Cinq indépendantistes catalans incarcérés, élus aux dernières législatives, sont sortis temporairement de prison mardi pour prêter serment comme parlementaires tout en promettant fidélité à leur cause.
Ces quatre députés et ce sénateur élus le 28 avril devraient toutefois voir les deux chambres décider rapidement de leur suspension alors qu’ils sont actuellement jugés pour leur rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne de 2017.
Emprisonnés non loin de Madrid, Oriol Junqueras, Jordi Sanchez, Jordi Turull, Josep Rull et Raül Romeva sont arrivés aux Cortes dans des véhicules de la Garde Civile pour assister à la session inaugurale du parlement, où siègent pour la première fois 24 députés du parti d’extrême droite Vox.
Le chef de Vox, Santiago Abascal, s’est tout de suite fait remarquer en occupant un siège sur les bancs des députés socialistes, juste derrière le chef du gouvernement Pedro Sanchez. Avant que le vacarme de ses troupes tapant sur leur pupitre couvre la prestation de serment des députés séparatistes.
« Prisonnier politique »
Ces derniers ont dû promettre de respecter la Constitution espagnole, qu’ils sont accusés d’avoir violée dans leur marche vers l’indépendance. Mais ils ont juré fidélité au passage à leur cause.
« Fidèle à mon engagement républicain, en tant que prisonnier politique et par obligation légale, oui je promets » de respecter la Constitution, a notamment déclaré M. Junqueras, ancien vice-président du gouvernement régional catalan et président du parti Gauche républicaine de Catalogne (ERC).
Principal accusé du procès en cours à Madrid contre les séparatistes catalans, il encourt 25 ans de prison.
Avant lui, Raül Romeva avait promis au Sénat de respecter la Constitution « par obligation légale et comme prisonnier politique, jusqu’à la proclamation de la république catalane ».
En prison depuis plus d’un an, ces cinq indépendantistes avaient obtenu lundi une première permission de la justice pour s’enregistrer à la Chambre des députés et au Sénat.
Les bureaux des deux chambres devront trancher la question de la suspension de ces cinq élus. Une « suspension évidente. Ils ne peuvent pas exercer leurs fonctions », a estimé la numéro deux du gouvernement socialiste sortant, Carmen Calvo.
Investiture
Leur suspension pourrait avoir de lourdes conséquences politiques pour Pedro Sanchez, dont le parti socialiste a remporté les élections mais sans obtenir la majorité absolue.
Si les quatre députés indépendantistes en jugement sont suspendus, et ne cèdent pas leur siège à leur suppléant, cela abaissera automatiquement le seuil de la majorité. M. Sanchez n’aura alors pas besoin des partis séparatistes catalans pour être réélu à la tête du gouvernement espagnol lors du vote prévu fin juin ou début juillet.
Un an et demi après la tentative de sécession de la Catalogne, la pire crise politique qu’ait vécu l’Espagne en quarante ans de démocratie, le dossier catalan reste explosif.
Pedro Sanchez, qui a renversé en juin 2018 le conservateur Mariano Rajoy, parie sur le « dialogue » avec les Catalans malgré les difficultés. La droite continue, elle, de tirer à boulets rouges sur ses tentatives de rapprochement, réclamant la suspension de l’autonomie de la Catalogne, toujours dirigée par les séparatistes.
Ces derniers soufflent le chaud et le froid.
ERC, première force en Catalogne, se dit ouvert à négocier mais persiste à réclamer un référendum d’autodétermination, condition inacceptable pour Madrid, et a empêché l’élection au Sénat du socialiste catalan Miquel Iceta, premier choix de Pedro Sanchez pour présider la chambre haute.
Les socialistes ont répliqué en proposant non plus un, mais deux Catalans qui ont été élus mardi à la présidence des deux chambres : le philosophe Manuel Cruz pour le Sénat et Meritxell Batet, actuelle ministre chargée des relations avec les régions, pour la chambre des députés.