Ça manque d'incontournabilité...

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Ramener les choses à leur juste proportion

Il a gagné. Mais on ne peut pas dire que Montréal délire d'enthousiasme pour son nouveau maire. Après des mois de campagne, Denis Coderre n'a convaincu aucun nouvel électeur, au fond. Il termine l'exercice avec moins d'appuis qu'il y a six mois. Et passablement moins que Gérald Tremblay en 2009 après le scandale des compteurs d'eau...
Surtout, les deux tiers des électeurs ont choisi quelqu'un d'autre. Si Marcel Côté et Mélanie Joly avaient uni leurs forces, ils auraient battu Denis Coderre.
Cette élection est donc celle de la dispersion du vote anti-Coderre. Projet Montréal, qui creuse son sillon patiemment depuis des années, a une identité propre. Aussi bien articulé soit-il, ce projet, trop identifié à l'expérience du Plateau, est rejeté par la majorité des Montréalais. Richard Bergeron a vite touché le plafond des appuis. Les anti-Coderre cherchaient une autre voie... Il y avait un large espace politique entre Bergeron et Coderre.
Mais entre Joly et Côté, l'écart n'était pas idéologique. Il était personnel. D'un côté, un économiste fort en thème sans la moindre expérience politique; de l'autre, une avocate qui arrive avec de fortes techniques de communication, mais rien de très pesant dans son c.v. Aucun n'a pu s'imposer.
L'ascension incroyable de Joly est l'histoire de cette campagne. Ce n'est pas si incroyable, au fond: devant un Marcel Côté décevant, il y avait tout à coup une proposition apparemment crédible où se réfugier pour ce large groupe qui refusait Coderre autant que Bergeron.
Et voilà Denis Coderre à la mairie, contre l'avis des deux tiers.
Ce n'est pas le genre de mandat qui fait d'un maire de Montréal un «incontournable», le mot fétiche de Denis Coderre. À 32 %, un maire n'est pas si difficile à contourner, à Québec ou à Ottawa - deux endroits où le gouvernement ne lui est pas particulièrement sympathique. Il devra s'inventer une «incontournabilité», comme il dit.
La première chose qu'il doit faire, c'est de bien marquer la rupture avec les anciennes façons de faire. Surtout qu'il compte dans son équipe d'anciens poids lourds d'Union Montréal à Saint-Léonard (Bissonnet) et Saint-Laurent (De Sousa).
À Montréal plus que presque partout ailleurs, l'intégrité était au coeur de la campagne. Avec tous ces anciens du parti de Gérald Tremblay, avec son passé au Parti libéral du Canada du temps des commandites, Denis Coderre était le moins convaincant des quatre candidats à ce chapitre.
Aujourd'hui, Denis Coderre devrait annoncer que son chef de cabinet sera Denis Dolbec, un avocat qui a également été chef de cabinet de Serge Ménard, et qui a travaillé avec Jacques Duchesneau. Voilà le genre de caution morale dont le nouveau maire aura besoin, lui qui est identifié aux vieilles manières politiques.
C'est le genre de choses qu'il a déjà réussi à faire, en recrutant des gens comme la très courageuse Chantal Rouleau, dans Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles.
C'est vrai, et il l'a répété abondamment: partout où il est passé, Denis Coderre a été sous-estimé.
C'est clairement le cas encore ce matin à Montréal.
Le choc du réel
Le budget sera à faire dans les prochaines semaines et la réalité fiscale de Montréal va frapper. À part Marcel Côté, on a très peu parlé de finances publiques pendant la campagne, sinon en glissant sur le sujet. Ce n'est pas un sujet très excitant...
Le déficit des caisses de retraite à Montréal atteint 2,5 milliards. Cela suppose des coûts de centaines de millions - bien des «services rapides par bus». On a bien hâte de voir comment le nouveau maire va boucler ce budget, au moment où le déficit des infrastructures est de plus en plus criant.
Ce sera le premier grand défi de Denis Coderre, qui se retrouvera avec les mêmes citoyens très taxés, les mêmes conventions collectives, les mêmes aqueducs à refaire, bref, avec les mêmes équations brutales.
On va voir assez vite de quel bois il se chauffe.
La révolution Labeaume
Pendant ce temps, à Québec, Régis Labeaume a bien martelé que sa réélection est «historique». Il a demandé un plébiscite pour aller négocier avec les syndicats et le gouvernement; il l'a obtenu!
Son ton est cassant, même des cadres de la Ville s'en plaignent, et je ne suis pas bien sûr qu'il s'y prenne de la meilleure manière pour convaincre les syndiqués de payer la moitié des déficits des caisses de retraite.
Sauf que peu importe la manière dont on le dit, la situation est critique et elle l'est partout au Québec. Il y a une limite à augmenter l'impôt foncier. Régis Labeaume n'exagère donc pas quand il dit que tout le Québec a un intérêt dans la bataille de Québec.
La différence entre le maire de Québec et celui de Montréal, c'est que le premier a été élu par les trois quarts des électeurs et qu'il a été extrêmement précis sur les enjeux de l'élection.
Denis Coderre, ce matin, est loin de ça. Sa tâche, pourtant, est encore plus colossale.


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