Israël : les laïques se rebiffent

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Difficile séparation de la Synagogue et de l'État en Israël

Avigdor Lieberman, chef du parti ultra-nationaliste « Israël Beitenou » (Israël notre maison), pour qui la moindre concession aux Palestiniens relève quasiment de la trahison, lance sa campagne pour les élections législatives du 17 septembre en ciblant l'emprise des rabbins sur la vie quotidienne. Il présente Benjamin Netanyahu comme un « otage » des deux partis religieux alliés traditionnels de la droite et membres de la coalition sortante. Selon les sondages, cette stratégie serait payante. Lieberman pourrait doubler le nombre des députés de son parti et se retrouver en position de faiseur de roi au lendemain du scrutin.


En même temps, une demi-douzaine de maires membres ou proches du Likoud ont annoncé leur intention de briser un tabou en autorisant des autobus publics à circuler le jour de Shabbat dans leur ville. Parmi les rebelles, figurent les maires de Ramat Gan, dans la banlieue de Tel Aviv, et de Tibériade, qui n’ont rien de gauchistes. Leur démarche remet en cause le fameux statu quo établi par David Ben Gourion lors de la création du pays il y a 70 ans pour satisfaire les religieux alors minoritaires : pas de séparation de la Synagogue et de l’État. Cet arrangement accorde le monopole de l’état-civil au rabbinat contrôlé par les ultra-orthodoxes. Selon eux, seul le respect de la Thora a permis au peuple juif de survivre au cours des siècles et toute remise en cause de ces préceptes représenterait un danger spirituel et existentiel.


Pas question dans ces conditions de céder sur le mariage civil. Les couples doivent obtenir un certificat de judaïté des rabbins avant de passer ensuite devant eux pour convoler en justes noces. Des milliers de jeunes couples, recalés lors de l’examen sur leurs origines ou qui refusent par principe d’avoir recours à un rabbin, n’ont d’autre choix que de s’unir civilement à l’étranger, en général à Chypre, quitte ensuite à devoir faire reconnaître leur mariage par le ministère de l’Intérieur.


La grande majorité des étudiants des Yéchivot, les séminaires talmudiques, sont exemptés de service militaire alors que les jeunes Israéliens non religieux font l’armée, pendant trois ans pour les garçons et deux ans pour les filles. Le projet de loi rendant la conscription obligatoire pour tous – soutenu par Lieberman et farouchement combattu par les partis religieux – est l’élément-clé qui a empêché Netanyahou de former sa coalition lors du précédent scrutin. Les laïques se rebiffent, quelles que soient leurs préférences politiques. La mainmise des religieux se ressent bien trop chaque semaine lorsque les autobus et les trains cessent de rouler du vendredi soir au samedi soir. Ceux qui le peuvent contournent l’obstacle en prenant leur voiture pour aller à la plage. Mais cette option n’existe pas pour les jeunes n’ayant pas le permis de conduire ou les plus défavorisés. La frustration est d’autant plus mal vécue que la majorité des cinémas, des théâtres, des musées, des parcs nationaux et même un centre commercial sur cinq, sont ouverts le samedi. Encore faut-il pouvoir s’y rendre.


Des laïques regroupés dans deux ONG ont tenté de forcer le barrage. Grâce à des financements participatifs, ils ont affrété ces dernières années en guise de protestation des dizaines d’autobus durant le Shabbat au nom de la liberté de circulation. Mais cette démarche militante n’a qu’une valeur symbolique. Son impact reste marginal. La pression laïque chez les électeurs de base du Likoud et une éventuelle percée d’Avigdor Lieberman vont-ils tout chambouler ? La bataille est toutefois loin d’être gagnée. Les deux partis ultra-orthodoxes, le Shass (séfarades) et la Liste Unifiée de la Thora (achkénazes), sont bien décidés à ne rien lâcher.