Pour le 21e samedi consécutif, les gilets jaunes prévoient plusieurs rassemblements à travers la France, tandis que le gouvernement fait la semaine prochaine le compte rendu du « grand débat » destiné à apaiser leur colère, avant des mesures attendues mi-avril.
« Macron, dégage pour de bon! », criaient en fin de matinée quelques centaines de gilets jaunes manifestant à Rouen, où un appel à un rassemblement national avait été lancé, prenant à nouveau pour cible le président Emmanuel Macron, dont les gilets jaunes critiquent la politique fiscale et sociale.
« Macron destitution », pouvait-on lire sur une pancarte brandie à Paris, où plusieurs centaines de personnes se rassemblaient. Les interdictions de manifester, prononcées après les violences du 16 mars, ont été reconduites dans la capitale, en particulier sur les Champs-Élysées, où 1500 « ultras violents », selon le gouvernement, avaient saccagé commerces et restaurants.
Cet « acte 21 » fait resurgir les craintes de violences, après les scènes d'émeutes urbaines survenues mi-mars notamment, dont les vidéos largement diffusées ont écorné l'image de la France, première destination touristique du monde.
Ce nouveau samedi de manifestation intervient trois jours après le rejet par le Conseil constitutionnel de l'article phare de la loi anticasseurs, voulue par les autorités pour lutter contre les « débordements » lors des manifestations de gilets jaunes.
Cet article devait permettre de prononcer des interdictions administratives de manifester contre toute personne présentant une « menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ».
Le Conseil constitutionnel a cependant approuvé deux autres points de la loi anticasseurs : les fouilles de sacs et de véhicules aux abords des cortèges et la création du délit de dissimulation volontaire du visage. Ces mesures ne s'appliqueront pas samedi, faute de décret d'application publié au Journal officiel.
Ce samedi, les gilets jaunes tenteront de renverser la tendance à l'essoufflement de leur mouvement, vieux de près de cinq mois.
Tandis qu'ils étaient 282 000 à manifester à travers la France le 17 novembre, leur premier samedi de mobilisation, il n'y en avait plus que 33 700 la semaine dernière, dont 4000 à Paris, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur régulièrement contestés par les gilets jaunes. Ceux-ci ont de leur côté revendiqué 105 084 manifestants le samedi 30 mars.
Le grand débat national
Les gilets jaunes veulent maintenir la pression sur les autorités, alors que le gouvernement doit la semaine prochaine faire le compte rendu du « grand débat national ». Voulu par Emmanuel Macron pour répondre à la crise, la pire depuis le début de son mandat en 2017, ce débat a permis pendant plus de deux mois de faire remonter les doléances des citoyens, mais sans apaiser la colère des gilets jaunes.
Quelque 10 000 réunions locales ont été tenues, 16 000 cahiers de doléances, ouverts dans les mairies, et des centaines de milliers de propositions citoyennes, déposées. Lundi matin à Paris, une « restitution » du « grand débat » sera organisée en présence du gouvernement, de responsables administratifs et de simples citoyens. Une synthèse des doléances de 1500 pages environ a été établie.
Pour l'heure, on ne connaît que quelques réponses « fermées » à des questionnaires disponibles sur le site Internet du grand débat, où le oui l'a quasi systématiquement emporté, par exemple pour la comptabilisation des suffrages exprimés par le vote blanc (82 %), pour la réduction du nombre d’élus hors parlementaires (71 %), ou encore pour l'extension du référendum d'initiative partagée (66 %), selon les données recueillies par l'AFP.
Mardi et mercredi, deux débats sans vote seront organisés au Parlement en présence du premier ministre Édouard Philippe.
« Nous allons commencer à dire ce que nous retenons de ce qui a été dit. Et comment nous envisageons le travail avant qu'Emmanuel Macron n'annonce l'essentiel de ce que le gouvernement fera ensuite pour répondre aux attentes des Français », a résumé Édouard Philippe vendredi.
L'Élysée a confirmé que le chef de l'État annoncerait des premières mesures à la mi-avril, probablement avant Pâques. Puis, selon son entourage, il pourrait égrener des décisions jusqu'à l'été, enjambant les Européennes du 26 mai.
Il devra affronter le scepticisme de l'opinion. Selon un sondage Elabe publié jeudi, 68 % des Français estiment que les points de vue exprimés ne seront pas pris en compte, et 79 % que le grand débat ne résoudra pas la crise politique actuelle.