Éloge du libre-penseur

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Un peu d'irrévérence dans ce climat libéral de type totalitaire

Denys Arcand était à Tout le monde en parle vendredi. Tout le monde en convient, c’est notre plus grand cinéaste.


Son œuvre, passionnante, est celle d’un observateur exceptionnel de nos sociétés, qu’il analyse avec une lucidité qui peut aller jusqu’à la cruauté. Il médite sur le Québec et sur le déclin des civilisations avec un étrange mélange de cynisme et de mélancolie.


Cinéma


Il a brillé dans le documentaire comme dans la fiction. Qu’il s’agisse de Québec : Duplessis et après, du Confort et de l’indifférence, du Déclin de l’empire américain, des Invasions barbares ou de L’âge des ténèbres, on peut revoir ses films comme on relit de grands livres.


C’est un libre-penseur, un vrai, qui ne se laisse pas intimider par la mode idéologique du moment. Toute sa vie, il s’est tenu à l’écart du troupeau, sans jamais devenir le mouton noir.


Quoi qu’il en soit, lors de son passage à Tout le monde en parle, il était brillant, notamment lorsqu’on l’a questionné sur la parité.


On le sait, ces temps-ci, nous assistons à une campagne de presse massive pour nous y convertir de force.


On veut l’appliquer en politique, dans le milieu des affaires et dans le milieu des arts. On veut nous faire croire qu’il s’agit d’une urgence nationale et que celui qui s’y oppose témoigne en fait de son hostilité à l’égard des femmes. Qui n’est pas féministe n’est pas fréquentable.


C’est dans ce contexte qu’Arcand a dû se prononcer. Il a misé sur l’humour. Il a misé sur l’antiphrase en disant qu’il s’agissait d’une idée géniale tout en nous laissant comprendre qu’il pensait exactement le contraire. C’est ainsi qu’on évite de trébucher sur une question piégée tout en faisant savoir ce qu’on pense.


Cette petite séquence en dit beaucoup sur le climat médiatique dans lequel nous évoluons.


Il y a des questions sur lesquelles, fondamentalement, nous devons nous soumettre à une forme d’idéologie officielle qui ne dit pas son nom. Nous sommes à l’heure d’un féminisme aussi autoritaire que triomphant. Il faut parler comme ses militants en chef ou se taire.


Qui soutiendrait que l’égalité entre les hommes et les femmes, globalement, est davantage une réalité qu’un lointain horizon se ferait fermer le caquet. Qui dirait qu’il n’y a plus de sexisme systémique dans notre société subirait le même sort. On refusera même d’écouter ses arguments. On lui fera comprendre qu’il doit se taire.


Il faut dire que les sujets interdits sont nombreux.


Courage


Mais la question s’impose : pourquoi le politiquement correct s’impose-t-il aussi facilement ?


En bonne partie, parce qu’ils sont peu nombreux à lui résister vraiment. Chacun sait qu’il peut risquer sa réputation ou même sa carrière s’il se décide à le défier ouvertement. Alors chacun se couche en reportant le courage pour un autre jour.


Mais il arrive un moment où la vie publique devient irrespirable. C’est la grande noirceur version 2018.


Voilà pourquoi lorsqu’un homme libre comme Arcand se tient debout et déjoue les censeurs, nous sommes en droit de l’applaudir franchement.