Je connais bien Odessa, ville lumineuse mise en scène par Sergueï Eisenstein avec son marché du 7e kilomètre, son grand escalier descendant vers la mer et sa statue de Richelieu, nom d’un Français ayant émigré à la Révolution et qui sera le véritable bâtisseur et le gouverneur de ce superbe port de la mer Noire.
Aujourd’hui, hélas, la ville est dans un chaos inimaginable, le sang a coulé et, comme d’habitude, nos médias font preuve d’un parti pris incroyable. Reprenant des nouvelles américaines ou venant des autorités actuelles de Kiev, ils ont tout simplement ignoré l’un des points de vue.
On dénombre 31 morts dans l’incendie de l’immeuble des syndicats. Cela n’a pas fait les gros titres, bien évidemment, car les victimes sont pro-russes. On insiste sur les quatre personnes tuées dans une manifestation pro-Kiev, dont les détails ne sont d’ailleurs pas très clairs, mais on n’expose pas les circonstances de la trentaine de morts réfugiés dans l’immeuble. Pourtant, on sait que l’incendie est criminel et que ceux qui ont trouvé abri dans ces locaux étaient des tenants du fédéralisme.
Mais reprenons les titres :
Le Point : « Ukraine : au moins quatre morts à Odessa dans une attaque pro-russe. »
« Dans la soirée, les manifestants pro-Kiev ont mis le feu à un camp de tentes des pro-russes et ont ensuite incendié la Maison des syndicats où ces derniers s’étaient réfugiés. 31 personnes ont perdu la vie dans cet incendie. »
Vous remarquerez que le titre porte sur les quatre morts, quand les 31 brûlés dans l’incendie ne sont mentionnés que dans les dernières lignes et en petits caractères.
Le Figaro et Le Nouvel Observateur font un peu mieux : ils parlent des morts dans l’immeuble mais ne désignent pas les coupables.
Le Figaro : « Dans la soirée, au moins 31 personnes ont péri dans l’incendie d’un bâtiment de la ville portuaire. “En marge d’affrontements, un incendie d’origine criminelle s’est déclaré dans la Maison des syndicats”, a indiqué le ministère de l’Intérieur. »
Le Nouvel Observateur : « Des affrontements entre pro-russes et pro-Kiev à Odessa, dans le sud du pays, ont fait plus de 30 morts. La Russie reçoit avec indignation les informations sur le nouveau crime commis à Odessa et appelle Kiev et ses soutiens occidentaux à mettre fin à l’anarchie et à prendre leur responsabilité devant le peuple ukrainien. »
Étrange, la réaction de la Russie a l’air d’étonner Le Nouvel Observateur ! Imaginez que ces 31 victimes soient des victimes des pro-russes : c’est avec empressement que le camp adverse aurait – en gros titre – signalé la nouvelle avec quelques interviews de parents des victimes en larmes. Hélas pour elles, ces victimes étaient du mauvais coté.
Comme me l’a dit un habitant d’Odessa en pleurs : « Ici, c’est la guerre civile ! »
Kiev et les dirigeants issus de Maïdan peuvent-ils penser une minute que leurs attaques par l’armée de la population et leur soutien à des criminels vont faire rentrer dans le rang les fédéralistes ? Un fossé immense est en train de se creuser. Il débouchera immanquablement sur la haine et la colère dans chacun des clans.
Comme me l’expliquait mon amie d’Odessa, « l’Ukraine est un petit pays à l’économie sous perfusion, gangrenée par la corruption. Nous n’avons qu’un moyen de survivre, c’est de nous adosser à une grande nation protectrice. Celle-ci ne peut être que les USA ou la Russie, l’Europe n’existant pas. Or, le choix est facile : il suffit de nous tourner vers nos racines ! »
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