Il ne faut pas nous prendre pour des imbéciles. Par exemple, en cherchant à nous faire croire que les médias sont neutres. Ou encore, que les intervieweurs sont tout le temps de bonne foi et qu’ils ne se servent pas de leur micro pour militer sans l’avouer. Qui peut encore croire cela? Qui s’imagine que la caste médiatique a comme souci principal d’organiser le débat démocratique et qu’elle n’a pas de profonds préjugés idéologiques? Trop souvent, les médias ne pratiquent pas l’esprit critique, mais l’esprit militant, en construisant le débat public de telle manière que certaines positions sont privilégiées et d'autres sont exclues ou discréditées à l'avance, souvent dans la simple manière de les présenter.
Mais la plupart du temps, les politiciens jouent le jeu, ils font semblant d’avoir devant eux un interlocuteur de bonne foi, qui n’a pas l’intention de les piéger, de les couler ou de les ridiculiser. Ils ne maitrisent pas les règles du jeu, alors ils patinent du mieux qu’ils peuvent. La plupart du temps, ils patinent mal. On connait la scène : le journaliste joue à l’inquisiteur, il s’entoge dans la morale et les bons sentiments, sort quelques statistiques décontextualisées et attaque le politicien. Normalement, ce dernier flanche. Il faut dire que rares sont les politiciens qui ont les habiletés rhétoriques ou la culture nécessaires pour se déprendre de ce mauvais jeu.
Mais de temps en temps, un politicien en a marre. Les médias ont décidé à l’avance le rôle qu’il jouerait, ils veulent l’enfermer dans ce rôle, pour ensuite lui reprocher de le jouer. Et dans un entretien piégé auquel il doit se livrer, il s’exaspère et décide de dévoiler la mascarade. Par exemple en confrontant l’intervieweur qui l’affronte et en lui disant clairement que sa question est mal informée, malhonnête ou biaisée. Il lui dit ouvertement: je vois ce que tu fais, et je ne te laisserai pas le faire sans te démasquer. Tu te dis journaliste? Je rappellerai que tu es aussi militant, même si tu ne l’assumes pas. Je répondrai en explicitant le biais normatif de ta question.
Dans ce cadre, le politicien peut rappeler à l’intervieweur ses propres préjugés idéologiques, ses prises de position publique et se révolter contre le mauvais rôle auquel on l’assigne. Il peut même poser des questions à l’intervieweur. En gros, lui dire qu’il n’a pas le monopole de la question, histoire de dévoiler l’arrière fond-idéologique de l’entrevue. Demander : sur quoi vous basez-vous pour affirmer cela? Renverser les rôles. Déconstruire la question. L’intervieweur, souvent, jouera l’indigné et se braquera en disant que c’est lui qui pose les questions. Il n’est pas interdit, alors, de lui rappeler ses prises de position publiques en lui disant que son entrevue n’a rien de neutre.
C’est ce qu’on appellera la confrontation du parti médiatique. Les médias sont devenus un pouvoir hégémonique. Ils disposent de cette arme incroyablement puissante qu’est le contrôle du récit médiatique. Ils décident de l’agenda du jour et personne ne pourra en déroger. Ils sélectionnent les faits selon le récit qu’ils veulent proposer. Ils étiquettent les acteurs politiques: ils ont tout un lexique pour nous dire à l’avance si un politicien est respectable ou s’il ne l’est pas, s’il est fréquentable ou infréquentable. Ils tracent le périmètre idéologique dans lequel les politiciens doivent se tenir s’ils ne veulent pas se faire diaboliser. Ils prétendent mettre en scène la démocratie. En fait, ils l’étouffent. Convenons que les politiciens les plus doués savent aussi mettre en scène leur exaspération.
Les politiciens sont en droit de riposter, de contre-attaquer et de ne plus consentir à une docilité aliénante. Ils n’ont plus à faire semblant que chaque question posée est pertinente. La chose est encore plus nécessaire pour les politiciens qui occupent un créneau idéologique en contradiction avec l’orthodoxie médiatique. Plutôt que de se respectabiliser à outrance, en se couchant devant les sommations médiatiques, il peut être utile, un jour, de rétablir un rapport de force. Lorsque la chose arrive, il arrive que le peuple, qui se sent manipulé par le système médiatique, applaudisse. C’est que le commun des mortels est de plus en plus conscient des jeux de manipulation médiatique dont il est victime.
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