Départ de Jean-Martin Aussant - Après le chef

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Les lendemains qui déchantent

La boucle du printemps érable est bouclée. Il n’aura fallu qu’un an pour que les espoirs des jeunes personnifiés par les nouvelles vedettes qu’étaient Martine, Léo, Gabriel et Jean-Martin se retirent de l’action collective ou rentrent dans le rang. Au-delà des motivations personnelles des uns et des autres, il y a là une leçon d’époque.
Elles sont bien légitimes et sympathiques les raisons (deux !) qui font que Jean-Martin Aussant quitte la vie politique. Son déchirement était éloquent en conférence de presse, et il jouit d’un tel capital de sympathie auprès des jeunes à qui il a redonné la flamme de l’engagement souverainiste que peu d’entre eux oseront dire qu’ils se sentent floués.
Il faut toutefois bien admettre qu’en dépit de ses propos, en dépit même de la ferveur de ses militants, Option nationale est condamné, et que ce n’est pas une bonne nouvelle pour ceux qui s’y étaient reconnus. Le renouveau de la militance de masse qui avait caractérisé le printemps étudiant et qui s’était poursuivi pendant la campagne électorale dans l’implication politique de terrain, notablement chez ON et Québec solidaire, vient d’en prendre un coup.
Dans notre ère de célébrité instantanée et de personnalisation des enjeux, ce n’est plus la mode d’avoir une approche sociologique des événements. Mais il est clair que Jean-Martin Aussant part trop tôt pour que son parti lui survive : il y manque des structures qu’il n’a pas su ou pu mettre en place.
De nos jours, ce sont les gens charismatiques, simples charmeurs ou vraiment remarquables, autour desquels on s’agglutine - la campagne électorale en préparation à Montréal en offre la démonstration quotidienne. On ne bâtit pas, on admire. L’admiré croit dès lors y arriver seul : quoi de plus exaltant que la génération spontanée, surtout quand s’y mêle la fougue de la jeunesse. Mais ce n’est pas ça, un projet : il faut y ajouter des piliers et du temps.
Québec solidaire est né d’un vide politique, mais aussi d’une effervescence communautaire qui avait débouché d’un côté sur un parti marginal, l’Union des forces progressistes, de l’autre sur un mouvement, Option citoyenne. Les militants ont précédé les vedettes et des gens bien implantés dans leur milieu, issus de l’action collective, s’investissaient dans le projet. La cause y dépassait bel et bien le chef, pour reprendre l’expression employée mercredi par M. Aussant.
Dans la même veine, le Parti québécois des débuts fut bien plus que le parti de René Lévesque. Les seconds étaient connus, et solides. Sa survie n’aurait pu s’envisager autrement. À l’inverse, jusqu’à l’arrivée de François Legault, l’ADQ a failli être le parti d’un seul homme. Pourtant, ses figures les plus connues l’étaient bien davantage que l’entourage de M. Aussant à ON.
Il y a, on le sent bien, une vraie envie de bouger de la part d’une nouvelle génération, prête à s’impliquer ici plutôt que de courir le monde, comme le faisaient leurs prédécesseurs. Cela a donné les mouvements Occupy et les carrés rouges, et a permis d’investir le nouveau parti que Jean-Martin Aussant avait créé à l’automne 2011.
On attend maintenant les lendemains. Un chef, une base, de la colère ou des désirs, cela ne suffit pas pour faire de la politique. Il faut encore cette vieille chose qu’on appelle une organisation derrière laquelle les individus s’effacent. Car les individus passent, toujours (et font ensuite carrière à la télévision…).
Les 8000 militants d’Option nationale y resteront encore un moment. Ensuite ? Le PQ ne doit pas croire qu’il les cueillera comme une rose : le désenchantement est trop grand à son endroit. QS en récoltera un peu. Plusieurs, déçus, risquent de se détourner pour de bon de la politique. Surtout pas ! Il faut plutôt retrouver un goût de XXe siècle : le sens de la patience dans l’engagement…


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