On ne connaît pas encore avec certitude les raisons qui ont forcé le nouveau PDG de la Caisse de dépôt et placement, Richard Guay, à prendre congé durant quelques mois. Les rumeurs parlent de dépression ou de burnout. La Caisse a confirmé que le médecin de M. Guay lui avait conseillé le repos.
On apprendra peut-être bientôt les détails de cette pause -qui se transformera peut-être même en départ-, mais on peut déjà constater que ce retrait de la vie professionnelle a causé tout un émoi dans les milieux financiers et politiques, où les mots dépression et burnout sont pratiquement honnis.
Bien sûr, le climat économique actuel rend l'incertitude insoutenable. À l'aube d'une récession économique, les Québécois veulent savoir que celui qui gère leur bas de laine est en pleine possession de ses moyens.
Cela dit, on aurait pu croire -ou du moins espérer- que le fait de rendre publique la «grosse fatigue» d'un haut dirigeant aurait initié une discussion publique sur la fragilité de la santé mentale. Cette «cause célèbre» aurait pu être un prétexte pour déboulonner quelques mythes et combattre certains tabous.
Il n'en fut rien.
Au contraire, la maladie de M. Guay a renforcé l'idée qu'il vaut mieux se taire dans des circonstances comme celles-là. Le moindre signe de faiblesse est très mal reçu.
En avant-propos de leur livre sur la santé mentale, Au pays des rêves brisés, les journalistes de La Presse Katia Gagnon et Hugo Meunier écrivent qu'il leur a été impossible de trouver un dirigeant ou un politicien qui parlerait publiquement de sa dépression. L'impact aurait été trop négatif. Les réactions au congé de M. Guay sont une preuve supplémentaire de la ténacité des préjugés face à toute forme de faiblesse ou de perte de contrôle.
De la même façon, durant la campagne électorale qui a pris fin lundi soir, on a remis en question l'endurance de Pauline Marois à la suite d'une intervention chirurgicale. La chef du Parti québécois a dû convoquer les journalistes à une marche sportive sur le mont Royal pour faire la démonstration de sa vitalité.
Pas de doute, on aime nos dirigeants en béton, infaillibles. Ce n'est pas un hasard si Barack Obama aime se faire photographier en route vers le gym ou si l'hyperactif Nicolas Sarkozy tente de nous convaincre qu'il y a plus de 24 heures dans une journée.
C'est une façon de montrer qu'ils ne sont «pas tuables».
Ces exigences à l'endroit de ceux qui dirigent le monde sont bien légitimes. On veut des leaders plus grands que nature.
Mais cette négation de notre fragilité est-elle bien réaliste?
Car en entretenant le tabou autour de la santé mentale, on décourage les gens ordinaires de parler et de demander de l'aide. D'ici 2020, selon l'Organisation mondiale de la santé, la dépression sera la principale cause d'invalidité dans le monde. Elle touchera tout le monde, aussi bien des travailleurs au bas de l'échelle que des hauts dirigeants, des leaders. On n'aide personne en refusant d'en parler franchement.
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