Entre 1,1 million (selon la police) et 2,5 millions (selon les syndicats) de manifestants ont défilé hier dans les rues de plus de 200 villes de France pour s'opposer à la réforme des retraites à l'étude à l'Assemblée nationale. Contrairement au Québec et au Canada, le régime de retraite français fonctionne par «répartition», c'est-à-dire que l'argent des prestations ne provient pas d'un fonds accumulé mais des cotisations recueillies la même année auprès des gens actifs. Comme partout en Occident, le problème vient de ce que le nombre de ces travailleurs actifs passera de 2 à 1,1 pour chaque retraité d'ici 30 ans (il est de 3 pour 1 au Québec et diminuera à 1,5 dans 30 ans), et si rien n'est fait, le déficit déjà important de 32 milliards d'euros assumé par l'État menacera bientôt l'existence même du régime.
Pour s'y attaquer, la gauche propose de hausser les contributions des riches et des grandes entreprises, mais le gouvernement Sarkozy-Fillon entend plutôt augmenter le taux de cotisation au régime et repousser la retraite de deux années. Si le projet est adopté malgré l'impopularité grandissante du gouvernement, les Français devront donc travailler jusqu'à 62 ans pour avoir droit à une rente, à taux plein pour ceux auront accumulé 41 ans de cotisations en 2012 ou à taux réduit pour les autres, dont certains devront attendre jusqu'à 67 ans pour retirer une rente sans pénalité.
Souvent présenté comme étant généreux à l'excès, le régime français des retraites ne l'est pas plus que celui de nos fonctionnaires ou des salariés de nos grandes entreprises. À quelques exceptions près, aussi notable que celle de nos policiers, il est vrai, le régime français est même moins avantageux que celui de nos employés municipaux et des sociétés d'État comme Hydro-Québec, qui donne accès à la retraite dès l'âge de 50 ou 55 ans après seulement 30 ou 35 années de service, selon le cas.
En revanche, l'énorme différence entre la France et le Canada tient au fait que tous les travailleurs français sont admissibles un jour à une rente décente, qu'ils aient travaillé pour une multinationale ou pour une PME. Au Québec, le régime public (RRQ) ne remplace que 25 % du salaire industriel moyen, pour un maximum de 11 210 $, somme à laquelle s'ajoute la prestation fédérale de 6000 $ par personne de 65 ans et plus. Seuls ceux qui ont eu la chance de participer toute leur vie à un régime complémentaire ou à un REER peuvent espérer mieux.
La France est certainement le pays au monde où l'on débraie le plus souvent pour un rien, ce qui agace bien des gens... surtout les étrangers peu habitués à cette tradition toute «républicaine». Malgré cette mauvaise habitude et quelques autres travers comme la lourdeur de sa bureaucratie, elle présente l'un des meilleurs bilans au chapitre de la productivité et conserve son statut de pays où la qualité de vie est exceptionnelle, notamment grâce à l'étendue de son filet de sécurité sociale.
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