Il était temps que la question identitaire prenne sa place dans une campagne qui avait jusqu’à alors des allures d’élections municipales. Et il serait maintenant temps d’aborder le cours Éthique et culture religieuse, que la CAQ a déjà dit vouloir réformer, et que le PQ entend abolir, comme vient de nous le rappeler Jean-François Lisée dans une lettre importante rappelant ses engagements nationalistes.
Cela fait plusieurs années maintenant qu’on parle d’ECR. Si on prend la peine de lire sur l’histoire de ce cours, on comprendra que ses principaux théoriciens l’ont pensé comme une thérapie pour ouvrir une société québécoise qu’ils jugeaient à tort maladivement fermée et hostile à la différence. Il s’agissait, dès l’origine, d’un cours visant à fragiliser l’identité québécoise en inculquant une nouvelle vision du monde à la jeunesse. Autrement dit, il fallait la déconstruire pour la reconstruire sur de nouvelles bases.
Depuis quelques années, la mission politique d’ECR est devenue encore plus claire. On s’en souvient, en 2007-2008, le Québec a traversé la crise des accommodements raisonnables. Dans ce cadre, les Québécois ont fait le procès du multiculturalisme qui inverse le devoir d’intégration et les condamne à devenir étrangers chez eux. Depuis, la question identitaire s’est installée dans le paysage politique – c’est elle qui suscite les passions, désormais. Ce n’est pas surprenant: partout en Occident, elle est présente.
Mais cette critique a été très mal prise par les tenants du multiculturalisme qui y virent une flambée d’intolérance. Pour eux, ECR devait servir à réformer les mentalités québécoises et prévenir toute future crise du même genre. À défaut de convaincre les adultes des vertus du multiculturalisme, ses partisans se sont tournés vers les enfants. On peut y voir une entreprise de rééducation identitaire autoritaire menée par ceux qui veulent convertir de force le peuple québécois au multiculturalisme.
Car contrairement à ce que laissent croire ses partisans, il ne s’agit pas d’un cours visant à transmettre des connaissances sur les religions. Il s’agit d’un cours visant à convertir la jeune génération à l’idéologie des accommodements raisonnables, et fondamentalement, à développer un réflexe hostile à l’endroit du nationalisme, qu’on accusera de crispation identitaire, et même de racisme. ECR entend graver une alternative dans la tête des élèves: soit vous êtes multiculturaliste, soit vous êtes raciste.
Parlons directement: il s’agit de propagande dans le cadre scolaire. Certes, on peut trouver des professeurs qui l’enseignent d’une telle manière qu’ils proposent aux élèves une matière valable. Mais sur le fond des choses, au nom de la «diversité», il s’agit de normaliser tous les signes religieux, quels qu’ils soient, même le voile intégral, c’est-à-dire le niqab. Il s’agit de programmer l’esprit des élèves pour qu’ils jugent inconcevable la critique de tels symboles. Il faut abolir tout sens critique chez eux pour qu’ils soient paralysés dès qu’on parle «d’ouverture à l’autre». Si jamais ils ressentaient néanmoins un malaise devant le multiculturalisme, ils devraient alors en avoir honte, en s’accusant de leur ouverture insuffisante. La philosophie diversitaire programme un réflexe culpabilisant dans la population, qui doit s’en vouloir lorsqu’elle réagit négativement à l’idée de sa conversion forcée au multiculturalisme.
Plus fondamentalement, il s’agit de disqualifier une toute conception de la culture québécoise d’abord ancrée dans l’expérience de la majorité historique francophone.
Je suis un indépendantiste convaincu. Mais si on me proposait d’inculquer mes idées politiques aux enfants à l’école, je n’y opposerais. Tout comme il faudrait s’opposer à ce que l’école enseigne le fédéralisme, le socialisme ou le conservatisme. L’école ne doit pas endoctriner les enfants mais leur transmettre un patrimoine de civilisation, une culture, des connaissances. ECR fait exactement le contraire. Il instrumentalise la pédagogie au service de l’idéologie pour fabriquer un nouveau peuple qui ne déplaira plus aux idéologues multiculturalistes.
Jean-François Lisée a raison: l’heure est venue de l’abolir.