On a vu la scène mille fois au cinéma.
Un jeune roi inexpérimenté et influençable est entouré des grands barons du royaume.
Ceux-ci le flattent, mais pensent d’abord à leurs propres intérêts.
On ne sait trop si le jeune monarque ne voit pas leur double jeu ou s’il fait semblant de ne pas voir parce qu’il ne peut leur tenir tête.
Où je veux en venir ? Mais à la légalisation du pot, évidemment.
Danger !
Je suis pour le principe de la légalisation parce qu’il vaut mieux encadrer les phénomènes sociaux que l’on ne peut enrayer.
Mais plus on examine cette question, plus on a des raisons de craindre que nous nous dirigions vers la création d’un monstre légal.
Les enjeux de santé publique, à la charge des gouvernements provinciaux, sont complexes. La demande du Québec d’un délai supplémentaire a été balayée du revers de la main.
On comprend mieux maintenant la hâte du roi Justin : les barons du régime piaffent d’impatience.
Il y a des centaines de millions en jeu, prêts à être cueillis.
Le dossier publié lundi dans Le Journal est – pardonnez le mauvais jeu de mots – hallucinant.
Sur les 86 producteurs de cannabis accrédités par le gouvernement fédéral, 35 reçoivent du financement d’investisseurs inconnus domiciliés dans des paradis fiscaux : îles Caïmans, Bahamas, Belize, Dominique, Aruba, Curaçao, Malte, Barbade, île de Man, Îles Vierges britanniques, îles Marshall, îles Seychelles, Panama, Luxembourg.
On n’est plus du tout dans le pot cultivé dans une petite serre discrète, près du 8e rang de Saint-Pamphile, pour distribution au cégep du coin par un petit pusher qui verse sa commission à des gars habillés en cuir.
Ces gros investisseurs voient l’énorme potentiel du marché légal que l’État va leur offrir sur un plateau d’argent.
Copains
Il est ahurissant de voir aussi la longue liste de libéraux influents qui sont sur la grille de départ et font déjà tourner leurs moteurs.
Allez lire la chronique d’hier de Mario Dumont là-dessus.
On trouve notamment dans cette liste l’ex-ministre Martin Cauchon, propriétaire de journaux achetés à Gesca avec l’aide d’inconnus, la famille d’Allan Rock, ex-ministre... de la Justice et de la Santé sous Jean Chrétien, et même... un chroniqueur de La Presse.
Vous imaginez Justin essayant de freiner les ardeurs de gens qui sont des poids lourds du royaume libéral depuis l’époque où il donnait ses cours de théâtre à l’école secondaire ? Sérieusement.
L’État improvise à toute vitesse parce que Justin tient mordicus à un lancement rapide. Les intérêts privés, eux, sont prêts depuis longtemps.
Devinez qui aura le gros bout du bâton...
Si tout cela vire au scandale, on ne pourra pas dire que les signaux n’étaient pas là.