Le problème de l’identité française est déjà présente, c’est un problème récurrent, un problème profond. On peut parler déjà du changement de population, c’est-à-dire qu’à l’heure actuelle, vous avez remarqué que, par exemple, dans toutes les interventions télévisées on dit : « Monsieur Moludabdel, Français… » - il est toujours insisté sur le fait qu’il est Français alors qu’il n’a absolument pas un nom français, il n’a pas d’origine française : ce problème d’identité est très présent, et la définition du Français, telle qu’elle était traditionnellement, je pense que les meilleurs Français sont morts dans les tranchées de 1914-1918. La Deuxième guerre mondiale a fini le travail, et après la guerre tous les gens de valeur se sont engagés pour l’Indochine ou pour l’Algérie, et petit à petit la conscience nationale s'est amenuisé. Vingt ans de propagande républicaine, laïque, antichrétienne ont fait son travail et il y a également le travail de sape terrifiant en alterne de l’Église catholique qui se trahit, qui n’est quasiment plus chrétienne.
Katehon : Est-ce que vous pensez que l’identité française est connectée avec la religion catholique ?
- Évidemment. Pendant des siècles le titre même de la France était la France « fille aînée de l’Église ». La France s’est imposée à partir des Carolingiens sur l’appui au Pape. C’est-à-dire que c’est à partir de Charlemagne que les Francs ont appuyé leur royaume en soutenant le Pape, et en échange le Pape soutenait la France et lui donnait une légitimité qu’elle n’avait pas parce qu’avant c’étaient les Merovingiens. Ce lien avec les chrétiens est très fort. Louis XIII qui a attendu très longtemps un héritier pour le trône a fait un don de la France au Sacré-Cœur de Jésus, et depuis cette date il y a un lien très fort entre la conscience, l’identité française et la religion catholique. Il est évident que la Révolution française de 1789 a été une tentative d’anéantir toute la chrétienté en France en particulier et dans le reste de l’Europe, puisque le successeur du Saint-Empire romain germanique, l’Autriche était toujours en guerre à cette époque contre la France, et on peut donc dire que la guerre 14-18 elle-même a eu pour raison fondamentale la destruction de l’Empire Austro-Hongrois, des héritiers du Saint-Empire romain germanique, le plus catholique de l’Europe centrale.
Katehon : Dans la théologie certaines personnes utilisent le terme théologique « Katehon » dans le contexte géopolitique, c’est-à-dire, qu’elles apprécient comme Katehon quelqu’un qui fait un combat contre l’antéchrist à la dernière heure. Est-ce que vous pensez que la Russie joue un rôle spécial dans le combat spirituel géopolitique d’aujourd’hui ?
- Il me semble évident que la seule puissance chrétienne actuelle qui soit en mesure de défendre la chrétienté et l’Occident c’est la Russie. La Russie a toujours eu ce rôle. A l’époque de la première grande guerre contre les Russes et les Occidentaux, la guerre de Crimée, les Russes étaient en mesure de détruire l’Empire ottoman, de de libérer Constantinople, et ce sont les Anglais et les Français, les puissances alliées qui ont aidé les turcs contre les Russes. Donc déjà dans l’histoire on a toujours cette prise de position très curieuse où les chrétiens viennent aider les musulmans contre les Russes. C’était aussi sous Louis XIV quand les Français ont aidé les Turcs, les Ottomans alors qu’ils ravageaient la Méditerranée, alors qu’ils avaient de la piraterie, alors qu’ils étaient en guerre contre les chrétiens. Mais effectivement, a l’heure actuelle la Russie apparaît pour beaucoup comme en fait la seule puissance pragmatique capable de défendre l’Occident. Et il est évident qu’il y a quand même un problème psychologique. C’est que les 30 années du « rideau de fer » ont fait que la plupart des gens ont oublié qu’il existant un monde chrétien de l’autre côté du rideau de fer. Cela veut dire que le monde de l’Ouest va regarder vers l’Est en fait, que nous appartenons à ce grand continent qui va vers les terres et non pas à une vision qu’il va vers le continent américain. Il y a un réflexe psychologique qui effectivement peut être inversé grâce à la situation actuelle.
Katehon : Quelle était votre impression de l’orthodoxie quand vous avez fait connaissance avec le monde orthodoxe ? C’est intéressant comment les Européens commencent à faire connaissance avec cette tradition.
D’abord, j’ai grandi dans une conscience orthodoxe, pour moi ce n’est pas une découverte, l’orthodoxie. J’ai rencontré à Venise un prêtre qui était un prêtre orthodoxe qui a fait un séminaire catholique et qui était déçu par le Modernisme et pas la corruption philosophique et religieuse dans le catholicisme et qui s’est converti en l’orthodoxie puisque l’orthodoxie défend les valeurs chrétiennes d’origine véritable. On trouve de plus en plus aujourd’hui de chrétiens catholiques qui veulent se tourner vers l’orthodoxie. Cependant, en raison de la situation politique générale durant les dernières années il y avait une sorte d’accord tacite entre les orthodoxes et les catholiques pour dire que les catholiques ne vont pas faire du prosélytisme chez les orthodoxes, et les orthodoxes ne vont pas faire des prosélytismes chez les catholiques. Et on peut dire aussi que les orthodoxes ont toujours eu, en tout cas, dans la hiérarchie, une sorte de complexe, d’infériorité vis-à-vis de l’Eglise catholique parce que l’Eglise catholique était puissante, organisée politiquement, des théologies très intéressantes mais aujourd’hui on constate que, grâce à Dieu, les orthodoxes commencent à redécouvrir qu’ils n’ont aucune raison d’avoir ce complexe d’infériorité vis-à-vis de l’Eglise catholique et ce de plus que l’Eglise catholique aujourd’hui est en train de se dissoudre totalement. Lors des discussions, avec le dernier Synode de la famille nous voyons des cardinaux qui sont prêts à accepter les mariages homosexuels, qui sont prêts à accepter la communion des gens qui sont pas mariés ou pas rebaptisés, ou divorcés, remariés, d’accepter même la communion entre protestants et catholiques, en fait, c’est la dissolution totale de la dogmatique, et là, effectivement il y a toute une frange de chrétiens catholiques qui peuvent se tourner vers l’orthodoxie. Je pense une chose serait essentielle : c’est de faire un lien entre les catholiques traditionnalistes et l’orthodoxie, c’est-à-dire de retrouver un lien commun.
Katehon : Est-ce que vous pensez que la religion a le côté géopolitique ?
Je pense que oui, parce que si on étudie le système des valeurs avec la nouvelle organisation européenne, la nation ou la langue n’est plus un vecteur d’identité suffisant. Dans une situation géopolitique mondialisée on peut considérer qu’en fait c’est que la religion qui peut être le vecteur d’identification ultime, et justement pour un pays multinational comme l’Europe, effectivement, je pense que l’avenir est dans la réunion religieuse. Quand on constate ce que font nos adversaires, les islamistes, les musulmans : eux, ce ne sont pas des nations, c’est juste une religion, et une religion de combat et de conquête. Mais il faut quand même savoir que nous autres, croyants orthodoxes, nous savons que nous allons gagner à l’ultime fin. Le Christ sera toujours vainqueur. C’est juste une question de temps.
Katehon : Maintenant la monarchie et les valeurs d’aristocratie sont oubliées dans le monde. Comment, selon vous, on peut les faire renaître, comment on peut recréer cet ordre de la hiérarchie qui existait il y a quelques siècles ?
Effectivement, recréer de toutes pièces une aristocratie, une conscience, une valeur, un individuel, on va dire, d’un système de la parole donnée, de l’obéissance, etc., cela ne peut se faire que par une transformation interne, une renaissance interne des valeurs, on pourrait presque parler de la tentative qui a été faite entre le christianisme, la redécouverte des valeurs chevaleresques et la politique, ce qui a été le cas de la Garde de fer, la Légion de l'Archange Michel, c’est-à-dire, du temps de Codreanu, puisque après c’est devenu beaucoup plus politique, mais à l’époque de Codreanu on a eu cette tentative de recréer l’homme nouveau, un nouveau modèle sur une base de la foi orthodoxe et sur une base des béatitudes, c’est-à-dire, de tous les fondements sociaux, des relations sociales qui se créent à l’intérieur de gens qui sont foncièrement chrétiens et orthodoxes.
Katehon : Une question sur la possible collaboration de la Russie avec la France : est-ce que vous pensez que cette union de la Russie et de la France peut avoir place et peut vraiment sauver l’Europe ?
En ce qui concerne les militaires français, un certain nombre d’officiers, beaucoup d’officiers français de renseignement, par exemple, ont travaillé pendant des années apprenant le russe parce que c’était l’ennemi soviétique, on était au contact avec la Russie et a découvert la Russie. J’ai beaucoup d’amis qui parlent russe et qui ont découvert la Russie à l’époque où la Russie était communiste et qui ont compris sa valeur en dehors du communisme, et qui aujourd’hui sont prêts à dire : « Il faut travailler avec les Russes », - parce que ce sont des gens sérieux, ce sont les derniers qui ont des valeurs, qui correspondent à un état militaire, qui correspondent à une conscience civique et citoyenne. Je pense qu’on peut réveiller ce qui a été la grande amitié franco-russe qu’il y a eu dans les années 1880.
Katehon : Est-ce possible même au niveau spirituel ?
Au niveau spirituel, je pense que ça va être très difficile, parce que l’état de déliquescence philosophique, intellectuelle et religieuse en Europe est abyssal. Entre les effets destructifs de la franc-maçonnerie, de la laïcité, etc. les valeurs sont toutes détruites et inversées, donc là, ça va être très difficile. Mais il faut toujours avoir l’espoir et se battre pour ses idées, parce que il y a beaucoup de gens qui ont de bonnes idées qui ne parlent pas. Il y a une immense majorité silencieuse en France, il y a des gens qui parlent, les journalistes etc. qui font du bruit qui pensent détenir la vérité, qui disent des choses, et il y a plein de gens qui savent que ce sont des mensonges qui sont prêts à intervenir dans les évènements, c’est le cas que nous avons eu avec la grande manifestation pour tous où il y a eu des millions de personnes qui ont entièrement occupé les Champs-Elysées. Mais peu de gens en ont parlé en France, on a dit : « Oui, c’est quelques catholiques, traditionnalistes », alors qu’on voyait des images extraordinairement énormes.
Katehon : La dernière question va toucher aux tragédies. Est-ce que vous pensez que les tragédies terroristes et tout ce qui se passe avec l’État islamique c’est un signe du Dernier temps ?
Oui, c’est évident que le triomphe de l’Islam c’est aussi ce qu’on appelle en langage chrétien « les fumées de Satin » qui s’infiltrent dans le monde. C’est évident que nous sommes à l’époque où l’Apocalypse ou la parousie approchent, c’est clair. Ne Serait-ce par la déliquescence philosophique, psychologique, l’inversion des valeurs – c’est clair que nous sommes dans une phase de Kali Yuga, comme on dirait chez les Orientaux. Mais après l’Apocalypse il y a le retour à l’Âge d’or et là nous espérons tous que cela arrivera vite.
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