Quand André Pratte prétend présenter des faits, comme dans son éditorial de ce matin, attachez vos tuques! Je ne vais pas commenter tous ces «faits», sinon je n’aurais pas pu accoler le mot «express» à ce billet, mais seulement deux, les plus précis.«On entend dire aussi que l’augmentation des tarifs poussera certaines femmes à quitter le marché du travail. Quels que soient les bienfaits des services de garde subventionnés, force est de reconnaître que des facteurs plus lourds amènent les femmes à travailler. À preuve, ce n’est pas au Québec que la proportion de femmes sur le marché du travail est la plus élevée, mais en Alberta (67% contre 61%). Pourtant, y faire garder un enfant coûte entre 48$ et 60$ par jour.
De plus, dans des provinces où les tarifs sont bien plus élevés qu’au Québec, la proportion de femmes sur le marché du travail a augmenté autant qu’ici.»
Fort, cet argument, non? Justement, non! Précisons d’emblée que la statistique qu’il mentionne (67% contre 61%) est exacte et représente le taux d’activité des femmes âgées de 15 ans et plus au Québec et en Alberta en 2013. Sauf que, n’aurait-il pas été plus pertinent d’examiner les taux d’activité, ou encore mieux les taux d’emploi, des femmes en âge d’avoir des enfants qui peuvent fréquenter des services de garde?
Le graphique qui suit montre justement l’évolution des taux d’emploi des femmes âgées de 25 à 54 ans au Québec, en Alberta et au Canada.
Le portrait est ici pas mal différent! D’une part, le taux d’emploi des femmes âgées de 25 à 54 ans était beaucoup plus faible au Québec (ligne rouge) qu’au Canada (ligne bleue) et qu’en Alberta (ligne jaune) en 1990. Puis, à partir de 1997, quel hasard, l’année où les services de garde à contribution réduite ont été mis sur pied, le taux d’emploi de ces femmes ont augmenté beaucoup plus fortement au Québec entre 1996 et 2014 (taux moyen des 10 premiers mois), soit de 13,8 points de pourcentage, qu’en Alberta (de 0,7 point seulement!) et qu’au Canada (de 7,6 points, mais de 5,7 points si on ne considère que le reste du Canada), et surpasse maintenant les deux autres. Mais, cette donnée, quoique plus pertinente que celle utilisée par M. Pratte, n’est toujours pas satisfaisante, car elle inclut bien des femmes qui n’ont pas d’enfants en âge de fréquenter les services de garde.
Le graphique qui suit montre cette fois le taux d’emploi des femmes ayant des enfants de moins de six ans, peu importe leur âge. Il s’agit là directement des femmes qui peuvent potentiellement utiliser des services de garde.
Là, les écarts sont encore plus nets! Cette fois, le taux d’emploi de ces femmes a augmenté de 17,7 points de pourcentage au Québec entre 1996 et 2014, pas du tout (0,0 point) en Alberta et de 9.6 points au Canada (mais de 7,2 points si on ne considère que le reste du Canada) et trône maintenant bien au-dessus de ceux du Canada et surtout de l’Alberta. Et monsieur Pratte ose dire que les femmes de l’Alberta avec enfants d’âge préscolaire sont aussi présentes sur le marché du travail qu’au Québec et que la proportion de femmes sur le marché du travail des autres provinces a augmenté autant qu’ici! J’ai rarement eu l’occasion de contredire un de ses arguments de façon aussi nette!
Et alors…
La campagne des partisans du PLQ du journal appartenant à Power Corporation ne s’est pas arrêtée là. Dans une chronique parue dans la même édition de La Presse, Alain Dubuc a soulevé pertinemment le fait que les familles les plus pauvres utilisent moins les services de garde à contribution réduite que les familles plus riches. Mais, pense-t-il vraiment que c’est avec la modulation (ou taxe à la natalité…) proposée par le gouvernement actuel que cette participation augmentera? Pour cela, il faudrait qu’on cesse de considérer ces services comme «un instrument de conciliation famille-travail» pour le considérer comme «une institution éducative mise sur pied pour tous les enfants» et qu’on les offre gratuitement comme tous les autres services d’éducation à l’enfance, tel que le recommande Camil Bouchard…
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