Les envoyés chinois ont fait preuve d'une grande agressivité sur Twitter pour attaquer, intimider et faire taire les journalistes, les membres du Parlement et les chercheurs des pays occidentaux – ainsi que toute personne qui portait atteinte à la version chinoise officielle.
Cédant à la pression des responsables chinois, Esther Osorio, conseillère en communication de Josep Borrell, Haut représentant de l'UE pour la politique étrangère, est intervenue personnellement pour retarder la publication du rapport initial. Officiellement, l'UE espérait ainsi obtenir un meilleur traitement pour les entreprises européennes implantées en Chine. Mais le 25 avril, le South China Morning Post qui disposait d'une copie du rapport original, a révélé que Pékin avait menacé de bloquer l'exportation vers l'Europe de fournitures médicales si le chapitre sur la Chine n'était pas supprimé.
Le 15 avril, Bild, le journal allemand le plus populaire, a publié « Ce que la Chine nous doit », un article qui suggérait que la Chine devrait indemniser l'Allemagne à hauteur de 150 milliards d'euros pour les dégâts que le coronavirus a causé. L'article listait l'ensemble des dommages économiques subis par l'Allemagne, notamment 50 milliards d'euros de pertes pour les petites entreprises et 24 milliards d'euros de manque à gagner pour le tourisme.
« Vous régnez par le contrôle. Vous ne seriez pas président sans ce contrôle. Vous surveillez tout et chaque citoyen, mais vous refusez de contrôler les marchés d'animaux vivants et malades de votre pays. » - Julian Reichelt, rédacteur en chef de Bild, « Vous mettez en danger le monde entier », Lettre ouverte au président Xi Jinping.
L'Union européenne a cédé aux pressions de la Chine et a édulcoré un rapport qui pointait les efforts de la Chine pour échapper à ses responsabilités dans la pandémie de coronavirus. Des responsables de Pékin auraient menacé de bloquer l'exportation de fournitures médicales vers l'Europe si le rapport était publié dans sa version originale. Photo : le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi au siège de l'UE à Bruxelles, le 17 décembre 2019 (photo de John Thys / AFP via Getty Images) |
L'Union européenne, cédant aux pressions de la Chine, a édulcoré un rapport qui mettait l'accent sur les efforts chinois pour échapper à ses responsabilités dans la pandémie de coronavirus. Des responsables politiques à Pékin auraient menacé de bloquer l'exportation de fournitures médicales vers l'Europe si le rapport était publié dans sa version originale.
Ces révélations surviennent alors que le corps diplomatique chinois mène au plan mondial une très agressive campagne de désinformation - du type "Wolf Warrior" (Loup Guerrier), du nom d'une série de films d'action patriotiques chinois – pour imposer son narratif sur les origines du coronavirus.
Sur Twitter, les diplomates chinois ont fait preuve d'une virulence particulière pour attaquer, intimider et faire taire les journalistes, les membres du Parlement et les intellectuels occidentaux – ainsi que toute autre personne qui aurait été tentée de contredire la version officielle des événements en Chine.
Selon l'agence Reuters, plus de 60 diplomates et missions diplomatiques chinoises ont, depuis le début de l'année, ouvert des comptes Twitter ou Facebook, - peu importe que ces deux plates-formes soient interdites en Chine – dans le but d'imposer silence aux critiques de Pékin dans le monde entier.
Le 21 avril, Politico Europe, basé à Bruxelles, a rendu public le rapport que l'Union européenne prévoyait de diffuser le même jour sur les activités de désinformation chinoises et russes concernant le coronavirus (Covid-19). Ce rapport comprenait le paragraphe suivant:
« La Chine a, sans discontinuer, mené une campagne mondiale de désinformation pour échapper à ses responsabilités dans le déclenchement de la pandémie et conserver une bonne image au plan international. Des tactiques manifestes et secrètes ont été observées. »
Les responsables chinois ont immédiatement contacté les représentants de l'Union européenne à Pékin pour tenter d'étouffer le rapport, indique le New York Times, qui avait également reçu copie de la version originale.
Le 24 avril, le Service pour l'action extérieure de l'UE a finalement publié, le rapport - Covid-19 Disinformation -, mais les termes concernant la Chine ont été nettement adoucis. Le New York Times a expliqué :
« Le rapport original mettait en lumière les efforts déployés par Pékin pour bloquer toute référence aux origines chinoises du virus, ainsi que leur tentative d'imputer aux États-Unis la responsabilité de la propagation de la maladie au plan mondial. Le rapport pointait également l'attitude critique de Pékin envers la France accusée d'avoir tardé à juguler la pandémie ; il relevait également que le personnel politique français avait été faussement accusé d'avoir proféré des insultes racistes contre le directeur général de l'Organisation mondiale de la santé ...
« La Chine est intervenue rapidement pour bloquer la publication du document et l'Union européenne a fait machine arrière. Le rapport était sur le point d'être publié quand, à la dernière minute, de hauts responsables ont ordonné de le reprendre pour adoucir certaines formulations ...
« La mention d'une campagne chinoise de « désinformation mondiale » a été supprimée, ainsi que la remarque sur le différend entre la Chine et la France. D'autres formulation ont été adoucies... »
Cédant à la pression des responsables chinois, Esther Osorio, conseillère en communication de Josep Borrell, Haut représentant pour la politique étrangère de l'UE, est intervenue personnellement pour retarder la publication du rapport initial. Le New York Times a écrit :
« Un courriel et des entretiens montrent que Mme Osorio, collaboratrice de M. Borrell, a exigé une révision du document recommandant aux analystes de ne pas s'appesantir sur la Chine et la Russie afin d'éviter toute accusation de parti pris. Elle a demandé aux analystes de faire la différence entre mener une action de désinformation et promouvoir agressivement un narratif, et de documenter chaque élément « dans la mesure où nous assistons à une réaction très vigoureuse de CN » - une abréviation pour la Chine. »
Officiellement, l'UE espérait obtenir un meilleur traitement pour les entreprises européennes implantées en Chine. Mais le 25 avril, le South China Morning Post qui disposait lui aussi d'une copie du rapport original, a révélé que Pékin avait menacé de bloquer l'exportation vers l'Europe de fournitures médicales si le chapitre sur la Chine n'était pas supprimé.
L'analyste géopolitique indien Brahma Chellaney a mis en perspective l'implication géopolitique des actions de l'UE :
« Cédant aux pressions de la Chine, l'UE a autocensuré son rapport. Elle l'a rendu moins incisif en supprimant toute référence à la « campagne de désinformation » liée à la pandémie en Chine. L'UE est le maillon faible de la tentative des démocraties de mener une action de concert contre l'autoritarisme musclé de la Chine. »
Parallèlement, les diplomates chinois du monde entier, emmenés par le ministre des Affaires étrangères Wang Yi, sont partis à l'assaut des gouvernements et des personnes qui, à les écouter, avaient insulté la Chine. Certains analystes expliquent que cette attitude est la conséquence du poids croissante de la Chine dans les affaires internationales. « La Chine veut que les autres pays sachent qui est le chef », a écrit la spécialiste des affaires chinoises Bethany Allen-Ebrahimian.
D'autres analystes estiment au contraire que l'intransigeance chinoise est plutôt le signe de la fragilité du Parti communiste chinois et que le président chinois Xi Jinping joue la carte du nationalisme pour assoir son contrôle et détourner la colère intérieure qui va croissant contre la mauvaise gestion de la crise du coronavirus. « Tous les gouvernements affrontent la question de leur survie, mais pour un gouvernement autoritaire à parti unique, le problème est quasi existentiel », a noté Kevin Libin, chroniqueur et rédacteur en chef du National Post (Canada).
Les pressions chinoises ont parfois fonctionné comme ce fut le cas avec l'Union européenne et les Philippines. Avec d'autres, le harcèlement chinois s'est avéré totalement contreproductif.
Le 15 avril, le journal le plus populaire d'Allemagne, Bild, a publié « Tout ce que la Chine nous doit », un article qui suggérait que la Chine devrait indemniser l'Allemagne à hauteur de 150 milliards d'euros. L'article comprenait une liste détaillée des pertes économiques causés par le coronavirus en Allemagne dont 50 milliards d'euros pour les petites entreprises et 24 milliards d'euros pour les pertes liées au tourisme.
L'ambassade de Chine à Berlin a alors accusé Bild de racisme. Dans une lettre adressée au quotidien, le porte-parole de l'ambassade Tao Lili a écrit :
« Non seulement votre article fait l'impasse sur des faits essentiels et une chronologie précise, mais il manque aussi de rigueur et d'équité journalistique. Tous ceux qui agissent comme vous, alimentent le nationalisme, les préjugés, la xénophobie et l'animosité envers la Chine. Votre article ne rend pas justice à l'amitié traditionnelle entre nos deux peuples et ne contribue pas à une compréhension sérieuse du journalisme. Dans ce cadre, je m'interroge sur l'origine de l'aversion qui semble régner dans votre rédaction envers notre peuple et notre État. »
Sans se laisser intimider, le rédacteur en chef de Bild, Julian Reichelt, a répliqué par une lettre ouverte intitulée : « Vous mettez en danger le monde entier ». Ce texte publié en allemand et en anglais s'est adressé directement au président Xi Jinping. Reichelt a écrit :
« Vous régnez par le contrôle. Vous ne seriez pas président sans contrôle. Vous surveillez tout et chacun, mais vous refusez de contrôler les marchés d'animaux vivants et malades de votre pays.
« Vous fermez les journaux et sites Web qui critiquent votre ordre, mais pas les étals qui vendent de la soupe de chauve-souris. Vous ne surveillez pas seulement votre peuple, vous le mettez en danger - et avec lui, le reste du monde.
« La surveillance est un déni de liberté. Et une nation qui n'est pas libre, n'est pas créative. Une nation qui n'est pas innovante, n'invente rien. C'est pourquoi vous avez fait de votre pays le champion du monde du vol de propriété intellectuelle.
« La Chine s'enrichit des inventions des autres, au lieu d'inventer par elle-même. Si la Chine n'invente pas et n'innove pas, c'est que vous n'autorisez pas les jeunes de votre pays à réfléchir librement. Le plus grand succès de la Chine à l'exportation (un succès dont personne ne voulait mais qui a néanmoins fait le tour du monde) est le Corona ...
« Vous avez créé une Chine impénétrable et opaque. Avant le Corona, la Chine avait une image d'État policier. La Chine aura désormais la réputation d'être un État policier qui a infecté le monde avec une maladie mortelle. Tel est votre héritage politique.
« Votre ambassade me dit que je n'honore pas « l'amitié traditionnelle entre nos peuples ». Sans doute considérez-vous les masques que vous envoyez généreusement à travers le monde comme un grand geste d' « amitié ». Mais ce n'est pas de l'amitié, plutôt une forme d'impérialisme dissimulé derrière un sourire - un cheval de Troie.
« Vous planifiez de renforcer la Chine au moyen d'un fléau que vous avez exporté. Vous ne réussirez pas. Tôt ou tard, Corona marquera votre fin politique. »
On trouvera ci-dessous d'autres exemples d'efforts déployés par des diplomates chinois pour intimider et faire taire ceux qui à l'étranger ont défié le gouvernement chinois :
Australie
Le 23 avril, le Premier ministre australien Scott Morrison a appelé tous les pays membres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) à ouvrir une enquête indépendante sur la pandémie de coronavirus. Il a déclaré que tous les membres de l'OMS devraient obligatoirement participer à cette enquête et a ajouté que l'Australie militerait pour ce projet lors de l'Assemblée de l'OMS qui aura lieu le 17 mai.
Le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang, a répondu : « la soi-disant enquête indépendante proposée par l'Australie est en réalité une manipulation politique. Nous conseillons à l'Australie de renoncer à ses préjugés idéologiques ».
Brésil
Peu après qu'Eduardo, fils de Jair Bolsonaro, ait accusé la « dictature chinoise » d'être à l'origine de la pandémie, l'ambassadeur de Chine au Brésil, Yang Wanming, a posté un tweet (supprimé plus tard) qualifiant la famille du président Jair Bolsonaro d' « énorme poison ». Le ministre brésilien des Affaires étrangères, Ernesto Araújo a condamné publiquement le tweet jugeant le comportement de l'ambassadeur inapproprié.
Canada
Le 19 avril, l'ambassade de Chine à Ottawa a pris à partie un éminent think tank canadien, le Macdonald-Laurier Institute (MLI), qui avait publié une lettre ouverte accusant les autorités chinoises de dissimulation sur les origines de la pandémie. L'ambassade de Chine a écrit :
« L'Institut Macdonald-Laurier vient de rendre publique une soi-disant lettre ouverte qui accuse à tort la Chine de dissimulation dans le développement de la pandémie, qui répand des calomnies malveillantes et des attaques contre le Parti communiste chinois et le gouvernement chinois, et qui interfère manifestement dans les affaires intérieures de la Chine. La partie chinoise exprime sa ferme opposition à de tels actes de la part du MLI ... Nous exhortons le MLI à agir en conformité avec l'éthique de sa profession, à ne pas se disperser hors de sa sphère de compétence, à s'abstenir de politiser des travaux de recherche et à renoncer à proférer des sottises antichinoises. »
Un universitaire du MLI, Kaveh Shahrooz, a tweeté :
« L'ambassade de Chine au Canada a attaqué publiquement le @MLInstitute, où j'exerce en tant que chercheur. Nous sommes une écharde dans le flanc de gouvernements comme ceux de la Chine, de l'Iran et de la Russie. Et j'en suis extrêmement fier. »
Un autre universitaire du MLI, Shuvaloy Majumdar, a tweeté :
« J'aimerais féliciter l'ambassade de la RPC à Ottawa d'avoir contribué à attirer plus encore l'attention sur l'intimidation que le Parti communiste pratique à l'encontre de son propre peuple et sur ses abus continus à l'étranger. »
Le gouvernement canadien s'est gardé de prendre parti. Charles Burton, senior fellow du MLI et spécialiste de la Chine, a déclaré que le silence d'Ottawa encouragera Pékin à multiplier ses tentatives d'étouffer la liberté d'expression au Canada:
« On aurait pu s'attendre à ce que le gouvernement du Canada se manifeste. L'ambassade de Chine a clairement attenté à la liberté d'expression d'un think tank canadien et a proféré des allégations sans fondement contre lui. »
Le 19 avril, le premier ministre de l'Alberta, Jason Kenney, a tweeté :
« Choqué d'apprendre que mon ami de longue date, Martin Lee, fondateur du Parti démocratique de Hong Kong, a été arrêté aujourd'hui avec d'autres citoyens parmi les plus éminents de # HongKong. Martin est le doyen des hommes d'État de la démocratie de Hong Kong. J'espère qu'il sera immédiatement libéré. »
Le consulat général de Chine à Calgary a répondu :
« Le Premier ministre de l'Alberta a commenté sur Twitter l'arrestation légale d'un émeutier anti-Chine par la police de Hong Kong. Personne ne peut agir en dehors de la loi. Ignorer les faits et prendre ouvertement le parti des émeutiers ne peut que saper l'état de droit, ce qui n'est pas dans l'intérêt du Canada. Nous prions instamment les élus locaux de respecter les règles de base des relations internationales, de respecter l'application des lois par la RAS (Région administrative spéciale) de Hong Kong et de cesser immédiatement toute intrusion dans les affaires intérieures de la Chine. »
Kenney a répondu :
« Je reconnais bien volontiers que l'Alberta n'a pas de politique étrangère et je ne pratique pas la diplomatie en indépendant, mais je tiens à dire ceci : quand un de mes amis est arrêté et devient un prisonnier politique, je ne saurais en toute conscience garder le silence. »
Lorsque les Britanniques ont transféré à la Chine leur souveraineté sur Hong Kong en 1997, Pékin a consenti un statut d'autonomie relative à Hong Kong jusqu'en 2047, selon le principe de « un pays, deux systèmes ».
Le 14 avril, le Globe and Mail, le journal le plus lu au Canada, a publié une tribune intitulée « La culture de corruption et de répression du Parti communiste chinois a détruit des vies dans le monde entier ». L'auteur accusait le PCC de cacher, détruire, falsifier, fabriquer, censurer, déformer l'information sur l'épidémie ; de taire et criminaliser la dissidence ; et d'avoir fait disparaître les lanceurs d'alerte, « autant d'actes qui reflètent l'ampleur de la criminalité et de la corruption dans le parti ». L'article appelait la communauté internationale à tenir les autorités chinoises pour responsables de « l'une des plus grandes crises humanitaires de l'histoire ».
L'ambassade de Chine à Ottawa a répondu que l'article était « plein de haine et de préjugés » contre le Parti communiste chinois (PCC) :
« Comment oser parler de rendre des comptes ? Le « virus politique » de la stigmatisation est plus dangereux que la maladie elle-même. Ceux qui tentent d'imputer au PCC une pseudo « criminalité » ne font manifester leurs préjugés idéologiques, et la « motivation politique » du procédé est douteuse.
« Ces personnes feraient mieux de se concentrer sur la prévention et le contrôle de l'épidémie sur leur territoire. Pointer du doigt un bouc émissaire n'atténuera pas l'épidémie dans leur pays, ni ne contribuera à une meilleure coopération internationale en matière de prévention et de contrôle de la pandémie. »
Le 1er avril, le Globe and Mail a publié une tribune intitulée « Peut-on faire confiance aux chiffres officiels de la Chine concernant le COVID-19? » L'auteur demandait :
« Le premier réflexe du gouvernement chinois ayant toujours été de cacher les faits, surtout quand ils mettent en valeur ses échecs, pourquoi serait-on obligé de croire les données en provenance de Chine sur le COVID-19 ? ... Le gouvernement communiste doit sa légitimité au fait qu'il a convaincu les citoyens chinois qu'il est mieux à même de protéger leurs intérêts que les administrations démocratiquement élues. À cette fin, il a toujours gonflé les statistiques de croissance économique et toujours minimisé ses émissions de gaz à effet de serre. Comment s'attendre à ce qu'il soit honnête sur sa propre épidémie de COVID-19 ? »
L'ambassade de Chine à Ottawa a répondu :
« L'article fait le constat que les États-Unis sont un État démocratique et que la Chine est dirigée par le gouvernement communiste, pour conclure de manière ridicule que les statistiques américaines sont plus fiables que les statistiques chinoises ... Il y a là un authentique deux poids-deux mesures. Nous prions instamment le Globe and Mail de renoncer à ses préjugés, de respecter les faits et de mettre un terme à ses remarques irresponsables concernant les efforts de la Chine pour lutter contre le COVID-19. »
France
Le 14 avril, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a convoqué l'ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, pour exprimer son mécontentement à propos des jugements émis par certains représentants chinois en France concernant la pandémie de coronavirus. « Certaines déclarations publiques récentes de représentants de l'ambassade de Chine en France ne sont pas conformes à la qualité des relations bilatérales entre nos deux pays », a-t-il déclaré.
Dans une série de déclarations récentes aux médias, Lu a accusé « une certaine presse française » d'avoir terni l'image de la Chine en répandant des « mensonges » sur sa responsabilité dans la pandémie actuelle de coronavirus. Ces médias - il ne les a jamais nommés mais, ils représenteraient selon lui, l'ensemble de la presse française - ont « tourné en dérision la Chine » au mépris de « toute éthique médiatique et de la bonne foi la plus élémentaire » dans une démarche qui, à en croire M. Lu, « frise la paranoïa. »
Le 15 mars, sur la chaîne câblée Mandarin TV, Lu a accusé les médias d'utiliser des techniques de « propagande » pour « laver le cerveau » du grand public. Sur le site Internet de l'ambassade les 14 et 29 février, Lu a condamné les propos « irresponsables » et les « absurdités » des médias français à propos de la Chine.
Le secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire a déclaré :
« Cette "leçon de journalisme" à la presse française est inepte de la part d'un représentant de la République populaire de Chine, pays au 177ème rang sur 180 du Classement mondial RSF de la liberté de la presse et qui est la plus grande prison au monde pour les journalistes. La censure imposée par Pékin aux médias chinois a eu un impact très négatif en retardant la prise en charge de l'épidémie de coronavirus à ses débuts ».
RSF a ajouté dans le même communiqué de presse :
« L'attitude de l'ambassadeur participe d'une politique concertée au plus haut niveau du régime chinois pour contrôler l'information hors de ses frontières, comme RSF l'a montré l'an dernier dans un rapport d'enquête intitulé « Le nouvel ordre mondial des médias selon la Chine. »
Allemagne
Le 12 avril, sur la base de fuites en provenance du ministère allemand des Affaires étrangères, le Welt am Sonntag a révélé que des responsables chinois étaient intervenus auprès de responsables et employés de plusieurs ministères fédéraux pour les inciter à « tenir des propos positifs » sur la gestion chinoise de la crise du coronavirus. Les responsables chinois « ont également incité des décideurs politiques à agir en lobbyistes » pour défendre « les intérêts chinois en Allemagne et promouvoir l'agenda politique du Parti communiste ». L'ambassade de Chine à Berlin a accusé le Welt am Sonntag de « chercher à calomnier et salir » la Chine. « Il faut mettre un terme à toutes les formes de stigmatisation de la Chine. »
Inde
L'ambassadeur de Chine en Inde, Ji Rong, a mis en cause à plusieurs reprises des responsables politiques indiens et des médias. Le 8 avril, il a tweeté :
« La prétendue plainte déposée par certaines organisations indiennes auprès du CDH (Comité des droits de l'homme de l'ONU) pour exiger que la Chine compense les pertes causées par # COVID19 est ridicule et relève du non-sens le plus spectaculaire. En ces temps difficiles, mieux vaudrait travailler ensemble au lieu de stigmatiser les autres et rejeter la faute sur eux. »
Le 10 avril, Ji a tweeté :
« Il est regrettable que certains médias indiens se réfèrent au #COVID19 comme « le virus de Wuhan » ou le « virus chinois ». Le consensus au sein de la communauté internationale est qu'un virus ne doit pas être lié à un pays, une région ou un groupe ethnique spécifique. Une telle stigmatisation est inacceptable. »
Philippines
Le 29 mars, le ministère de la Santé a présenté ses excuses pour ses remarques de la veille concernant la mauvaise qualité de deux lots de tests de dépistage du coronavirus fournis par la Chine. La sous-secrétaire à la Santé, Maria Rosario Vergeire, avait déclaré que les kits de dépistage du Covid-19 fournis par les groupes chinois BGI Group et Sansure Biotech n'étaient précis qu'à 40% et que certains d'entre eux méritaient de finir à la poubelle. L'ambassade de Chine à Manille a tweeté :
« L'ambassade de Chine rejette fermement toute remarque irresponsable et toute tentative de saper notre travail de coopération. »
Suède
Le 18 janvier, la ministre suédoise des Affaires étrangères, Ann Linde, a convoqué l'ambassadeur de Chine en Suède, Gui Congyou, qui avait comparé la presse suédoise à un boxeur poids plume qui « cherche querelle » a un poids lourd. Congyou, célèbre pour son franc parler, a déclaré à la chaîne publique SVT que les « attaques vicieuses et répétées de certains médias suédois à l'encontre du Parti communiste chinois et du gouvernement chinois « étaient semblables à celles d'un boxeur poids plume de 48 kg qui provoque un adversaire de presque deux fois son poids :
« Le boxeur de 86kg, par souci de protéger son adversaire poids-plume, lui conseille de laisser tomber et de s'occuper de ses affaires, mais ce dernier, non content de rien écouter, fait irruption dans la maison du boxeur poids lourd. Quelle doit-être alors la réaction du poids lourd ? »
Utgivarna, association qui défend les intérêts des médias suédois privés et publics, a déclaré :
« Une fois de plus, l'ambassadeur de Chine Gui Congyou multiplie les attaques contre la liberté de la presse et la liberté d'expression qui sont des droits constitutionnels en Suède, avec des allégations mensongères et des menaces. Il est inacceptable que la plus grande dictature du monde attente à la liberté d'un journalisme libre et indépendant dans une démocratie comme la Suède. Ces attaques répétées doivent cesser immédiatement. »
Venezuela
Le 18 mars, l'ambassade de Chine au Venezuela a posté 17 tweets qui ont mis violemment en cause des membres non identifiés du parlement vénézuélien accusés d'avoir qualifié le coronavirus de « coronavirus chinois » ou de « coronavirus de Wuhan ». L'ambassadeur de Chine a déclaré que les parlementaires vénézuéliens étaient victimes d'un « virus politique » et il leur a conseillé d'aller « se faire soigner ». Il a tweeté qu'ils feraient mieux de « mettre un masque et de se taire ».
Soeren Kern est senior fellow du Gatestone Institute de New York.