Faire nation

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Fondation Équipe Québec : le sport comme vecteur politique de la cohésion nationale

Bien sûr, il y a eu la centaine d’arrestations, les vitrines défoncées et les voitures brûlées sur les Champs-Élysées. Bien sûr, tous n’étaient pas de la fête. Bien sûr, on a essayé de nous faire croire que ces joueurs n’étaient pas vraiment Français, mais d’abord Noirs, Africains, Beurs ou Sénégalais. Mais ce serait bouder notre plaisir que de ne pas s’extasier devant la beauté de ce qu’on a vu se produire sous nos yeux. Ces moments sont rares et il faut les savourer. Qu’a-t-on vu cette semaine après l’étonnante victoire des Bleus à Moscou, sinon tout un peuple faire nation sous les regards ébahis du monde entier ?


C’est toute la beauté de la nation, la nation « charnelle », disait Péguy, qui s’est soudainement projetée sur les écrans. Sans prévenir, cette victoire inattendue a fait sortir des chaumières, des usines et des bureaux ce qu’on appelle le peuple. Comme s’il attendait depuis trop longtemps ce supplément d’âme que confère le sentiment d’être soudé par quelque chose qui dépasse chacun d’entre nous.


J’entends déjà les mauvais coucheurs se récrier. Eh bien oui, ce jour-là, au-delà de toutes les définitions alambiquées du monde universitaire et médiatique, il n’y avait qu’à ouvrir les yeux pour voir le peuple en action. Pour voir ces gigantesques foules poussées par on ne sait trop quoi exprimer le besoin irrépressible de sortir dans la rue pour dire qu’en ce moment précis, ils n’étaient ni Noirs ni Blancs, ni catholiques ni athées, ni patrons ni ouvriers, ni bobos ni issus des quartiers populaires, mais tout simplement Français.


Osons le dire, il y avait de quoi faire saliver les Québécois, dont le ressort national semble aujourd’hui tellement rouillé ; sinon cassé, disent les plus pessimistes.


À l’heure où ces mots sont mis à l’index, il vaut la peine de nommer précisément ce que nous venons de voir. Pour une fois, il n’était plus indigne de se dire Français et de montrer sa fierté de l’être. C’est aussi ce qu’on avait vu, sur un mode plus tragique, le 11 janvier 2015, lorsqu’un peuple déterminé était sorti dans les rues de toutes les villes de France pour faire barrage à la barbarie après l’assassinat des artisans de Charlie Hebdo.


   


Certains voudront nous faire croire que l’équipe qui a triomphé des Croates dimanche dernier était celle des « Non-Gaulois », des Noirs ou du multiculturalisme. Ces affirmations contredisent non seulement les déclarations des joueurs, dont on a bien vu la détermination à chanter La Marseillaise, mais elles expriment aussi une ignorance profonde de ce que représente la nation.


Parmi toutes les identités à la mode — et Dieu sait si elles le sont —, l’identité nationale ne demeure-t-elle pas la seule accessible à tous et capable de faire du commun ? La seule capable de s’élever au-dessus des communautarismes sexuels, ethniques et raciaux ?


Ceux qui parlent d’une victoire du multiculturalisme ont la mémoire courte. Ont-ils oublié les accusations de racisme dont avait été la cible l’entraîneur des Bleus Didier Deschamps lors des premières sélections qui devaient mener à la victoire de dimanche ? L’entraîneur avait alors subi le même courroux qui vient de s’abattre sur Robert Lepage et son spectacle SLAV. Il y a deux ans, frustré de n’avoir pas été sélectionné, le meilleur buteur français, Karim Benzema, avait accusé publiquement Deschamps d’avoir ainsi donné raison à « une partie raciste de la France ».


L’ancienne vedette du Manchester United Éric Cantonna n’avait pas hésité lui non plus à souligner en caractères gras l’origine nord-africaine de Benzema. Dans une forme de xénophobie inversée, il avait dénoncé un nom (Deschamps) « qui sonne bien français » et un entraîneur qui « ne s’est jamais mélangé avec personne dans sa famille. Comme les mormons en Amérique ». Des propos qui ressemblent étrangement à ceux proférés cette semaine par les « antiracistes » de la Licra contre la pauvre équipe croate, qui aurait le défaut d’être « dramatiquement uniforme » et dont le jeu serait « monocorde, sans couleur, sans saveur, riche que de lui-même ». Le racisme à l’envers !


   


On ne saura jamais où en serait l’équipe de France si Didier Deschamps s’était plié à ce diktat multiculturel largement propagé et imposé par les médias.


Ce que l’on sait cependant, c’est qu’en choisissant les meilleurs joueurs et en refusant les critères ethniques qu’on voulait lui imposer, Deschamps a fait honneur à la France. Que lui reprochait-on en effet sinon de refuser de composer son équipe en opportuniste de la communication, au mépris des compétences, un peu comme Justin Trudeau bricole son Conseil des ministres ? En professionnel responsable devant les seuls Français, Deschamps a simplement choisi les meilleurs et rien d’autre. Il a en particulier misé sur de jeunes recrues surtout capables de faire équipe.


« Faire équipe », cela ne sonne-t-il pas comme « faire nation » ? C’est peut-être ça aussi, la beauté du sport…



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