Forcer la transgression

Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver Nous entrerons là où nous sommes déjà Car il n’est pas question De laisser tomber l’espérance.

Tribune libre


« ...Je suis tué (cent fois je fus tué), un tué rebelle

Et j’ahane à me traîner pour aller plus loin.

Déchéance est ma parabole depuis des siècles de pères

Je tombe et tombe et m’agrippe encore. Je me relève et je sais que je t’aime

Je sais que d’autres hommes forceront un peu plus la transgression

Des hommes qui nous ressemblent

Qui vivront dans la vigilance notre dignité réalisée

C’est en eux dans l’avenir que je m’attends

Que je me dresse, sans qu’ils le sachent, avec toi.
Oui, tu as été tué Miron. Tu t’es redressé, croyant en ton avenir comme à celui de ton peuple.

Eh bien, sache qu’ici rien n’a changé. Comme toi, nous sommes tués.
Collectivement tués.
Pour preuve, la cour suprême vient de décréter inconstitutionnelle, invalide, la loi 104. Celle, votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale (en 2002 ) et par laquelle on pouvait empêcher certains allophones et ou anglophones de contourner la loi 101 et de poursuivre ainsi leurs études en langue anglaise. On a beau être vigilants et comme toi se dresser devant l’irrecevable, cette décision ratifie le pouvoir des loups d’Ottawa. Ceux-là nous mangent à coups de stratégie honteuse. On nous accorde un an pour donner suite à ce jugement. Ce qui en termes clairs veut dire, un an pour rassembler nos forces, peaufiner notre réplique et réagir. Comment y arriver avec un fédéraliste comme premier ministre à l’Assemblée nationale du Québec.? Comment en si peu de temps aiguiser nos armes?
Oui, on nous tue, on nous égorge, on nous outrage. On profane nos droits élémentaires. On bafoue la loi 101. À coup de législation fédérale encore une fois et au nom des droits et libertés individuelles. Les droits d’un peuple entier, on n’en a cure. Cette position des juges (nommés bien sûr par Ottawa,) m’a soudainement ramenée à cet extrait de ton texte La marche à l’amour écrit en 1970. Texte d’amour oui , mais à portée sociale tout autant.
***
Plus ça va, plus ça se complexifie pour nous. Que devons nous faire alors?

Transgresser? Contrevenir? Nous rebeller? Reprendre le combat linguistique?

Oui, et plus encore, crier, hurler, vociférer, clamer notre désaccord « suprême ».

Nous avons mal. Nous avons rage. Il y aura suite… Nous irons plus loin.
L’action s’organise. La réplique s’installe. Prend route. Notre solidarité tracera une avenue…

Je te cite encore Miron :
Ça ne pourra pas toujours ne pas arriver

Nous entrerons là où nous sommes déjà

Car il n’est pas question

De laisser tomber l’espérance.
(Poèmes épars, 2003)

Featured 9667633ae5aaba20845bac85fb41b69e

France Bonneau39 articles

  • 32 369

France Bonneau est professeure de français auprès des adultes-immigrant-e-s . (MICC)





Laissez un commentaire



6 commentaires

  • France Bonneau Répondre

    10 novembre 2009

    Quand je parle de rage et de colère, il ne s'agit pas pour moi de violence mais d'actions justes et cohérentes. Je veux simplement signifier que nous devons réagir, crier notre désaccord et ORGANISER, PLANIFIER notre réponse.Investir l'espace public.
    Bref, je suis en accord avec les propos de monsieur Boivin. Ceux-ci traduisent ma pensée.
    Les fédéralistes ne seront jamais de notre côté. Les indécis oui... peut-être ...

  • Archives de Vigile Répondre

    10 novembre 2009

    Je suis d'accord avec vous madame Bonneau mais ce qu'il faut aussi faire, c'est de rassurer les fédéralistes qu'il ne peut être que bénéfique pour le Québec de se gouverner lui-même. Dans le fond d'eux-mêmes les fédéralistes le savent très bien qu'il est mieux pour les québécois de se gouverner eux-mêmes car ils sont incapables de nous donner les raisons pour justifier notre permanence dans le Canada. Mais la peur les empêche d'oser faire ce qui serait bon pour le Québec et c'est pourquoi il faut les rassurer. Il y a des gens qui surmontent leur peur, d'autres qui restent figés par la peur. Ces derniers représentent nos sujets dits fédéralistes mais qui n'arrivent pas à faire le saut. Evidemment, les fédéralistes peureux ne vont pas avouer leur peur car ils seraient honteux de reconnaître un tel sentiment alors ils disent que le fruit n'est pas mûre...C'est comme quelqu'un qui refuse de se baigner parce qu'il a peur de l'eau:plutôt que de reconnaître sa peur, il va dire que c'est parce que l'eau est trop froide...

  • Marcel Haché Répondre

    10 novembre 2009

    Merci pour vos beaux textes mme Bonneau.

  • Gilles Bousquet Répondre

    10 novembre 2009

    M. Boivin, c'est bien correct d'agir mais seulement où ça fait avancer. La flamme pour éclairer mais pas pour mettre le feu pour se brûler.
    Voter correctement et protester légalement me semble plus prometteur.
    Ça serait quoi votre suggestion de feu, avec quelle action ?

  • Gaston Boivin Répondre

    10 novembre 2009

    Tiens encore vous, monsieur Bousquet, qui donnez, parfois, cette impression de prendre plaisir à vous promener, de texte en texte, pour y éteindre la moindre petite flamme. Avez-vous songé, l'espace d'un moment, que les gens, qui ont été enterrés vivants, l'ont été parce que, ne réagissant plus à rien, on les a crus sans vie et pris pour morts: Par les temps qui courent, il m'apparaît plus important de démontrer que l'on est encore vivants et d'essayer de réveiller nos pseudos morts que de tenter d'amadouer et de convaincre des fédéralistes insensibles à leurs véritables racines et à la toujours plus grande précarité de leur peuple, comme désâmés, et qui, de jour en jour, face à nos absences de réactions et, pour ainsi dire, à nos abandons, se tapent toujours plus dans les mains: Si on ne le fait pas, c'est tout un peuple qui deviendra lui-même désâmé. C'est d'ailleurs ce que certains de nos politiciens indépendantistes et/ou souverainistes ne semblent pas comprendre depuis quelques années.

  • Gilles Bousquet Répondre

    9 novembre 2009

    Selon moi, : «crier, hurler, vociférer, clamer notre désaccord « suprême » ne gagnera pas nos fédéralistes à la cause de la souveraineté du Québec. Ça va, à la place, leur faire peur.
    Pour être majoritaires, nous devons convaincre ces fédéralistes que l'option souverainiste est la bonne afin qu'ils cessent de voter pour des fédéralistes et voter NON au référendums sur la souveraineté du Québec. C'est une affaire qui se gagne patiemment avec des carottes, pas des bâtons et de la colère.