Elon Musk veut libérer Twitter : panique chez les bobos censeurs hexagonaux

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Qui doit définir la liberté d’expression ?


Ils sortent de leur boîte en rangs serrés et défilent comme à la parade, accueillis comme des oracles sur nos médias publics. Les bonnes consciences de la gauche française ont trouvé un deuxième méchant. Vincent Bolloré se sentira moins seul. En acquérant Twitter qu’il promet de libérer de ses liens, l’Américain Elon Musk flanque un sacré coup de pied dans la fourmilière des « On ne peut pas dire n’importe quoi », des « Il faut lutter contre les discours de haine » et des champions du monde du point Godwin. Musk les a salués de ce mot lapidaire : « La réaction extrême des anticorps de ceux qui craignent la liberté d'expression en dit long. »


Très long, même. Dans son article 10, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen pose que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». L'article 11 pose aussi que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Pour combien de temps ? Parmi nos « maîtres censeurs », comme les a appelés, voilà longtemps déjà, l’excellente Élisabeth Lévy, voici Julia Cagé, professeur d’économie à Sciences Po Paris, arrivée en trombe dans les studios de France Inter, ce 27 avril dès potron-minet pour délivrer la bonne parole, celle des gentils. Pourquoi faut-il absolument réguler ? Twitter « n’est pas une entreprise comme les autres », explique-t-elle, elle compte 200 à 300 millions d’internautes réguliers. « Une force de frappe mondiale » et une influence certaine. « Les journalistes passent beaucoup de temps sur Twitter. » Et puis, il y a les « fake news », les fameuses « fake news », véritable cheval de Troie des néo-censeurs de tous poils. Donc, il faut réguler. Assis aux côtés de Julia Cagé, le sociologue Gérald Bronner rappelle tout de même que Twitter a permis de soutenir des mouvements sociaux et que le réseau est « une des pièces essentielles à la liberté d’expression », mais voilà, « Elon Musk a des accointances avec l’idéologie libertarienne » « et c’est inspiré de cela qu’il va modifier les règles de modération de Twitter ». Eh oui, c’est le problème avec certains libéraux : ils respectent les libertés. En France, on est bien plus malin. Il faut donc creuser un peu, voir qui use bien de cette liberté et qui en use moins bien. Compliqué. Pour Donald Trump, « tout le monde était d’accord sur le principe » que l’ancien président représentait un danger, explique Julia Cagé. Mais tout de même, la décision de bannissement d’un président des États-Unis a été prise par trois personnes chez Twitter et une seule chez Facebook, rappelle-t-elle. « Donc, ça nous allait très bien parce que c’était Donald Trump », poursuit Julia Cagé. Mais si, demain, Elon Musk ou Mark Zuckerberg décident que n’importe quel homme politique qui lui déplaît mérite de disparaître, Biden par exemple, « il peut le décider lui-même ». C’est l’éternel problème avec la censure, c’est qu'elle peut se retourner contre vous. C’est même pour cela que la France a des lois.


Alors, on quitte les principes et on bascule dans l’analyse des cerveaux. Quand le patron d’Amazon Jeff Bezos rachète le Washington Post, c’est bien, il est woke, rien à dire. Mais quand Bolloré rachète CNews, c’est mal. Parce qu’il ne « respecte pas le travail des rédactions », expliquent les invités de France Inter. Ah, bon, si vous le dites, alors…


Léa Salamé, ce 27 avril, pose crûment la question : « Pourquoi, quand c’est Xavier Niel (propriétaire du Monde), ça ne pose pas de problème et quand c’est Bolloré, ça pose problème ? » Excellente question. Patrick Drahi (propriétaire de BFM TV et de Libération) ne pose « pas de problème » non plus, ajouterons-nous, curieusement. Julia Cagé a réfléchi à la question. « Ce qui est problématique, avec Bolloré et Elon Musk, c’est que c’est une seule personne qui décide de tout (sic). » Pas sympa pour les dirigeants du groupe Canal+ qui doivent se les rouler du matin au soir en attendant les ordres, alors qu’à Libération et au Monde, ce sont les actionnaires qui ne foutent rien. Mais si, demain, Elon Musk fait un conseil d’administration avec toutes les sensibilités politiques aux États-Unis, « ça va être démocratique », assure Julia Cagé. Elle y revient un peu plus tard : « Le problème, c’est qu’on donne à une seule personne un pouvoir indécent. » Diable ! voilà une bonne idée. Qu’on donne au sein des instances de France Télévisions, de Radio France, de Libération et du Monde 42 % du pouvoir à des représentants de Le Pen et 58 % à des représentants de Macron. Pourquoi pas, cela les obligera à se mettre d’accord : concorde assurée dans nos médias. On y croit !


La solution est pourtant simple. La France s’est dotée d’une loi d’équilibre pour que, effectivement, chacun ne puisse pas dire impunément n’importe quoi, concernant Boulevard Voltaire, par exemple… Cette loi de 1880 organise la responsabilité juridique du signataire et du propriétaire du média a posteriori, c’est-à-dire après publication. En aucun cas elle n’autorise une censure a priori, sans l’intervention du juge, signe d’une dictature.


Elon Musk, lui, a tranché : « Par “liberté d'expression”, j'entends simplement ce qui est conforme à la loi. Je suis contre la censure qui va bien au-delà de la loi. Si les gens veulent moins de liberté d'expression, ils demanderont au gouvernement d'adopter des lois à cet effet. ». La voie est toute tracée.