Par Pierre Haski - L'opération d'un commando israélien contre un navire humanitaire à destination de Gaza risque fort d'être l'une des plus importantes débâcles de relations publiques d'Israël. Et de peser lourdement sur le climat diplomatique autour d'un règlement au Proche-Orient.
Le choix de l'Etat hébreu d'envoyer un commando pour intercepter ce convoi de navires chargés d'aide humanitaire et de militants pro-palestiniens portait en lui le risque d'un affrontement frontal et donc de victimes.
Pourtant, si l'opération « Flotte de la liberté » pour Gaza était un chiffon rouge agité face à Israël, il ne menaçait que très marginalement sa sécurité et pouvait certainement être géré différemment.
Israël a pris le risque d'alimenter l'hostilité internationale
En employant, dans les eaux internationales de surcroît, la force armée la plus brutale, Israël a donc pris le risque d'alimenter une hostilité internationale qui ne fait que monter depuis la guerre de Gaza en décembre 2008 et janvier 2009.
Déjà, alors, le reproche adressé à Israël était celui de l'emploi d'une force « disproportionnée », et même de « crimes de guerre », confirmés par le rapport du juge Goldstone, mettant dans le même sac Israël et le Hamas.
Il y a un assez large consensus actuellement en Israël pour considérer que quoi qu'Israël fasse, le monde sera contre lui. Ce consensus se traduit politiquement par le gouvernement le plus à droite en cinquante ans d'histoire de l'Etat juif, même si les travaillistes d'Ehud Barak, ministre de la Défense en première ligne dans l'affaire de l'assaut, servent de caution de « gauche » à un front particulièrement dur.
Le vrai risque pour Israël à s'enfermer dans cette attitude inflexible et parano, est de perdre deux batailles :
* Celle des relations publiques internationales qui était, il est vrai, déjà mal engagée ;
* mais aussi celle de la diplomatie, qui n'opère pas selon les mêmes règles.
L'annulation de l'entretien avec Obama, lourde de sens
Ce ratage sanglant en Méditerranée survient en effet au moment où les Etats-Unis viennent de relancer la machine diplomatique pour tenter de débloquer l'impasse israélo-palestinienne, et qu'il règne une véritable incertitude sur le degré de volonté politique de l'administration Obama, et du président des Etats-Unis lui-même, à « imposer » une solution aux deux parties, en clair à Israël.
L'annulation, lundi, de la visite du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou à Washington et donc de son entretien avec Barack Obama, après l'étape canadienne où il se trouvait quand l'opération du commando s'est produite, est ainsi lourde de sens.
Les Etats-Unis ont réussi, après des mois de tractations rendues compliquées par la question des colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, à relancer les négociations « indirectes » entre Israéliens et l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas. Mais Washington a déjà prévu l'étape suivante : la convocation à l'automne d'une conférence internationale chargée d'accoucher d'une formule de règlement.
Echéances diplomatiques : l'Etat hébreu en délicate posture
La manière dont Israël a géré l'affaire de la flottille pour Gaza risque fort d'affaiblir un peu plus la position de l'Etat hébreu dans la perspective de ces échéances diplomatiques. Y compris au sein des communautés juives hors d'Israël, dont on a vu récemment, avec l'initiative JCall en Europe, qu'elle provenait de personnalités juives souhaitant se démarquer de la position du gouvernement israélien.
Israël est bien sûr conscient de cette situation, mais il s'est développé dans l'Etat hébreu un état d'esprit de citadelle assiégée qui donne à penser qu'on peut avoir raison contre le monde entier, et qu'on ne sera respecté que si on est le plus fort et qu'on le montre.
C'était la logique à l'œuvre dans la guerre de Gaza l'an dernier ou celle qui a conduit à envoyer des commandos de guerre contre des « ennemis » à l'armement rudimentaire. C'est une logique suicidaire.
Israël gagne la bataille navale en se tirant une balle dans le pied
C'est une logique suicidaire
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