Fonds d'opération secret de la SQ: un «manque de rigueur généralisé»

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Soupçon de collusion pour une entreprise fondée par un ex-agent de la SQ

Le fameux fonds secret de la Sûreté du Québec (SQ) n'a pas servi qu'à payer en douce de généreuses indemnités de départ à la retraite à des membres haut placés. Un rapport d'enquête confidentiel réalisé à l'interne a découvert un « manque de rigueur généralisé à travers tout le processus, à toutes les étapes » de son utilisation par le corps policier.


Officiellement nommé « compte spécial d'opération », ce fonds de 25 millions créé dans les années 70 est au centre du procès pour fraude, vol et abus de confiance visant l'ancien chef de la SQ, Richard Deschesnes.


Le compte doit normalement servir aux enquêteurs à payer des sources confidentielles ou à réaliser des transactions qui doivent demeurer confidentielles pour protéger le secret opérationnel de la SQ.


Or, un rapport d'enquête administrative caviardé déposé en preuve au procès de Richard Deschesnes, qui se penche sur 584 transactions payées avec le fonds spécial entre 2003 et 2012, conclut que plusieurs « lacunes administratives » entourent sa gestion, mais « qu'aucun cas n'a soulevé de soupçon de nature criminelle ». 


 


« Personne ne regarde les dépenses spéciales d'opération dans son ensemble avec un oeil critique. »


- Paul Millette, responsable de l'enquête


Le lieutenant Millette, de la Direction des normes professionnelles, note que de nombreux formulaires d'autorisation n'ont pas toutes les signatures nécessaires pour justifier le paiement de dépenses et qu'aucun mécanisme d'appel d'offres n'est utilisé pour choisir les fournisseurs.


Malgré les informations caviardées, le rapport d'enquête permet de conclure que le fonds secret a, entre autres, servi à acheter pour 96 000 $ de licences informatiques d'utilisation d'un logiciel de cyberenquête appelé LazyChamp.


Commercialisé par un ancien directeur adjoint du renseignement criminel de la SQ, Gervais Ouellet, le logiciel avait été développé alors que M. Ouellet était toujours à l'emploi du corps policier, avait révélé La Presse en janvier 2012.


En octobre 2012, le paiement à la firme de M. Ouellet a été autorisé en trois versements provenant du fonds secret, révèle le rapport d'enquête administrative de la SQ. « Avons-nous avantagé un fournisseur aux dépens d'un autre ? Y a-t-il un problème d'éthique étant donné que le fournisseur est un ancien policier ? Avons-nous payé via une dépense spéciale d'opération afin d'éviter de diffuser l'information au public ? Pourquoi séparer la dépense en trois, pour éviter d'avoir une seule formule [de réclamation] avec un montant trop élevé, cela pourrait attirer l'attention ? », se questionne le lieutenant Millette.


« JE NE PENSAIS PAS QUE LA SQ ALLAIT L'ACHETER »


En entrevue téléphonique, M. Ouellet a indiqué qu'il n'avait aucune idée qu'il avait été payé à l'époque à partir du fonds secret. 


« Je suis surpris de l'apprendre. Je me souviens d'avoir reçu un chèque de la Sûreté du Québec, mais je n'avais aucune idée que ça venait du fonds secret. La Sûreté du Québec, c'est gros. Je ne suis pas devin. »


M. Ouellet ajoute qu'il avait par ailleurs investi 15 000 $ de sa propre poche pour le développement du logiciel sans même savoir si la SQ le lui achèterait. « Ç'a été très long avant que la Sûreté achète le logiciel. Ils ont fait des études comparatives avec d'autres logiciels et il y a eu un rapport qui a été fait. Honnêtement, je ne pensais pas que la SQ allait l'acheter. »


Le mandat du lieutenant Millette n'était pas de « faire une enquête formelle ou de nature disciplinaire », mais plutôt de « cibler des problématiques afin d'y apporter des correctifs », précise le rapport.


« Les dépenses, souvent très importantes, étaient probablement justifiées, mais le moyen utilisé pour régler la facture n'était pas conforme aux directives », écrit-il.



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