Guerre culturelle

Féminisme islamique: une intrusion par effraction dans nos sociétés

Victimisation des femmes voilées

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Tribune libre

Le propos qui suit n'a pas pour objectif de relater l'évolution du féminisme — universel ou occidental — alors que partout dans le monde la dynamique des actions populaires #BalanceTonPorc, #Metoo, #TimesUp, #MetooIndia, #NiUnaMenos et HollaBack! bat son plein depuis le 25 novembre 2018 et se poursuivra jusqu'au 10 décembre. Le slogan principal étant «Tous UNiS pour mettre fin à la violence à l'égard des femmes» et dont le thème est «Orangez le monde: #ÉcoutezMoiAussi».


Le contenu de cette présente réflexion est une tentative de réponse à la question que se posent bien des sociologues, des anthropologues, des politologues et des observateurs des sociétés occidentales, sur l'intrusion par effraction de ce qui est qualifié de «féminisme islamiste». Ses militantes le justifient comme étant un féminisme distinct.


À l'évidence, et sans aller dans le détail, cela confesse d'une stupidité à laquelle seuls les islamistes nous ont habitués et qui sont les seuls en mesure de déployer, en s'infiltrant insidieusement dans le monde des organisations sociales, les universités et les centres de recherches et même, dans les écoles primaires, avec le soutien silencieux et le laxisme des gouvernants corrompus idéologiquement.


Avant de poursuivre, il faut noter qu'en 2018, parler de féminisme n'est plus l'apanage des femmes. Je suis féministe et membre de Pour le droit des Femmes du Québec (PDFQ). Comme tous les autres membres masculins de cette organisation, je n'y ai pas le droit de vote, mais ma voix compte. Mon propos est écouté, pris en considération et avec attention par toutes et tous les autres membres.


Le voile dans la tradition vestimentaire


Le témoignage suivant se veut être un prélude au reste de ma réflexion: au début de l'indépendance de l'Algérie, alors que les premières combattantes revenaient des maquis, je découvris, sans grand étonnement, qu'elles ne portaient pas le voile traditionnel. Ces combattantes étaient habillées à la «française», comme l'étaient les jeunes filles qui allaient encore à l'école, et celles —rarissimes —qui travaillaient.


Dans ma petite ville natale de l'est algérien, j'ai intégré le fait que le voile que portaient les femmes, qu'il soit blanc (Hayek) ou noir(Mlaya), était un élément de préservation de l'intégrité morale des femmes, mais aussi une ligne rouge à ne pas dépasser par les autres, les hommes. Deux fonctions dont le caractère symbolique n'échappait à personne: la première mettait en évidence l'élégance et ne réduisait en rien la féminité de celles qui le portaient. La seconde était sociale.


Cependant, ces deux fonctions constituaient une sorte de frontière à la fois délicate et robuste qui séparait la spécificité de la société algérienne de souche et la société coloniale. Une forme de société biculturelle. J'ajouterais que les femmes hors des grands centres urbains (campagne et montagne) portaient un foulard, juste pour préserver leurs cheveux de la poussière.


La mode régressive du hijab


À cette époque, durant les deux premières décennies suivant l'indépendance, le hijab ne faisait pas partie du paysage vestimentaire algérien. Le début de son apparition remonte au milieu des années 80. Deux questions m'étaient venues à l'esprit: qu'est-ce qui a fait que l'Algérienne se soit mise à porter cet accoutrement, et, qu'est-ce qui pouvait justifier ce changement qui allait, au fur et à mesure que le temps passait, même finir par scinder la société en deux?


Un souvenir me vient à l'esprit, ceux qui étaient appelés les Afghans — mercenaires algériens qui s'étaient rendus en Afghanistan — dès leur retour au pays, s'étaient attelés à imposer à leurs sœurs, à leurs mères et à leurs épouses, ce bout de tissu. La fanatisation qu'ils ont subie devait être transmise et imposée aux femmes de leurs familles et de leur proche entourage (cousines, voisines, etc.).


À la même époque, quelques pseudo-érudits avaient justifié le port du hijab par son utilité: «... cache-misère pour celles qui n'avaient pas les moyens de s'acheter des vêtements neufs ou encore vêtement confortable, puisque les mains étaient libres alors qu'avec le Hayek et la Mleya ce n'était pas le cas...»


Bien entendu, le commun des intégristes ajoutait qu'il préservait la pudeur de la femme. Pour la contradiction, je n'évoquerai même pas celles qui, ici, au Québec, le portent au demeurant avec un maquillage inapproprié.


La féministe islamiste


En Europe, et même ici au Canada et au Québec, une autre problématique est apparue depuis une dizaine d'années. Il s'agit d'un changement dans la sémantique: le concept de la «fanatisation» a été remplacé par un concept plus généraliste et édulcoré, celui de la «radicalisation»; d'autres concepts sont tout simplement évacués parce que trop révélateurs de l'intolérance des islamistes à l'égard des Québécois (islamophobie). Mais, personne n'ignore que le voilement des femmes est le premier acte de leur soumission, et aussi de la régression de pans entiers de la société.


Nous savions que les effets et les dommages collatéraux de la confrontation entre le Wahhabosalafisme, le Khomeynisme et la fraternité islamiste, bien entretenue par les Étatsuniens et leurs alliés, seraient dégradants pour les femmes dont le statut a toujours été précaire dans les sociétés arabo-musulmanes.


Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il n'y a pas eu à ce moment-là de féminisme islamiste pour améliorer le statut des musulmanes et s'opposer aux dérives imposées par leurs hommes, au nom de l'idéologie qu'ils véhiculent.

Un grand nombre de celles qui ont absorbé le «venin» de l'une des trois idéologies islamistes, n'ayant pu s'ériger contre les dictateurs de leurs pays d'origine, ont suivi leurs hommes en Occident. Déjà fanatisées, et refusant de s'intégrer à leurs sociétés d'accueil, elles se sont organisées pour se présenter comme victimes d'un système social qu'elles accusent de «chosifier» la femme. Elles exigent aussi des droits et des valeurs, encore une fois islamistes, en faisant valoir l'idée que le féminisme n'est pas seulement occidental, il est aussi islamiste. Seulement, une lecture active de ce féminisme dévoile qu'il est un cheval de Troie véhiculant l'islamisme victimaire.


Rappelons-nous de cette étude réalisée en 2015 par le ministère algérien de la Santé en collaboration avec l'UNICEF: elle mentionnait que 59% des femmes algériennes estiment qu'un mari a «le droit de frapper ou de battre» son épouse. Ahurissant n'est-ce pas!? Faut-il penser que cette proportion existe ou est la même dans la communauté féminine d'origine algérienne vivant au Québec? Où se trouve le centre de prévention de la radicalisation?


La citoyenneté avant tout!


En tout état de cause, et l'histoire nous l'apprend, seules les féministes œuvrant pour le respect des valeurs d'égalité, de partage et de progrès, mobilisent et sensibilisent les populations, y compris celles des pays musulmans, afin que la citoyenneté soit la seule et vraie institution égalitaire de toute société laïque.


Je me souviens d'un cours de philo sur le doute, qui s'était conclu par ce qui suit: «Se questionner, c'est douter. Douter, c'est chercher si une autre explication existe». Pour revenir à mon propos initial, je me suis demandé comment une Nord-américaine, une Canadienne ou une Québécoise, une Européenne, une Française, une Allemande ou une Espagnole... ferait la différence entre une musulmane et une féministe islamiste, considérant que chacune se réclame de son islamité? Bien entendu, pour moi, la réponse était simple: l'une porte le hijab: elle est islamiste et ensuite citoyenne, c'est une militante convaincue de l'Islam politique ou ignorante de cette qualité, mais la porte néanmoins sur sa tête. L'autre est d'abord citoyenne et ensuite musulmane. Or, rien ne les distingue si ce n'est le voile de la première.


Pour les islamistes, femmes et hommes, il n'y a pas de laïcité, de liberté et d'égalité s'ils n'ont pas les devants de la scène pour imposer leurs vues et leur fanatisme.

Cette divergence m'amène à dire que je suis convaincu que dans une société de tolérance et de progrès comme celle du Québec, seule l'institutionnalisation de la laïcité constitue le fluide de nature à préserver sa cohésion et son harmonie tout en consolidant le bien-vivre ensemble. Cela signifie que tant que les gouvernants n'auront pas légiféré pour implanter et enraciner la laïcité, le Québec restera dans l'impasse, et les clivages qui divisent la société en plusieurs silos hermétiques se multiplieront.


À l'instar des islamistes qui les mettent en avant, leurs féministes usent de la stratégie de l'infiltration et du noyautage pour adopter des thématiques médiatisées par les féministes progressistes laïques. Elles faussent ainsi les effets des indépendances acquises à force de sacrifier les acquis universels pour lesquels bien des Québécoises et des immigrantes se sont battues depuis des décennies. Pour les islamistes, femmes et hommes, il n'y a pas de laïcité, de liberté et d'égalité s'ils n'ont pas les devants de la scène pour imposer leurs vues et leur fanatisme.


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Ferid Chikhi67 articles

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Algéro-Canadien, Ferid Chikhi vit au Québec depuis 2001. Conférencier et formateur, il est membre de plusieurs groupes et collectifs d’études. Contributeur de presse il est auteur d'articles, de réflexions et d'analyses tant politiques qu’économiques. Il a publié divers textes sur les problématiques d’accueil et d’intégration des immigrants au Québec. Ferid est membre du Conseil d'administration des IPSOs ; membre fondateur de l'Association des Nord-Africains pour la Laicité (AQNAL) ; membre du Groupe d'Études et de Réflexions Méditerranée Amérique du Nord (GERMAN) et l'animateur du site www.convergencesplurielles.com





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