Bell–Astral

Durs lendemains

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Développement d’une industrie de la télévision diversifiée et concurrentielle

20 octobre 2012
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a tranché : parce qu’elle n’a pas réussi à prouver que la transaction « sert l’intérêt public », Bell Canada ne pourra pas acquérir le radiodiffuseur Astral, avec qui elle s’était pourtant entendue. Ce faisant, le CRTC rompt avec la tendance récente du laisser-faire. Une très bonne nouvelle !
Ceux qui croyaient que l’arrivée d’un nouveau président à la tête du CRTC, Jean-Pierre Blais, ne changerait rien à l’orientation pour le moins libérale adoptée au cours des dernières années ont été confondus.
En rejetant le projet d’acquisition d’Astral par Bell que tous les experts tenaient pour acquis, le CRTC marque une pause dans le processus de concentration en cours depuis une vingtaine d’années dans l’industrie des télécommunications.
Parlons seulement d’une pause, car si le CRTC rejette du revers de la main l’argument de Bell selon lequel cette transaction de 3,38 milliards de dollars était indispensable pour doter le Canada d’une entreprise capable de concurrencer les géants comme Netflix, Apple et Google, il ne s’aventure pas à préciser s’il serait plus acceptable que ce soit Rogers, Vidéotron, Cogeco ou Telus qui mettent la main sur « le dernier grand radiodiffuseur indépendant non intégré » du pays.
En acquérant Astral, Bell aurait contrôlé 42,7 % des parts de marché de la télévision en anglais et 33,1 % de celles de la télé en français. Dans le secteur de la télévision spécialisée, le nouveau géant Bell-Astral aurait accaparé près des deux tiers de la tarte publicitaire au pays.
Une telle concentration d’actifs entre les mains d’un seul joueur lui aurait permis de faire du dumping publicitaire à volonté aux dépens de ses concurrents, par exemple en offrant des canaux sportifs ou francophones en prime aux gros annonceurs nationaux.
Au Québec, la transaction aurait donné naissance à un concurrent solide pour affronter Québecor, qui détient le premier rang avec 35 % du marché de la télévision. Mais compte tenu de l’envergure du monstre qu’on aurait laissé naître, même les Québécois y auraient perdu au change après quelques années, cela semble évident.
Le marché canadien de la télévision et des télécommunications est déjà trop peu concurrentiel, avec les conséquences que l’on sait sur les prix de la câblodistribution, de la télévision par câble, de l’Internet et du téléphone cellulaire qui sont plus élevés que n’importe où au monde, même en Afrique ! Et il est aussi beaucoup trop concentré de bas en haut de la chaîne de production et de distribution à cause des décisions du même CRTC qui a autorisé trop rapidement les distributeurs de services à se porter acquéreurs de stations et de réseaux de télévision.
Maintenant que le CRTC a dit non à Bell, Astral redevient disponible et l’on peut s’attendre à ce que ceux-là mêmes qui se sont opposés à la dernière transaction tentent à leur tour de mettre la main sur le joyau.
La question est de savoir si le CRTC, qui s’est enfin souvenu que son rôle n’était pas d’abord la valorisation de l’investissement des actionnaires, mais le développement d’une industrie de la télévision diversifiée et concurrentielle, gardera le cap sur cet objectif.
Auquel cas, il doit lancer le message clair aux intéressés que l’achat d’Astral devra répondre à des critères de qualité du projet présenté avant toute autre considération puisqu’en matière de télévision, le contenu ne doit pas devenir un banal outil de marketing pour augmenter les ventes de biens et de services technologiques.


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