Il fait parler, ce Moulin !

Ce n'est pas parce qu'elle échoue que l'intimidation n'existe pas...



Le Moulin à paroles défraye la manchette à quelques jours de sa tenue, à Québec, sur les plaines d'Abraham. Parmi les 130 documents qui seront lus se trouve le manifeste du Front de libération du Québec, de triste mémoire.
Cela a provoqué un tollé où deux camps bien nets se sont cristallisés. D'un côté, ceux qui croient que la lecture du document du FLQ ne sert qu'à rouvrir une plaie, à célébrer la violence et ses outils.
Le premier à mettre le feu aux poudres (sic) aura été Sam Hamad, ministre responsable de la région de la Capitale nationale - nous parlons ici de Québec, pas Ottawa - au sein du gouvernement Charest. Vendredi dernier, il a lancé que « pour moi, le FLQ, c'est la crise d'octobre, c'est les bombes, c'est les assassinats et ça, nous, comme gouvernement, on se dissocie de cet événement-là ».
Il a été appuyé par M. Charest par la suite. Une petite subvention de 20 000 $, engagée par Québec, a été retirée.
De l'autre côté, plusieurs observateurs rappellent que le manifeste du FLQ fait partie d'un triste chapitre de l'histoire du Québec, qui a entre autres mené à la mort d'un homme, le ministre Pierre Laporte, assassiné par les felquistes pendant la crise d'octobre. Mais que biffer un tel document équivaut un peu à nier un élément de notre histoire collective au Canada français.
Cette position est la plus honnête, historiquement parlant, et doit être défendue.
Ce qui ne veut pas dire que cette position équivaut automatiquement à un endossement des positions tranchées de nationalistes purs et durs. Il faut s'attendre à ce qu'ils associent la lecture du manifeste à une victoire morale sur les sombres-forces-fédéralistes-qui-maintiennent-le-Québec-dans-un-perpétuel-état-d'asservissement. Il faut être plus démocrates, plus sages que ces extrémistes - qui sont d'ailleurs tombés à bras raccourcis sur le gouvernement Charest pour le retrait de la subvention, clamant qu'il s'agissait là d'une « forme de censure » et de « l'intimidation ».
C'était une accusation maladroite et inexacte.
Rappelons ici que le Moulin à paroles est un événement qui doit commémorer le 250e anniversaire de la bataille des plaines d'Abraham.
Un autre événement commémoratif, organisé par la Commission des champs de bataille nationaux, a été annulé plus tôt cette année parce que la reconstitution historique a justement été menacée de « perturbations » par la frange nationaliste extrémiste, incarnée par le cinéaste Pierre Falardeau et l'auteur Patrick Bourgeois. Cette poignée de nationalistes intransigeants sont rapides à récupérer toute perception de gain sur le clan fédéraliste et à s'en gargariser pour justifier l'efficacité de leurs méthodes et la justesse de leur cause.
On peut accuser M. Hamad de maladresse, mais pas de « censure » ni « d'intimidation » puisque l'événement se tiendra comme prévu. Mais ces accusations expliquent aussi pourquoi il y a eu tant de réticences de la part de Québécois ordinaires à appuyer la lecture du manifeste du FLQ : ils ne voulaient pas endosser les nationalistes extrémistes, ni nourrir l'impression que ces derniers avaient emporté une bataille d'images.
Ne pas amputer l'Histoire
Mais ce n'est pas le cas et ce n'est pas ce qui s'est passé. Des Québécois plus sages ont su faire la part des choses. Le manifeste du FLQ ne vaut pas mieux que le rapport Durham, éminemment condamnable lui aussi, entre autres pour ses propos désobligeants envers les Canadiens-français, « peuple sans culture et sans histoire » qu'il proposa d'assimiler par une union du Bas et du Haut Canada.
Lire des textes signifiants de l'histoire du Québec sans mentionner Durham et le FLQ serait amputer une partie de l'Histoire. Les organisateurs, la metteure en scène Brigitte Haentjens et les chanteurs de rap Sébastien Ricard et Biz, du groupe Loco Locass, sont des artistes qui ne sont pas tenus à la rigueur de nos historiens. Leur choix de parler du FLQ via son manifeste se défend.
S'il stimule des discussions intergénérationnelles sur le FLQ et l'histoire, ce débat aura même eu du bon !


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