Une France bleu horizon. La très nette victoire de l’UMP et le score inédit du Front national dans des élections locales constituent, à en juger les premiers résultats, les principaux enseignements du premier tour des élections départementales, qui s’est achevé à 20 heures dimanche 22 mars.
Le ministère de l’intérieur a dénombré 220 élus de droite élus dès le premier tour des élections départementales, hors Guadeloupe, 64 pour la gauche, 8 pour le Front national. Le second tour devrait donner lieu à 1 456 duels, 327 triangulaires et même une quadrangulaire, en Haute-Vienne.
L’UMP en tête
Selon les décomptes du ministère de l’intérieur, l'UMP et ses alliés sont en tête dans 40,38 % des cantons (829 cantons), et les divers droite dans 9,60 % (197) ; le PS et ses alliés dans 25,82 % des cantons (530 cantons), et les divers gauche dans 4,38 % (90 cantons). Le FN, quant à lui, est en tête dans 343 cantons, soit 16,71 % des cantons.
Peu après la divulgation des premières estimations, Nicolas Sarkozy s’est félicité que, dans un grand nombre de départements, « les conditions d’un basculement massif en faveur de la droite et du centre sont réunies ». Le président de l’UMP a appelé à la mobilisation pour le second tour, le 29 mars, afin de « conforter la dynamique » en faveur de la droite, alors que la droite a remporté 110 cantons dès le premier tour.
Le patron de l’UMP a confirmé qu’il n’y aurait « aucun accord national ou local avec les dirigeants du FN ». Et de préciser la consigne : « Dans les cantons dans lesquels nos candidats ne sont pas présents au second tour, l’UMP n’appellera à voter ni pour le FN, avec qui nous n’avons rien en commun, ni pour le PS, dont nous ne partageons pas les choix. »
Le chef de l’UMP s’est adressé aux électeurs qui se sont tournés vers le parti d’extrême droite : « Aux électeurs du FN, je dis que nous entendons leur exaspération. Mais ce parti, qui a le même programme que l’extrême gauche, qui s’est félicité de l’élection de l’extrême gauche en Grèce, n’apportera aucune solution aux Français. »
Pour les responsables de la droite, cette victoire ne peut que renforcer le président de l’UMP pour son premier test électoral depuis son élection à la tête du parti. « Nicolas Sarkozy a été capable de rassembler le parti et d’être un bon chef d’orchestre pour cette campagne », estime le porte-parole du parti. « Nicolas Sarkozy est le président d’un parti victorieux, donc c’est toujours bon à prendre pour lui », observe M. Darmanin, avant de souligner que ce résultat ne donne pas un avantage définitif à l’ancien chef de l’Etat pour 2017 : « Il faut relativiser, car le scrutin d’aujourd’hui rassemble seulement près de 45 % des votants, alors qu’une présidentielle réunit près de 80 % des Français. »
Le FN, deuxième parti de France
Les résultats confirment également l’installation et l’enracinement du Front national, qui, s’il échoue à s’installer dans la position du « premier parti de France » qu’ambitionnait d’occuper Marine Le Pen, fait le meilleur score de son histoire dans des élections locales, avec environ 25 % des votes.
Surtout, le Front national s’enracine. Il est en bonne position dans ses fiefs, et notamment dans les villes qu'il a conquises aux dernières municipales, et participera à un nombre important de seconds tours. Marine Le Pen a pris la parole pour se réjouir de « l’exploit » réalisé par le Front national, qui est parvenu à « dépasser son score des européennes ». « Ce vote montre que les Français veulent retrouver leur liberté et ont compris qu’une autre politique est possible », a affirmé la dirigeante du FN, lors d’une déclaration au siège de son parti.
Marine Le Pen a affirmé que « le nombre impressionnant de seconds tours auxquels seront présents des candidats FN et l’éviction des candidats PS de mille cantons montrent notre succès ». Dans certains départements comme le Var, le FN fait plus de 30 % dans tous les cantons. Dans le Nord, il sera au second tour dans 37 cantons sur 41.
Le FN a même remporté dès le premier tour plusieurs cantons : celui d'Eurville-Bienville en Haute-Marne (50,35 %), du Pontet dans le Vaucluse (53,70 %), de Fréjus dans le Var (51,17 %), de Vic-sur-Aisne dans l'Aisne (53,80 %). Il y a quatre ans, il n'avait obtenu l'élection que de deux conseillers généraux.
Sévère échec pour le PS
Sans surprise, le Parti socialiste subit un revers important, n’arrivant qu’en troisième position alors qu’il partait de très haut pour ce scrutin départemental, qu'il avait emporté en 2011 avec 25 % des voix.
« Ce n’est pas l’énorme défaite, pas si catastrophique », minimisait-on pourtant dimanche soir rue de Solférino, en argumentant que ce résultat, qui confirmait l’installation du tripartisme, « incitait au rassemblement de la gauche dès le premier tour ». « Le bloc de gauche résiste mieux que prévu », voulait croire Carlos Da Silva, porte-parole du PS et proche du premier ministre. « Il va falloir que les autres partis de gauche comprennent qu’on est entré dans une phase de tripartisme, et donc qu’il faut se rassembler. Dans beaucoup d’endroits, si vous additionnez les scores de la gauche, on aurait été largement en tête. »
Manuel Valls a été le premier à commenter les résultats, et à se « féliciter » de voir que « le Front national n’est pas la première force politique de France ». Le premier ministre, très impliqué dans la campagne, a rappelé que « rien n’est joué » avant le second tour, soulignant que le bloc de gauche est « à peu près équivalent à celui de droite », soit un « score honorable ».
D’importantes disparités dans le reste de la gauche
La chute est rude pour Europe écologie - Les Verts, qui s'effondre par rapport à 2011. Le parti écologiste ne récolte que 2 % des voix, très loin des 8,2 % obtenus lors des précédentes élections cantonales. La secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Emmanuelle Cosse, a appelé dimanche soir « les écologistes à se rassembler autour des candidatures de gauche qui le voudront bien ».
Mais malgré ces mots rassurants, le Parti socialiste n’évite pas la déroute. Alors qu’il remporte 15 cantons dès le premier tour, il est largement devancé dans la plupart de ses fiefs, et paye le prix fort de ses divisions avec le Front de gauche et les écologistes. Dans le Nord par exemple, tenu depuis 1998 par le PS, le parti est éliminé dans 27 cantons sur les 41 que compte le département le plus peuplé de France.
Le Front de gauche, lui, parvient à résister. Crédité de 6,1 % des suffrages, le parti a réussi à remporter dès le premier tour trois cantons. Les communistes espérent aussi conserver dimanche prochain le Val-de-Marne, fief du PCF depuis 1976 mais convoité par la droite. « Les résultats du premier tour montrent qu'il y a de très grandes chances que le département reste géré par la gauche et dirigé par un communiste », a déclaré à l'AFP le président PCF sortant du conseil général, Christian Favier.
L’abstention moins importante que prévue
François Hollande avait prévenu après avoir voté en matinée dans son fief corrézien de Tulle : « Aujourd'hui, la question, c'est le score du Front national » et « l'abstention ». C’est en effet la dernière surprise de cette élection : les Français se sont davantage mobilisés que lors du précédent scrutin.
L’abstention a atteint 49,83 %, un niveau nettement inférieur au taux constaté par le ministère de l'intérieur au premier tour des cantonales de 2011 (55,68 %) ou des européennes de 2014, mais très supérieur à celui des cantonales de 2008 (35,13 %).
Si Manuel Valls s'est réjoui, peu après 20 heures, que « les Français aient voté plus que prévu », il a regretté que « trop de Français (aien)t encore fait le choix de ne pas se rendre aux urnes » et souligné que « notre premier défi est toujours là : mobiliser les électeurs, leur redonner confiance ». La carte des résultats par département confirmait aussi les fortes disparités territoriales, avec par exemple 33,89 % d'abstention en Lozère ou 39,89 % dans le Gers, contre 55,13 % en Moselle et 55,06 % en Seine-et-Marne, illustrant une plus faible fréquentation des urnes en Ile-de-France.
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