Alexandre Benalla a-t-il été en contact avec Emmanuel Macron depuis son licenciement de l’Elysée ? Les rebondissements de l’affaire Benalla ont tourné lundi 31 décembre au bras de fer entre l’Elysée et l’ancien conseiller d’Emmanuel Macron, qui affirme avoir continué d’échanger avec le chef de l’Etat après son licenciement en juillet.
Affirmation rapidement démentie par la présidence, qui accuse Alexandre Benalla d’entretenir « tout un faisceau de contrevérités et d’approximations » pour « se venger ». Le ministère des affaires étrangères a dénoncé pour sa part des propos « faux » et « fantaisistes » de l’ancien conseiller de l’Elysée.
Selon Alexandre Benalla, ses conversations avec Emmanuel Macron depuis l’été sont comparables aux échanges qu’il avait déjà avec le chef de l’Etat quand il était son homme de confiance à l’Elysée. Elles portent « sur des thématiques diverses » :
« C’est souvent sur le mode “comment tu vois les choses ?” Cela peut aussi bien concerner les “gilets jaunes”, des considérations sur untel ou sur untel ou sur des questions de sécurité. »
Dans un entretien accordé dimanche 30 décembre à Mediapart, il assure avoir continué à échanger régulièrement avec le chef de l’Etat via la messagerie Telegram, précisant avoir conservé la preuve de ces échanges sur son téléphone portable. « Ça va être très dur de le démentir parce que tous ces échanges sont sur mon téléphone portable », prévient celui qui est mis en cause pour des violences sur des manifestants le 1er-Mai. A BFM-TV, M. Benalla a précisé que le dernier échange datait du 24 décembre.
Dans cet entretien, Alexandre Benalla affirme aussi échanger de manière régulière avec d’autres membres de la présidence, comme il l’avait déjà affirmé ces derniers jours dans un courrier adressé à l’Elysée. Ces échanges ont eu lieu jusqu’aux récentes révélations sur son utilisation d’un passeport diplomatique pour des voyages d’affaires en Afrique. « Là, le lien est coupé », selon lui.
L’Elysée a réagi officiellement, lundi, faisant savoir qu’il ne souhaitait « pas poursuivre un dialogue par presse interposée » avec son ancien chargé de mission « qui se venge de son licenciement pour faute grave ». « Le président de la République n’échange pas avec Alexandre Benalla, ni sur les “gilets jaunes”, ni sur les questions de sécurité », a fait savoir l’Elysée au Monde, avant d’insister :
« Le président de la République ne demande pas son avis à Alexandre Benalla. »
Alexandre Benalla, qui a récemment effectué plusieurs voyages en Afrique et rencontré des dirigeants, affirme aussi dans Mediapart avoir toujours rendu compte au président ou à son entourage de ses faits et gestes.
« J’explique que j’ai vu telle personne, je détaille les propos qui m’ont été rapportés et de quelle nature ils sont. Après, ils en font ce qu’ils veulent. Y compris le président de la République, qui est informé en direct. »
L’ancien chargé de mission définit son rôle des derniers mois comme celui d’un « un élément extérieur qui veut du bien au mec [Emmanuel Macron] qui lui a fait confiance ».
« J’aurais pu claquer la porte et passer à autre chose. Mais on continue à me solliciter, alors je continue à répondre. (…) Cela dérange un certain nombre de personnes, qui sont puissantes et qui font comme si le président était sous curatelle. Ils lui font faire des conneries phénoménales. »
Souhaitant revenir « aux faits », le palais présidentiel a assuré à nouveau lundi qu’Alexandre Benalla « n’a tenu l’Elysée au courant d’une partie de ses déplacements que le 20 décembre, c’est-à-dire après que des journalistes ont appris l’existence de son déplacement au Tchad ».
Alexandre Benalla affirme par ailleurs que, début octobre, une personne de l’Elysée lui a rendu des effets personnels et ses passeports diplomatiques dans une rue près du Palais de l’Elysée avec pour seule consigne « tu ne fais pas de bêtises avec ».
« Si on ne veut pas que j’utilise ces passeports, il n’y a qu’à les désactiver et les inscrire à des fichiers », plaide-t-il, précisant les avoir utilisés pour entrer dans « une dizaine de pays » depuis l’automne. « Quand vous voyagez à l’étranger avec un passeport diplomatique, l’ambassade de France est au courant que vous arrivez », assure-t-il.
A propos des passeports diplomatiques, l’Elysée a assuré n’avoir pas détenu ces documents et donc n’avoir pu les lui remettre, laissant entendre qu’Alexandre Benalla ne les avait jamais rendus. « L’Elysée a procédé depuis son licenciement à toutes les diligences pour récupérer les passeports et autres titres de l’intéressé », a insisté le palais présidentiel.
« Il revient à la justice de donner suite à l’éventuelle utilisation de ces passeports diplomatiques par Alexandre Benalla depuis son départ de l’Elysée, utilisation dont l’Elysée n’avait pas connaissance avant que la presse ne la révèle », souligne la présidence de la République. La controverse sur l’utilisation de ces passeports diplomatiques par Alexandre Benalla a pris samedi un tour judiciaire, avec l’ouverture par le parquet de Paris d’une enquête préliminaire pour « abus de confiance » et « usage sans droit d’un document justificatif d’une qualité professionnelle ».
Le Quai d’Orsay a également affirmé lundi que l’ancien conseiller n’a « bénéficié d’aucune indulgence particulière » de sa part et que « plusieurs démarches » ont été effectuées par le ministère pour obtenir la restitution des passeports diplomatiques.
La présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (La République en marche), a fermé la porte mardi à la nouvelle convocation d’une commission d’enquête sur l’affaire Benalla. Au vu des « nouveaux rebondissements », les députés socialistes avaient réclamé sa « convocation en urgence, dès le mercredi 2 janvier 2019 ».
« Les dernières révélations relatives aux agissements de M. Benalla ne [relèvent] pas du périmètre précis fixé en juillet », a répondu Mme Braun-Pivet dans un communiqué. Elle dit souhaiter « que la lumière puisse être faite » sur les éléments nouveaux, tout en dénonçant une demande « précipitée » qui « dénote une nouvelle fois de la volonté de l’opposition d’instrumentaliser à tout prix les dérives personnelles de M. Benalla à des fins politiques ».
Dénonçant des « mensonges » et des « dissimulations », plusieurs responsables de l’opposition, des Républicains (LR) et du Parti socialiste, ont par ailleurs demandé lundi des explications de l’Elysée. Le député LR Guillaume Larrivé a, lui, demandé que le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, soit poursuivi devant la Cour de justice de la République.
Proche d’Emmanuel Macron, l’ancien conseiller de François Hollande Gaspard Gantzer a estimé pour sa part que l’Elysée a voulu « cacher des choses sous le tapis » et qu’il serait temps que la présidence « dise la vérité, une fois pour toutes ».