Un consensus est survenu mercredi entre tous les intervenants au Sommet sur l'avenir du secteur forestier qui s'est déroulé en début de semaine à Québec. Bravo!, faut-il lancer comme à chaque occasion où des frères ennemis font la paix, même si personne ne voit de lumière au bout du tunnel.
Le Sommet sur l'avenir de la forêt avait été annoncé en 2006 dans la foulée des suites au rapport Coulombe, qui avait conclu à la surexploitation de la forêt et à l'urgence d'agir pour préparer l'avenir. Les conclusions de ce rapport avaient créé de l'espoir chez les uns, des craintes et de la rancoeur chez les autres, déjà fortement affectés par le protectionnisme américain.
Puis sont survenues la chute de la demande de papier journal, la crise immobilière aux États-Unis et la montée spectaculaire du dollar canadien, trois facteurs qui ont porté un coup presque fatal à cette industrie fragilisée par la dispersion d'installations peu productives.
Le sommet de cette semaine arrivait donc à point. Parmi les éléments qui ont fait l'objet du consensus entre l'industrie, les municipalités, les chercheurs et les environnementalistes, mentionnons ceux-ci: la reconnaissance de la nécessité de protéger 8 % du territoire forestier; l'obligation de doubler la valeur commerciale de la ressource d'ici 25 ans en développant des produits transformés; la mobilisation des communautés locales et autochtones; l'obtention d'une certification reconnue des pratiques forestières; enfin, l'étude «de nouveaux modes de tenure et de gouvernance des forêts», une approche bureaucratique pour parler de changements aux règles d'attribution des territoires de coupe.
C'est là que le consensus risque de ne pas tenir bien longtemps: abattre ici pour transformer ailleurs de façon plus productive, cela n'ira pas de soi dans les campagnes. Voilà pourtant une des exigences incontournables des compagnies, qui revendiquent aussi une baisse substantielle des droits de coupe versés à l'État. Malgré tous les consensus et tous les rapports, on peut d'ores et déjà prévoir que les villages continueront de se vider.
Quant aux produits eux-mêmes, il est encore loin le jour où la fibre à papier et le madrier en épinette céderont leur place à une toute nouvelle gamme de produits transformés compétitifs. Le meuble nous le rappelle: malgré des efforts inouïs de modernisation et la conception de collections originales, cette industrie poursuit sa lente agonie. Même les parquets en érable subissent la concurrence de ces pays où ressource et main-d'oeuvre ne coûtent rien.
Il y a bien cette idée de demander à l'État de construire ses édifices en bois, la future salle de l'OSM par exemple. Souhaitons qu'on ne sombre pas dans le folklore! Le bois a sa place dans certains grands projets architecturaux, mais il s'agit souvent d'essences importées, les nôtres ayant été gaspillées ou surexploitées. Entre le recours au bois pour des raisons d'économie (bois
d'ingénierie) ou d'esthétique (certains lambris et parquets spécialisés) et le retour des madriers pour remplacer l'aluminium (de chez nous) entre les murs et le béton (aussi de chez nous!) entre les planchers, la rationalité et le bon sens exigent qu'on laisse aux ingénieurs et aux architectes le soin de choisir. Surtout pas aux politiciens!
Il y a des années qu'on demande à l'industrie de développer des produits à valeur ajoutée, des années que les poids lourds chargés de madriers tiennent lieu de réponse. Avant de lui accorder d'autres privilèges, d'autres subventions, posons la question de nouveau, en espérant un début de réponse dans le livre vert qui sera bientôt publié par le gouvernement Charest: que fera l'industrie de tout ce bois qu'elle exige plus que jamais qu'on lui cède pour une bouchée de pain?
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