Gilles Duceppe (Photo Patrick Sanfaçon, La Presse)
Isabelle Rodrigue - Presse Canadienne - Le Bloc québécois semble prêt à voter contre le discours du Trône puisqu'il pose cinq conditions pratiquement impossibles à accepter pour le gouvernement de Stephen Harper, une position qui vient augmenter les risques d'une élection générale dès cet automne.
Sorti affaibli des trois élections partielles, le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, est loin de se replier dans ses terres pour panser les plaies de son parti. Il lance plutôt tout un défi au gouvernement Harper, plaçant la barre très haute pour le prochain discours du Trône.
Dans un discours qu'il doit prononcer devant des militants réunis à Rimouski lors d'un forum de réflexion, samedi matin, et dont La Presse Canadienne a obtenu copie, M. Duceppe adopte un ton catégorique, voire intransigeant, et répète à plusieurs reprises que le Bloc est prêt à faire face aux conséquences d'une telle position qui pourrait précipiter tout le pays en élection.
Depuis sa défaite cuisante dans le comté de Roberval-Lac-Saint-Jean et le recul marqué de ses appuis au plan du vote populaire lors des complémentaires de lundi, on soutient au Bloc que le parti doit en faire davantage pour se démarquer des conservateurs et tenter de renforcer le traditionnel message que le Bloc est le meilleur défenseur des intérêts du Québec à Ottawa.
Et c'est visiblement ce tournant que ce discours veut amorcer.
«Pour les conservateurs de Stephen Harper qui ont réussi à s'en tirer jusqu'à maintenant avec des demi-vérités et des promesses à moitié remplies, le prochain discours du Trône sera un vrai test», peut-on lire dans la version finale écrite du discours que doit prononcer M. Duceppe.
«Les Québécois verront alors si l'ouverture des conservateurs est réelle ou simplement une façade.»
Les cinq conditions que pose le chef bloquiste en échange de l'appui de son parti lors du vote de confiance sur le discours du Trône ne sont pas les moindres.
Fini le temps de se contenter de «l'encadrement» du pouvoir fédéral de dépenser. Le Bloc exige des conservateurs rien de moins que «l'élimination» de ce pouvoir.
«Pas des engagements vaporeux, qui évoquent un «encadrement» du pouvoir de dépenser d'Ottawa ou une charte bidon du fédéralisme. Un engagement clair et net. C'est non négociable», lit-on dans le discours.
Au plan environnemental le Bloc ne se montre pas plus conciliant. Le parti exige que le discours du Trône mentionne, noir sur blanc, que le gouvernement s'engage à respecter le Protocole de Kyoto, à établir des cibles de réduction absolues des gaz à effet de serre, à adopter une approche territoriale et à mettre sur pied une bourse du carbone à Montréal.
«Et qu'on se comprenne bien: nous n'accepterons jamais qu'il y ait trois bourses du carbone ou d'échanger la bourse du carbone à Montréal contre la création d'une commission pancanadienne des valeurs mobilières à Toronto», prend-on la peine de mentionner dans le texte.
Le gouvernement Harper s'est toujours opposé à l'adoption de cibles absolues et il répète qu'il est impossible de respecter le Protocole de Kyoto, ce qui risque de transformer cette exigence en une condition impossible.
Conscient de l'importance des régions, le Bloc énonce aussi deux demandes qui sont liées directement à des enjeux majeurs pour ces populations. Ainsi, il exige la promesse du maintien du système de la gestion de l'offre dans son «intégralité», une question cruciale pour les régions agricoles.
Le Bloc veut aussi voir dans le discours du Trône un engagement concret pour les travailleurs touchés par la crise forestière, à savoir la promesse de mesures fiscales pour leur venir en aide.
Finalement, le retrait des troupes de l'Afghanistan demeure une condition «non négociable». Le Bloc réclame que le gouvernement mentionne clairement que les troupes canadiennes seront retirées d'Afghanistan à la fin de la mission actuelle, en février 2009.
En énonçant ces conditions, il ne fait plus de doute que le Bloc a décidé qu'il ne voulait plus être perçu comme l'allié du gouvernement dans les situations critiques. Depuis l'élection du gouvernement conservateur en janvier 2006, le parti de Gilles Duceppe a permis aux conservateurs de survivre lors des trois votes de confiance. Le Bloc a entre autre permis l'adoption de deux budgets, dont le plus récent qui venait combler une grande partie du déséquilibre fiscal.
À trois semaines de la reprise des travaux parlementaires, toute la pression sera désormais sur les deux autres partis d'opposition. Pour survivre, le gouvernement Harper aura besoin de se trouver un autre allié aux Communes pour remporter ce vote de confiance.
La tâche pourrait toutefois être très ardue.
Le Nouveau Parti démocratique exige le retrait immédiat des troupes canadiennes en Afghanistan, une condition considérée comme irréaliste par le premier ministre Harper.
Quant au Parti libéral, il a aussi fait connaître ses demandes. Il exige entre autres le retrait des troupes canadiennes en Afghanistan en février 2009 ainsi que la réintroduction du projet de loi sur la qualité de l'air (C-30), tel qu'amendé par les partis d'opposition.
Le gouvernement a déjà indiqué que le projet de loi C-30 ne sera pas ressuscité.
Plusieurs libéraux font aussi valoir qu'il serait très improbable que l'Opposition officielle appuie le discours du Trône, qui se veut la feuille de route du gouvernement.
Les partis d'opposition pourraient par ailleurs amender le discours du Trône, afin d'éviter des élections, mais ce scénario demeure hypothétique et rien n'indique qu'un consensus serait possible.
Les conservateurs détiennent 126 sièges à la Chambre des communes après les élections complémentaires de lundi, comparativement à 96 pour les libéraux, 49 pour le Bloc et 30 pour les néo-démocrates. On compte également trois députés indépendants et quatre sièges demeurent vacants.
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