Affaire Huawei

John McCallum avait raison

Le Canada et ses principes de rectitude: un pion prévisible sur la scène internationale

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Tribune libre

Les propos récents de l’ambassadeur canadien en Chine John McCallum relativement aux lignes de défense possibles dans la défense de Mme Meng ont fait dresser les cheveux sur la tête de plus d’un. Ouache: un diplomate qui se mêle de politique et, « Ô Sacrilège », de la Justice. L’opposition n’a pas tardé à en réclamer la tête: un diplomate qui dit ce qu’il pense et qui s’avance sur ce que tout le monde pense par ailleurs, on n’avait jamais vu ça! Bon, il s'est excusé publiquement mais ça n'a pas suffi, on l'a congédié. La diplomatie est officiellement réhabilitée mais on n'a certainement rien réglé.


N’avons-nous pas dans nos systèmes politiques canadiens des Ministres de la Justice? À quoi servent-ils donc si ces politiciens ne peuvent pas se mêler de causes judiciaires éminemment politiques? Il me semble que poser la question, c’est à tout le moins entrevoir le ridicule de notre position et de la vulnérabilité qu’elle sous-tend.


La réalité crue est la suivante: les États-Unis appliquent un blocus économique à l’Iran et « criminalisent » les entreprises qui ne respectent pas ce blocus. En accusant le géant Huawei de magouille administrative en relation avec ce blocus, les États-Unis appliquent un moyen de pression additionnel à l’égard de la Chine dans le bras de fer économico-politique qui a actuellement lieu entre ces deux pays. Alors quoi de mieux que d’embarquer le Canada dans la danse? En émettant un mandat d’arrêt international, les États-Unis savaient pertinemment que le Canada, à l’appétit jamais assouvi de rectitude, s’empresserait de procéder à son arrestation et à mettre en branle le processus d’extradition pour se conformer à notre traité d’extradition. L’affaire est « ketchup » comme on dit: on lit dans les actions futures d’Ottawa comme dans un livre ouvert et on peut anticiper son comportement comme pour un programme informatique bien rodé.


Tout ceci pour illustrer que l’arrestation de Mme Meng est clairement POLITIQUE. Et pas de la petite politique, de la grosse GÉOPOLITIQUE INTERNATIONALE (excusez les majuscules mais elles étaient vraiment requises). Que la diplomatie et l’autorité politique canadienne laissent traîner le cas de Mme Meng dans le parc fermé du système judiciaire relève selon moi d’une attitude délétère, et pour notre système de justice, et pour notre rôle de pays mature sur la scène politique internationale.


Le Canada doit mettre ses culottes et attribuer à cette situation l’importance internationale qu’elle mérite en la sortant de l’imbroglio juridique dans laquelle elle se trouve. Une déclaration politique officielle à l’effet que le Canada ne sera jamais l’exécuteur des basses oeuvres d’un autre pays, soit-il ami ou ennemi, en permettant à ceux-ci d’harnacher nos principes de primauté du droit à l’encontre de nos propres intérêts. Le Canada devrait retourner Mme Meng en Chine, avec un avertissement clair aux deux belligérants qu’il n’acceptera plus dorénavant d’y être pris à partie contre son gré.


J’imagine que les propos de M. McCallum allaient aussi loin en ce sens qu’il avait perçu qu’un diplomate pouvait aller. On voit maintenant qu'il s'est trompé. Plusieurs se sont demandé par ailleurs si les propos de M. McCallum n’étaient pas une sorte de ballon d’essai téléguidé depuis le bureau du premier-ministre. Une chose est certaine à mon avis: la situation est sérieuse et mérite un énoncé clair, pas des demi-mesures et des mièvreries diplomatiques.


Parce qu’en fin de compte, le Canada est le seul dans ce trio Chine/États-Unis/Canada qui fait la différence entre la politique et la justice. Il me semble que l’arrestation récente de deux Canadiens en Chine, ainsi que la condamnation à mort d’un troisième, sont des raisons suffisantes pour sortir des sentiers battus. Faire exception au principe sacro-saint de la primauté du droit dans ce cas particulier ne jetterait certainement pas par terre notre système de justice, ça ne ferait que démontrer que nous savons quand même l’utiliser de manière intelligente.


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André Verville13 articles

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Géomaticien et expert en technologies géospatiales et en imagerie aérienne, André Verville a une réflexion scientifique sur plusieurs enjeux de société. Publiés à l'occasion dans le journal Le Soleil depuis quelques années, ses textes d'opinion surprennent parfois parce qu'ils amènent un point de vue qui sort souvent des sentiers battus, un peu comme la photographie aérienne nous permet de mieux comprendre la géographie du territoire. À la fois souverainiste et écologiste convaincu, il est par contre réaliste et il tente par son approche logique des enjeux politiques de notre société d'amener ses concitoyens à remettre en question certaines croyances et principes à courte vue qui à son avis sont contre-productifs pour l'avancement de ces causes. Le changement du point de vue est parfois essentiel pour mieux comprendre les choses. En cartographie photogrammétrique, sa spécialité, on appelle ça de la parallaxe et croyez-le ou non, ça permet de voir les choses en 3D!





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