation adressée à quiconque voudrait s'y établir, sans égard à sa race, à sa langue, à sa religion et ainsi de suite. Le quotidien déplore cependant plusieurs éléments du code, en particulier ses édits alimentaires ou son ton paternaliste qui laisse entendre que les immigrants ont besoin de se faire faire la leçon en ce qui concerne les normes canadiennes. Citant les affrontements à caractère ethnique qui ont eu lieu en Europe, le Post rappelle que les relations interculturelles suscitent toujours des heurts, mais que l'enjeu est trop sérieux pour être traité de façon théâtrale. «Nous ne devons pas laisser ces questions nous obnubiler au point d'en arriver, de façon très peu canadienne, à vouloir atteindre une pureté et une conformité culturelles», conclut le Post.
L'immigration sous la loupe
L'immigration suscite des débats au Canada anglais, mais les préoccupations ne sont pas nécessairement les mêmes qu'au Québec. En Saskatchewan ou au Nouveau-Brunswick, on se demande comment attirer ces nouveaux venus pour ainsi contrer le vieillissement accéléré de leur population. En Alberta, c'est pour faire face à une grave pénurie de main-d'oeuvre.
En général, cependant, on s'inquiète de voir que, malgré leur éducation de plus en plus poussée, les immigrants arrivent plus difficilement qu'avant à se trouver un emploi dans leur domaine. L'ex-diplomate Martin Collacott se demande, dans le National Post, si finalement on n'accepte pas trop d'immigrants. Collacott a pris note de l'enquête de Statistique Canada qui décrivait récemment les difficultés économiques des nouveaux arrivants malgré le fait qu'ils sont bardés de diplômes. L'ancien ambassadeur soutient que l'immigration est rarement la solution à des pénuries de main-d'oeuvre autres que ponctuelles. «La croissance économique dépend avant tout de politiques réfléchies qui favorisent l'investissement et la concurrence et qui fait le meilleur usage possible de la main-d'oeuvre.» À son avis, un examen approfondi des politiques d'immigration s'impose.
Jeffrey Simpson, du Globe and Mail, va dans le même sens. Il estime que le système, qui a commencé en 1993 à donner priorité aux immigrants bien formés, est un échec. À son avis, il faut examiner de plus près ce qui explique que des gens éduqués arrivent moins bien que les immigrants d'il y a 30 ans à se sortir de la pauvreté. Est-ce vraiment seulement une affaire de diplômes ou d'expérience de travail non reconnus? «Le Canada a favorisé certains types d'immigrants en assumant qu'il n'en découlerait que de bonnes choses sur le plan économique. Cette prémisse s'avère aujourd'hui douteuse.» Et il faut chercher pourquoi.
Minorités... linguistiques
On ne parle plus souvent des droits des minorités linguistiques ces temps-ci, mais elles savent que rien n'est jamais acquis. Au Nouveau-Brunswick, un débat fait rage sur le bilinguisme au sein de la GRC, qui sert de police provinciale. Le gouvernement provincial exige des services bilingues à la grandeur de la province; la police fédérale répond qu'elle ne peut respecter cette norme avec seulement 68 % d'agents bilingues. Le ministre fédéral Stockwell Day propose de corriger la situation au moment de la signature d'un nouveau contrat de travail en... 2012. Le New-Brunswick Telegraph-Journal trouve cette réponse inadéquate, tout comme l'idée de munir les agents unilingues de petits cartons avertissant les francophones qu'ils seront servis dans leur langue quand un agent bilingue sera disponible. Les policiers répondent à des situations d'urgence qui ne peuvent attendre; le Nouveau-Brunswick est officiellement bilingue et le contrat avec la GRC doit le refléter, insiste le journal. «Et si la GRC ne peut respecter cette obligation, elle ne devrait pas se voir confier le travail.»
mcornellier@ledevoir.com


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