En conférence de presse, samedi, la présidente de Femmes autochtones du Québec (FAQ), Viviane Michel, a rappelé que cette loi restreint toujours de manière disproportionnée la transmission du statut d’Indien par les femmes.
Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a reproché au Canada d’enfreindre ses obligations internationales pour cette même raison le mois dernier, après une longue bataille menée par Sharon McIvor, de la bande de Lower Nicola Valley, en Colombie-Britannique.
«Une fois de plus, la Loi sur les Indiens a été déclarée discriminatoire. Nous voulons nous assurer que cette bataille soit la dernière», a lancé Viviane Michel dans le cadre du forum public Sha’tetiónkwate, au centre-ville de Montréal.
La militante originaire d’une communauté innue de la Côte-Nord a souligné que les femmes issues des Premières nations multiplient depuis des décennies les contestations judiciaires de la Loi sur les Indiens.
«À chaque fois, elles ont gagné. À chaque fois, le gouvernement a fait le strict minimum», s’est-elle indignée.
Femmes autochtones du Québec réclame, en parallèle, la pleine mise en oeuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, avec un accent particulier sur leur droit à l’autodétermination.
L’organisme qui souligne cette année son 45e anniversaire compte déposer sa pétition à la Chambre des communes au mois de juin, par l’entremise du député néo-démocrate Alexandre Boulerice.
«C’est la reconnaissance aussi d’un passé de siècles de colonialisme et de racisme envers les Premières Nations», a déclaré le député de Rosemont-La Petite-Patrie.
«Complètement différent» de 1969
L’ex-premier ministre Pierre Elliott Trudeau avait déjà proposé d’abolir la Loi sur les Indiens, mais son fameux Livre blanc avait suscité une importante levée bouclier au sein des peuples autochtones.
Il est cette fois question d’une proposition «complètement différent(e)» de celle de Trudeau père, qui souhaitait éliminer le statut particulier des Premières Nations et ainsi les assimiler, explique Éloïse Décoste, analyste juridique et politique pour FAQ.
«La Déclaration sur les droits des peuples autochtones donne un outil de protection qu’il n’y avait pas en 1969, donc ça permet de mener la conversation plus loin», précise-t-elle.
Un projet de loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec cette déclaration de l’ONU a été adopté à la Chambre des communes au printemps dernier. Le projet de loi C-262, qui émane de l’élu cri Romeo Saganash, est actuellement à l’étude au Sénat.
«C’est important de résister à cet attachement à la Loi sur les Indiens parce que le contexte a changé et cet amour-haine a toujours été au détriment des femmes», fait valoir Mme Décoste.
La Loi sur les Indiens, qui visait ouvertement l’éradication de la culture des Premières Nations, définit les obligations du gouvernement envers celles-ci et l’admissibilité au statut juridique d’Indien.
Jusqu’en 1985, le droit des femmes à ce statut dépendait de leur mari. Une femme qui épousait un homme sans statut perdait donc le sien - et du même coup, le droit de vivre au sein de sa communauté. À l’inverse, une femme allochtone obtenait le statut d’Indien en épousant un homme reconnu comme tel par le gouvernement canadien.
«Cette idée-là était évidemment très patriarcale et sexiste, mais c’était aussi un projet colonial, relève Éloise Décoste. En excluant des femmes autochtones et en faisant entrer des femmes non autochtones dans les communautés, ça créait une interruption de la transmission de la langue et de la culture.»
Bien que ces modalités eurent été abandonnées en 1985, les femmes autochtones éprouvent toujours plus de difficulté à transmettre leur statut à leur descendance que leurs vis-à-vis masculins. Si bien que plus personne ne sera admissible au statut d’Indien d’ici une cinquantaine d’années, selon les calculs de Mme Décoste.
Pour Viviane Michel, il est grand temps de tourner la page : «Nous voulons nous tourner l’avenir, mais nous devons toujours nous battre simplement pour réaffirmer notre droit d’exister.»