Vous êtes agacé ou troublé par les controverses autour de SLAV ou de Kanata ?
Vous devrez vous y faire.
Ces débats sont là pour rester, sauf si les créateurs plient l’échine, ce qui serait tragique.
Il s’en trouve qui, dans un souci de dédramatiser, disent qu’invoquer la censure clôt automatiquement le débat et empêche de prendre la mesure du fait que les temps changent.
Il s’agirait de descendre des rideaux, de faire preuve de sensibilité, et d’impliquer davantage ceux dont on raconte les histoires.
Ni plus ni moins.
Un éditorial et une chronique dans La Presse ont récemment défendu ce point de vue de manière nuancée et parfaitement recevable.
Pente
Le problème est que la réalité risque fort, si ce n’est déjà fait, de déborder cette posture prudente.
Écoutez soigneusement les propos de plusieurs des critiques de Robert Lepage.
Dans l’appel au « dialogue » avec le créateur, il y avait non seulement le souhait de faire partie de la distribution, mais celui d’avoir un droit de regard sur le récit, sur le contenu.
Et c’est là qu’au nom des bons sentiments, on risque fort de s’engager dans une pente extrêmement dangereuse.
Quelle pente ?
Celle qui pense que l’art pour l’art est à condamner, qui pense que l’art doit être au service d’une cause politique, qui pense que l’art doit être un instrument de conditionnement des esprits.
Qui a écrit ceci ?
« Dans le monde d’aujourd’hui, toute culture, toute littérature et tout art appartiennent à une classe déterminée et relèvent d’une ligne politique définie. Il n’existe pas, dans la réalité, d’art pour l’art, d’art au-dessus des classes ni d’art qui se développe en dehors de la politique ou indépendamment d’elle. »
Mao Zedong en 1942.
Remplacez le mot « classe » par le mot « race » et vous retrouvez le discours actuel sur « l’appropriation culturelle ».
Qui a écrit ceci ?
« Le réalisme socialiste [...] exige de l’artiste une représentation véridique, historiquement concrète de la réalité dans son développement révolutionnaire. »
Ce sont les statuts de l’Union des écrivains soviétiques en 1934, sous Staline.
L’artiste doit présenter les choses d’une certaine manière et au service d’une cause plus grande que lui. On l’embrigade.
Ennui
Du calme, je ne prétends pas que nous en sommes là. Mais c’est l’esprit qui habite certains militants.
J’ai lu qu’Hochelaga, terre des âmes, qui fait une place abondante aux Premières Nations, n’a pas soulevé la moindre controverse, ce qui prouverait qu’il suffit de faire attention.
Ce film illustre au contraire les dangers de l’art « éducatif » et politiquement correct.
On a fait tellement attention de ne pas heurter qu’on a produit une œuvre visuellement superbe, mais si sage et prudente qu’elle était froide et ennuyeuse comme la pluie.