Jean Charest le sauveur du Canada

Chronique de Bernard Desgagné

Jean Charest voudrait qu'on parle de santé, mais il a lui-même ramené la question nationale du Québec à l'avant-plan au moins trois fois depuis le début de la campagne électorale. Il a déclaré que le PQ cachait ses intentions en employant l'expression «consultation populaire», que le Québec serait privé des transferts fédéraux au lendemain d'un oui à la souveraineté et que les partitionnistes risquaient alors de tailler le Québec en pièces. Que veut donc Jean Charest? La santé est-elle vraiment sa priorité?
En fait, Jean Charest est avant tout un fédéraliste pur et dur. Il ne peut admettre d'aucune manière l'idée que le Québec se sépare un jour de la fédération canadienne. Il est l'homme que le Canada anglais a envoyé au Québec pour dompter le mouvement indépendantiste. Il a abandonné le Parti conservateur et son ambition de se faire élire premier ministre du Canada pour devenir plutôt le sauveur du Canada. Il a comme mission de faire comprendre aux Québécois que le Canada est à prendre ou à laisser tel quel. Son ami Stephen Harper lui fera bientôt cadeau de quelques milliards visant à acheter l'adhésion des Québécois pour la énième fois avec leur propre argent, comme dans le bon vieux temps d'Option Canada et des commandites. Aux yeux de Jean Charest, la santé n'est qu'une monnaie d'échange pour éloigner les Québécois du séparatisme.
Dans son entreprise de sauveur du Canada, Jean Charest emploie principalement trois tactiques. Premièrement, il banalise l'idée de la souveraineté en la réduisant à la simple tenue d'un référendum. Deuxièmement, il agite de vieux épouvantails. Troisièmement, il cultive l'amnésie dans l'esprit des Québécois. On connait bien la rengaine de Jean Charest à propos du référendum et on vient juste de le voir agiter de vieux épouvantails. Mais sa troisième tactique, c'est-à-dire celle de l'amnésie, saute moins aux yeux. Voici donc ce que Jean Charest s'efforce d'effacer de la mémoire des Québécois.
Les Québécois doivent oublier qu'ils n'ont jamais adhéré démocratiquement à la fédération canadienne, ni en 1840, ni en 1867, ni en 1982. Ils doivent oublier que, s'ils ont dit non deux fois à la souveraineté, c'est qu'on leur avait promis de renouveler le fédéralisme. Il faut que les Québécois enterrent à tout jamais l'idée de la souveraineté même si la fédération canadienne continue aujourd'hui d'évoluer exactement dans le sens contraire de leurs aspirations nationales, comme en font foi le principe de l'égalité des provinces avalisé à Calgary en 1997 et l'adoption de la Loi de clarification en 2000. Il ne faut pas que les Québécois se rappellent le verrouillage à double tour de la Constitution du Canada en 1982, verrouillage qui a pour conséquence que toute modification constitutionnelle accordant de l'autonomie au Québec est désormais impossible, à toutes fins utiles. Les Québécois ne doivent pas se souvenir du torpillage de la Charte de la langue française au moyen de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils ne doivent pas être conscients du recul constant du français au Canada. Chaque fois que les Québécois bénéficient des prétendues largesses d'Ottawa, auréolées ou non du fédéralisme d'ouverture, ils ne doivent pas s'apercevoir qu'ils sont condamnés à quémander leur propre argent dans la capitale d'une autre nation pour assurer leur développement.
Autrement dit, Jean Charest propose aux Québécois de rejeter pour de bon l'idée de la souveraineté alors même que les raisons de l'existence du mouvement indépendantiste sont plus que jamais présentes. Jean Charest peut bien s'imaginer qu'il sauvera le Canada en pourfendant le Parti Québécois, mais il n'arrivera jamais à faire disparaitre l'idée de la souveraineté du Québec, car la nature même du Canada en est la cause profonde et immuable.
Bernard Desgagné
Gatineau


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