Monsieur le Président, nous sommes inquiets.
Vous nous connaissez très bien. Vous nous voyez et nous entendez tous les jours à la radio et la télévision publiques. Nous travaillons pour le service de l’information de Radio-Canada et nous en sommes extrêmement fiers. Aujourd’hui, nous voulons que vous entendiez notre cri d’alarme sur les graves conséquences des dernières compressions budgétaires.
Depuis bientôt 80 ans, Radio-Canada, avec d’autres, tient à bout de bras la culture francophone en Amérique du Nord. Nous en sommes une artère vitale et lui permettons de s’épanouir dans une mer de près de 400 millions d’anglophones. Radio-Canada a élevé très haut la barre de la qualité de l’information au pays. Les nombreux bulletins de nouvelles à la télé, à la radio ou sur Internet permettent à tous les Canadiens, d’un bout à l’autre du pays, d’avoir accès à une information fiable, complète et indépendante.
Comme artisans des services français, nous nous inquiétons de l’érosion des moyens mis à notre disposition pour assurer un service public de qualité. Compressions après compressions, Radio-Canada meurt à petit feu. Le constat est sans appel : depuis cinq ans, près de 20 % du budget de l’information française a été amputé.
« La télévision d’ici est en train de devenir une affaire de commerce », disait Pierre Juneau, l’ancien président de Radio-Canada, en 1999. Les compressions qui se succèdent soulèvent la question de notre capacité à préserver la qualité de notre information. Cette information qui réclame de la profondeur et qui nous permet de respecter notre mandat de diffuseur public.
Au fil des ans, nous avons perfectionné et réinventé nos façons de faire pour devenir plus efficaces. Mais nous atteignons un point de rupture. Ces compressions ne se feront pas sans toucher à nos programmes et nos rendez-vous d’informations. C’est une atteinte directe à ce qui nous rend uniques et nous distingue de la concurrence. La couverture de l’information internationale, qui constituait l’une de nos forces et l’un des gages de notre ouverture au monde, est aujourd’hui menacée. Le service des sports est en train de disparaître. Les effectifs dédiés au secteur culturel sont largement amputés.
Depuis plusieurs années déjà, le service des nouvelles et ICI RDI composent avec un budget déclinant. Désormais, six émissions d’affaires publiques sont elles aussi en ligne de mire. Une émission comme Enquête, sans laquelle la commission Charbonneau n’aurait pas vu le jour, est l’un des exemples les plus probants de la contribution de Radio-Canada à la santé démocratique de notre pays. Sans les moyens dont nous disposions, les révélations qui ont fait économiser des dizaines de millions de dollars auraient été impossibles. Les compressions affectent aussi La facture, Découverte, La semaine verte, L’épicerie, Second regard, les émissions de la Première Chaîne et d’Espace Musique, ainsi que les stations régionales. On sacrifie aussi une génération complète de jeunes artisans et créateurs. Cette relève qu’on est en train de mettre à la porte est pourtant essentielle pour faire évoluer l’entreprise à l’heure du numérique.
Monsieur le Président, Radio-Canada appartient à tous les Canadiens, et nous vous demandons d’agir pour préserver ce service public que nous jugeons essentiel.
*Michel C. Auger, Sébastien Bovet, Pierre Craig, Alain Crevier, Michel Désautels, Johane Despins, Anne-Marie Dussault, Gérald Fillion, Denis Gagné, Céline Galipeau, Alain Gravel, Emmanuelle Latraverse, Catherine Mercier, Pascale Nadeau, Patrice Roy, Charles Tisseyre, Marie-José Turcotte.
Les signataires sont des artisans de Radio-Canada préoccupés par l’effet des récentes compressions sur la qualité des émissions pour lesquelles ils travaillent. Ils ne représentent ni l’opinion de la direction, ni celle des syndicats de Radio-Canada, mais plutôt un collectif d’employés qui ont choisi de s’exprimer sous le nom JE SUIS RADIO-CANADA.
LIBRE OPINION
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