Les Français n’en veulent plus. L’ancien Président comme le nouveau inspirent un même rejet massif, selon le baromètre de l’institut ELABE réalisé pour Les Échos. 44 % des sondés n’ont pas « confiance du tout » en François Hollande, dont la cote de popularité reste enlisée à 22 %. Soit quatre points de moins que Nicolas Sarkozy qui, pour 43 %, pâtit d’une « image très négative ». Des résultats guère reluisants qui confirment qu’au-delà des clivages droite-gauche partiellement périmés germe une durable exaspération des discours et de la méthode : les électeurs se sentent trahis, abusés, bernés par la lénifiante psalmodie de promesses non tenues et de formules vides de sens.
« La France, c’est une idée, c’est un idéal, c’est une espérance ! », rugit Sarkozy en meeting à Béziers, le 8 octobre. « La France, c’est une espérance, c’est un renouvellement permanent ! », semble lui faire écho François Hollande, en visite à l’école des chartes, le lendemain. Les mêmes phrases ampoulées à défaut d’être lumineuses, qui font vibrer l’auditoire mais ne signifient rien, et n’ont d’autre vocation que de leur confectionner une aura artificielle. La France n’est pas une espérance ; la classe politique est désespérante. Dans cette même allocution, l’actuel Président souligne que la France n’est ni « une nostalgie » ni « une identité figée » et exalte les mérites de la « multiplicité ». Un terme plus inoffensif pour parler de « diversité », et un prologue à peine voilé à la loi antiraciste prévue pour début 2016, qui permettra d’un même coup de flatter son électorat… « multiple » – mais très divisé à sa gauche – et de faire grimper le Front national en vue d’un 21 avril à l’envers.
« La nostalgie n’est pas un sentiment coupable », lui répond Alain Finkielkraut sur BFM TV, nous tendant le miroir d’une « France qui sombre dans l’oubli d’elle-même » : « Nous voici condamnés à glorifier le présent alors qu’il est de moins en moins aimable. » Mais François Hollande a décelé le danger qu’il peut redouter de cette « nostalgie » croissante des Français pour les Trente Glorieuses et le Général, dont les valeurs apparaissent aujourd’hui davantage revendiquées par Marine Le Pen que les Républicains. « Le souverainisme, c’est le déclinisme ! », lui rétorque-t-il à Strasbourg. Pendant ce temps, Sarkozy, otage du soutien des centristes, se voit acculé à désavouer Nadine Morano, coupable de citation gaullienne politiquement incorrecte. Cherchez l’erreur.
Sarkozy, président du Kärcher HS, du Fouquet’s, du yacht de Bolloré, de la progéniture à l’EPAD, de la franchise des médicaments, de l’immigration non contrôlée, de l’insécurité non jugulée, contre François Hollande, président de la courbe non inversée, du communautarisme, du laxisme judiciaire, du mariage gay, des scooters, des « migrants », des sans-dents, des impôts, de la soumission à l’Union européenne, de la destruction de l’école. On comprend le peu d’enthousiasme des Français, qui leur préfèrent Alain Juppé et Emmanuel Macron, en tête de peloton avec 48 % et 37 % d’opinions favorables. Des deux, on ne sait au juste lequel est de droite ou de gauche. Juppé est l’homme du consensus, de la démagogie, le candidat imposé par les médias. Macron est le ministre des réformes libérales polémiques et du franc-parler, qui remet en cause les 35 heures, le statut des fonctionnaires, et traite de « personnes stupides » les agitateurs d’Air France.
Pour Claude Bartolone, pas de doute : Marine Le Pen sera au second tour des présidentielles. Le dernier sondage IFOP/JDD révèle d’ailleurs que 31 % des Français sont prêts à voter pour elle, notamment les jeunes, les couches modestes, les salariés du secteur public. « L’évolution la plus forte de Marine Le Pen se voit dans une France du travail, celle des 35-49 ans, qui s’est sentie trahie par Nicolas Sarkozy en 2012 et qui est déçue par François Hollande », précise le directeur général adjoint de l’IFOP Frédéric Dabi. Peut-être parce qu’ils ont saisi que la France, avant d’être une « espérance », est d’abord une nation.
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