Grand Pré, ne doit pas être un simple lieu de promenade pour ses paysages,

Chronique de Marie-Hélène Morot-Sir

Grand Pré, lieu historique le plus important du peuple Acadien, doit être à jamais un lieu où le monde entier se souvient ! Grand Pré est là pour rappeler ce nettoyage ethnique de grande ampleur, pour une prise de possession de terres par les Britanniques !
Il évoque ses heures les plus douloureuses et les plus héroïques, c’est en ce lieu si particulier qu’il est rappelé l’exemple d’un peuple courageux martyrisé, afin que nul n’oublie !.
A Grand Pré a été créé un musée du souvenir, un site historique dans l’ancienne église Saint Charles, qui avait été incendiée par les Anglais. John Frédéric Herbin, de mère Acadienne, a été touché par la déportation et l’exil des survivants de ce peuple, terriblement ému devant son acharnement à revenir sur son sol si longtemps après, et même des années et des années plus tard..
En 1907 avec les pierres des maisons incendiées il a élevé une croix, connue aujourd’hui sous le nom de croix de Herbin.
Ainsi dans ce musée se trouvent de nombreuses œuvres telles celles de Robert Picard, six grandes toiles sur la déportation des Acadiens, les quatre saisons de François Gaudet ou encore cette peinture murale, une huile sur toile, évoquant le drapeau acadien de Waybe Boucher peint en 2004 dans des fondus de couleur magnifiques. Des plaques extrêmement émouvantes portent le nom des familles acadiennes déplacées ou décédées..
Le visiteur regarde, s’informe, lit cette histoire bouleversante, s’arrête, touché, extrêmement ému, y compris aussi devant la statue d’Evangéline Bellefontaine, œuvre du sculpteur Louis Philippe Hébert, à cause de tout ce qu’elle symbolise, mais également devant un buste de Henry Longfellow, reconnaissant pour l’empathie que cet homme, cet américain, a ressenti pour le martyre des Acadiens et le récit qu’il en a fait, contribuant à faire connaître au reste du monde leur atroce et insupportable génocide.
Il y eut horreurs sur horreurs: des villages brûlés, des familles séparées, des hommes, des femmes des enfants entassés sur des bateaux qui trop chargés coulèrent..
Le journal de campagne de John Winslow est un témoignage flagrant et terrible, cet officier anglais poussé par Charles Lawrence disait ne faire que son devoir !! Edouard Braddock lorsqu’il posa un pied en Acadie donna le feu vert de ce “Grand Dérangement” mais cela ne lui porta pas chance il périt à la bataille de la Monongahela le 9 juillet 1755, alors qu’il tentait avec les troupes anglaises de prendre le fort Duquesne aux Français;
il y eut des humiliations flagrantes lorsqu’une partie de ces Acadiens se trouva déportée dans les colonies britanniques de Nouvelle Angleterre, ils étaient catholiques dans ce milieu étroit d’esprit, puritain et austère, extrêmement hostile, ils étaient traités de « papiste » et les anglo saxons de ces colonies leurs faisaient subir mille vexations, mais ce qui horripilait au plus au point ces protestants malheureusement bornés, rigides et intolérants, c’était de constater que les Acadiens n’acceptaient pas de s’intégrer, et encore moins de changer de religion, car évidemment c’était eux les anglo saxons qui se targuaient de détenir la vraie vérité, donc la « bonne » religion ! Alors ne sachant plus quoi inventer contre eux, ils les firent passer pour de dangereux résistants, les désignant sous le nom de dangereux Rebelles, puisqu’on n’employait pas encore celui de terroriste à cette époque.
Il y eut des morts ! Les colons de Nouvelle Angleterre n’hésitaient pas à tirer sur ces pauvres gens, qui avaient échappés à la mort sur leurs terres acadiennes, ou sur les bateaux qui les avaient transportés.. eux qu'on avait exilés si loin des leurs et de chez eux.. Ils voulaient simplement partir, s’éloigner de cet enfer, pour tenter de regagner la Nouvelle France à pied...et cela depuis la Virginie, le Maryland ou toute autre colonie anglaise dans laquelle ils avaient été déportés..
Cette détestation des colons anglais envers les Acadiens a été immense et terrible, il a fallu que bien des siècles passent, que l’Histoire de cette population soit enfin mieux connue de ces personnes si intolérantes, uniquement dû au fait de leur inculture flagrante, pour que leur mentalité puisse enfin évoluer. Une fois encore il est facile d’observer, selon l’expression bien connue, que c’était vraiment l’hôpital qui se moquait de la charité.
Jusqu’ici aucun remords n’a été exprimé par l’Angleterre, juste une faible reconnaissance de toutes ces horreurs subies par cette population martyrisée, et encore prononcée du bout des lèvres par l’actuelle reine Élisabeth.
En lisant la proclamation royale intégrale de cette haute autorité, nous pouvons constater avec stupeur, qu'en effet elle n'excuse en rien l'Angleterre d'avoir perpétrée cette horreur.. elle dit seulement " oublions .. oubliez .. tournons la page " en balayant l’air de sa royale main .. C'est un peu léger !! Personne ne peut se satisfaire de cela, c’est sans doute beaucoup plus grave et d’autant moins recevable même, que si aucune remise en cause n’avait été faite.
Dans toute l’Acadie nombreux sont les noms de ces hommes au grand courage qui resteront à jamais dans les mémoires, ils ont tant fait pour venir en aide aux Acadiens.. Charles de Boishébert, l’abbé le Loutre, Jean Vincent d’Abbadie de Saint Castin à la tête de ses Abénaquis, Joseph Brossard dit Beausoleil.. et tant d’autres encore.. l’impressionnant travail de ces Français, devenus le temps passant des Acadiens, leur avait permis d’ arriver à venir à bout, des forces de la nature en gagnant des terres sur la mer, grâce à la technique des aboiteaux, technique apportée de France avec eux. Les Acadiens avaient vécu en harmonie avec les Amérindiens. Les Micmac n’avaient jamais aussi bien mangé de leur vie que depuis l’arrivée de ces Français, grâce à tout ce qu’ils arrivaient à faire pousser.. Mais leurs excellentes terres attirèrent aussi la convoitise des Anglais et la suite, une suite effroyable s’ensuivit..

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Marie-Hélène Morot-Sir151 articles

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Auteur de livres historiques : 1608-2008 Quatre cents hivers, autant d’étés ; Le lys, la rose et la feuille d’érable ; Au cœur de la Nouvelle France - tome I - De Champlain à la grand paix de Montréal ; Au cœur de la Nouvelle France - tome II - Des bords du Saint Laurent au golfe du Mexique ; Au cœur de la Nouvelle France - tome III - Les Amérindiens, ce peuple libre autrefois, qu'est-il devenu? ; Le Canada de A à Z au temps de la Nouvelle France ; De lettres en lettres, année 1912 ; De lettres en lettres, année 1925 ; Un vent étranger souffla sur le Nistakinan août 2018. "Les Femmes à l'ombre del'Histoire" janvier 2020   lien vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=evnVbdtlyYA

 

 

 





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2 commentaires

  • Marie-Hélène Morot-Sir Répondre

    6 juillet 2012

    Chère Madame Vallée, merci d’avoir pris le temps d’écrire ce témoignage émouvant se rapportant à votre famille, au moment de cet épouvantable ”Grand Dérangement” désigné sous ce vocable pudique, qui en atténue mal toute l’horreur...
    Les Amérindiens, s’ils étaient pris par les Anglais, étaient traités de la même façon que les Acadiens, les sachant proches d’eux...Ce n’est donc pas étonnant qu’ils aient été obligés de fuir dans les bois et de remonter aussi loin que ce qu’ils le pouvaient, en plein hiver, du côté de la Baie des Chaleurs et si possible jusqu’en Gaspésie et la Nouvelle France.

  • Archives de Vigile Répondre

    5 juillet 2012

    On raconte dans ma famille du côté de maman, et ce, depuis des générations, qu'ils (hommes, femmes, enfants, vieillards, malades ) ont dû fuir leur clan sur les bords de la rivière Saint-Jean, de nuit, à la fine épouvante, chargés comme des mulets, pour s'enfuir en Nouvelle-France, dans la région de Cacouna et Trois-Pistoles, afin de se mettre à l'abri de la déportation. En effet, la rumeur voulait qu'eux aussi seraient déportés.
    Grand Pré doit être un lieu qui nous rappelle le génocide des Acadiens et non seulement un lieu de promenade pour touristes en mal d'exotisme.
    N'oublions pas de nous en souvenir de temps en temps.
    Merci à madame Morot-Sir de nous le rappeler.