Chars d'assaut Léopard en Afghanistan

Le ministre actuel de la Défense croit que de gros gadgets vont faire gagner cette guerre

Proche-Orient : mensonges, désastre et cynisme

Curieuse décision du MDN à Ottawa d'acheter 100 chars d'assaut allemands Léopard pour les envoyer en Afghanistan.

Je connais les chars d'assaut depuis longtemps. Voici quelques facteurs à prendre en considération lorsqu'on embarque une armée dans cette galère.

1. Un seul de ces chars coûte au bas mot $500,000 et davantage lorsqu'on ajoute les pièces. Ceci ne comprend pas le carburant, les huiles, les pièces, dont les segments de chenilles qu'il faut remplacer de temps à autre, les équipements électroniques, etc.

2. La logistique des chars de combat est énorme. Il faut au moins deux gros camions d'essence et de pièces en première ligne pour suivre un seul char et lui fournir ce dont il a besoin. De plus, il faut du personnel technique qualifié pour en faire l'entretien et le réparer en cas de besoin. Ce personnel ne peut travailler que la nuit, à moins de retirer le char loin en arrière et de l'avoir mis à l'abri.

Je ne mentionne pas la logistique de la seconde ligne ni de la zone des communications. Je vous laisse y penser par vous-mêmes.

3. Il faut entre six mois et un an pour former un équipage dans le service et la manoeuvre de chars de combat. Alors vous imaginez les coûts additionnels. Ceci ne tient pas compte des manoeuvres combinées avec l'infanterie, l'artillerie et l'aviation. La coordination de ces opérations combinées n'est pas une mince affaire. Le danger d'accident est réel et les accidents avec l'infanterie sont fréquents. Je connais des camarades qui ont été écrasés par des tanks. Le conducteur était pressé pour manoeuvrer sa machine et éviter un danger pour le char.

Les Allemands étaient pires et les Panzers ont écrasé plus d'un pauvre soldat d'infanterie qui ne s'était pas rangé assez vite.

4. Les chenilles ont été et demeurent la partie la plus vulnérable d'un char d'assaut. Pas nécessaire de frapper le char sur la quille, qui est dure et résistante. Un coup sur les chenilles suffit pour l'arrêter. Le char tombe de côté en déséquilibre et devient une cible facile.

5. Les chenilles ne circulent pas n'importe où ni dans n'importe quel terrain. D'ailleurs, il faut des chenilles différentes selon que le char est appelé à fonctionner dans une plaine aux sols mous, ou dans des sentiers de montagne aux sols inégaux, tantôt sablonneux, tantôt rocailleux. L'équipage a besoin d'un entraînement spécial dans chaque cas et ce ne sont pas tous les militaires qui acceptent d'aller fonctionner dans ces machines. J'ai commencé ma carrière militaire avec les chars d'assaut et j'ai transféré dans l'infanterie.

6. Les missiles et les mines viennent à bout de n'importe quel char d'assaut actuel. Les Russes avaient des chars en Afghanistan et les ont perdus. Et pourtant, le char d'assaut russe est plus adapté que le Léopard allemand, magnifique machine j'en conviens mais nul ne sait ce qu'il fera réellement à la guerre.

7. En supposant que les chars soient réellement achetés et "acheminés", je ne vois pas comment l'armée pourra s'en servir avant six ou dix mois d'entraînement. Sans entraînement, ce sera la catastrophe. Et quel sera le contexte et quelles seront les situations dans six ou dix mois?

L'idéal est de faire manoeuvrer les chars en blocs, sans l'infanterie et encore, les coups qui viendront des missiles antichar, des canons et maintenant des mortiers antichars les détruiront en détails. Des attaques de masse comprenant chars et aviation, comme font les Américains, coûtent une fortune et comme il faut occuper le terrain après, alors tout sera à recommencer en peu de temps.

Je rappelle que vers les années 1970-75, l'Iran des Shahs avait acheté 5000 chars d'assaut anglais Chieftains, armés de canons de 120 millimètres. La guerre du Golfe se préparait déjà sous les Shahs bien avant l'arrivée des Ayatollahs. Les Iraniens n'avaient ni les équipages, ni les connaissances, ni le personnel d'entretien pour manoeuvrer avec des chars. Comme le climat est trop chaud, les équipages doivent rester la tête en dehors pour prendre l'air, exception faite du Abrams américain qui dipose d'un système de climatisation et qui fonctionne à merveille tant que vous roulez sur le plat et en terrain égal. Ce char est trop sophistiqué pour le terrain accidenté.

Le résultat: le désastre et le gaspillage incroyable de ressources, alors que cette guerre du Golfe n'était nullement nécesaire. Un compromis était possible entre l'Iran et l'Irak au sujet du passage vers le golfe Persique et il n'était pas nécessaire de recourir à la guerre pour finalement en arriver au même point.

Militaire de carrière, je sais que toutes les guerres sont arbitrairement décidées par les politiciens qui n'ont aucune idée de ce vers quoi ils s'embarquent et encore moins dans quoi ils embarquent les autres.

Comme le ministre actuel de la Défense qui croit que de gros gadgets vont faire gagner cette guerre.

Pour finir un tout petit secret: les chars Chieftain envoyés en Iran et qui n'ont jamais servi ont presque été envoyés au Québec. Le général Rowland Mans, qui était venu au Québec fin 1977 pour étudier nos plans de défense sous le gouvernement Lévesque, est l'homme derrière la vente des 5000 chars Chieftains à l'Iran. Il était conseiller militaire du Shah et en a profité pour que l'Angleterre fasse de bonnes affaires, en échange du pétrole iranien. Avec le Québec indépendant, il y avait de bonnes affaires qui attendaient l'Angleterre. Les affaires sont les affaires.

Vous voyez comment les choses changent.

JRM Sauvé, capitaine d'infanterie (retraité), géographe et auteur de Géopolitique et avenir du Québec et de Le Québec carrefour des empires.

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René Marcel Sauvé217 articles

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J. René Marcel Sauvé, géographe spécialisé en géopolitique et en polémologie, a fait ses études de base à l’institut de géographie de l’Université de Montréal. En même temps, il entreprit dans l’armée canadienne une carrière de 28 ans qui le conduisit en Europe, en Afrique occidentale et au Moyen-Orient. Poursuivant études et carrière, il s’inscrivit au département d’histoire de l’Université de Londres et fit des études au Collège Métropolitain de Saint-Albans. Il fréquenta aussi l’Université de Vienne et le Geschwitzer Scholl Institut Für Politische Wissenschaft à Munich. Il est l'auteur de [{Géopolitique et avenir du Québec et Québec, carrefour des empires}->http://www.quebeclibre.net/spip.php?article248].





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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    28 février 2010


    Et si les Talibans avaient des canons de 155mm, capables d'atteindre chars d'assaut, appuis logistiques et réserves de pétrole, des mortiers antichar anglais, des missiles ENTAC ou SS 12, que feriez-vous ?
    Vous servir des fantassins pour marcher au devant des chars et les "protéger", comme celà s'est fait an Afghanistan et ailleurs.
    JRMS

  • Archives de Vigile Répondre

    27 février 2010

    cet article a été ecrit par quelqu'un qui n'y connait rien en char de bataille , ou alors a servi sur Sherman !! , dire que le Léopard est inferieur au materiel Russe est une ineptie , c'est faux !
    Une chenille adapté par chaque terrain , en Afghanistan la chenille standart suffit !.
    5000 Chieftains livré a L'Iran , le chiffre est faux , il aurait fallu 100 ans a l'industrie Brittanique pour faire la livraison !!.
    L'arme anti-char de base du taliban est le RPG 7 qui ne perce pas les blindages modernes des chars de bataille et a du mal a casser les chenilles .
    Les Russes ont surtout perdus des VTT et des T.62 en mauvaises postures.
    L'infanterie a pied n'evolue jamais , mais jamais a proximité des chars qui vont trop vite de toute façon.
    De plus il est admis que ces blindés lourds ne seront pas utilisé sur les routes de montagnes et serviront a la protection des bases ou ils devraient se montrer efficace , vision de nuit thermique et obus explosif de 120 mm.
    Le personnel occidentale qui occupera ces blindés sera parfaitement entrainé , et la climatisation n'est pas indispensable pour ces engins , la ventilation et le chauffage classique suffisent bien souvent, les tankistes de l'Afrika Korps et du front de l'Est l'ont prouvé ainsi que les Français avec leurs AMX 10RC au Tchad ou ils ont cartonné les T54/62 Libyens.
    La guerre coute cher et si on veut faire des économies on ne la fait pas !.
    Et pour la maintenance , le matériel est extremment fiable , j'ai servi dans les chars pendant des années sans soucis majeur du moment que l'entretien est éffectué par un équipage qualifié , quand aux deux camions citernes , on divise le chiffre par deux et un plein donne une autonomie relativement éleve pour des engins qui ne rouleront pas beaucoup !.

  • Archives de Vigile Répondre

    13 avril 2007

    Merci pour cet article fort éclairant.
    Comme vous savez, la guerre a toujours quelques objectifs inavoués et inavouables dont celui de faire fonctionner le complexe militaro-indurtriel. Lors de la première guerre du Golf, on nous avait dit que celle-ci permettait aux Américains de tester du nouveau matériel dont les fameux missiles patriots. Parfois, j'imagine, il s'agit simplement d'écouler du vieux stock.