Le nouveau premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, issu de l'ethnie Oromo, une première dans l'histoire du pays, a échappé samedi à un attentat à la grenade lors d'un rassemblement politique à Addis-Abeba.
Une personne a été tuée et au moins 153 autres ont été blessées, dont 10 gravement, a révélé le ministre de la Santé, Amir Aman.
Le chef de cabinet du premier ministre, Fitsum Arega, a parlé d'attaque à la grenade qui, selon un organisateur du rassemblement, a été lancée en direction de la tribune. Le premier ministre, a-t-il dit, est sain et sauf.
Devant des dizaines de milliers de personnes réunies sur la place Meskel, Abiy Ahmed venait de finir son discours et saluait la foule quand l'explosion s'est produite, provoquant un mouvement de foule vers l'estrade et des scènes de confusion.
L'attaque à la grenade a déclenché un mouvement de panique qui a ensuite viré à la manifestation antigouvernementale. Photo : AFP/Getty Images/YONAS TADESE
Le premier ministre éthiopien a estimé que l'incident avait été planifié par des groupes cherchant à discréditer le rassemblement et son programme de réformes.
Les gens qui ont fait ça appartiennent à des forces opposées à la paix. Vous devez arrêter de faire ça. Vous n'avez pas réussi dans le passé et vous ne réussirez pas dans le futur.
Une bagarre et des arrestations
Un des organisateurs du rassemblement, Seyoum Teshome, a expliqué avoir vu une bagarre éclater non loin de la scène où se trouvait le premier ministre et quelqu'un tenter de lancer une grenade dans cette direction. « À ce moment-là, quatre policiers ou plus lui ont sauté dessus, et durant cette échauffourée, la grenade a explosé », a déclaré M. Seyoum.
Par ailleurs, un photographe de l'AFP a constaté l'arrestation de quatre personnes, deux hommes et deux femmes. L'attaque n'a pas été revendiquée et la police a ouvert une enquête.
L'événement avait débuté dans le calme. Des spectateurs brandissaient des drapeaux du Front de libération oromo (OLF), un groupe armé rebelle, et une ancienne version du drapeau éthiopien, symbole des manifestations antigouvernementales. La police, qui par le passé arrêtait quiconque agitait de tels drapeaux, laissait faire, cette fois.
Après l'explosion, des dizaines de personnes ont commencé à lancer des objets divers vers la police en criant : « À bas, à bas Woyane », ou « Woyane voleur », en référence au surnom péjoratif utilisé pour qualifier le gouvernement.
Après l'explosion de la grenade, des gens se sont rués sur la tribune d'où le premier ministre avait livré son discours. Photo : AFP/Getty Images/YONAS TADESSE
Des échauffourées ont commencé à éclater entre spectateurs et des pierres ont été lancées en direction des journalistes, qui ont dû s'abriter. La police s'est gardée d'intervenir, se contentant de contenir la foule.
Après ces événements, des dizaines de milliers de personnes ont continué à chanter dans le calme et à manifester leur mécontentement à l'égard des autorités. La police est finalement intervenue en lançant des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. À la mi-journée, la place était complètement vide en dehors d'une forte présence policière, selon un journaliste de l'AFP.
Un discours attendu
Les autorités n'ont pas indiqué combien de personnes étaient rassemblées pour le discours du premier ministre, mais la foule a été qualifiée d'« immense ». Photo : Reuters/Stringer .
Il s'agissait du premier discours public à Addis-Abeba de M. Abiy depuis sa nomination en avril. Il en avait fait plusieurs en province, et celui-ci devait être le plus symbolique de sa campagne pour expliquer ses réformes.
Vêtu d'un tee-shirt vert et d'un chapeau, le premier ministre a exprimé sa gratitude à la foule et a vanté les vertus de l'amour, de l'harmonie et du patriotisme. « L'Éthiopie sera à nouveau au sommet, et les fondations en seront l'amour, l'unité et le rassemblement », a-t-il notamment déclaré.
Depuis son entrée en fonction, après plus de deux années de manifestations antigouvernementales ayant coûté son poste à son prédécesseur Hailemariam Desalegn, M. Abiy a apporté des changements majeurs, libérant nombre d'opposants emprisonnés et instaurant une libéralisation de l'économie.
Il a aussi décidé de mettre un terme au différend avec l'Érythrée et opéré un important remaniement de responsables sécuritaires.
Pour les analystes, la mise en oeuvre de ces mesures ne se fera cependant pas sans susciter des tensions. La promesse de M. Abiy de rétrocéder à l'Érythrée des portions de territoires frontaliers a ainsi déjà suscité en Éthiopie la réprobation des Tigréens, très influents dans les cercles du pouvoir avant sa nomination.