Le ministre des Transports, Robert Poëti, a illustré, en entrevue à La Presse, tout ce qui ne va pas dans les relations entre le gouvernement du Québec et sa métropole. « L'AMT peut proposer ce qu'elle veut, c'est moi qui décide. C'est nous qui allons décider pour les citoyens du Québec ».
La décision en question est de savoir quel mode de transport collectif choisir pour le pont Champlain, un système léger sur rail (SLR) ou un système rapide par autobus. Le « c'est moi qui décide » incarne parfaitement la situation de quasi-tutelle que vit la région montréalaise et le paternalisme du gouvernement à son égard. Comme ministre responsable de la région de Montréal, M. Poëti devrait écouter avant de décider.
Le ministre réagissait à une étude commandée par l'Agence métropolitaine de transport qui privilégiait le choix d'un SLR. Son ton cassant s'explique par l'absence d'atomes crochus avec le président de l'AMT, Nicolas Girard, un ancien député péquiste dont la nomination à ce poste par le gouvernement Marois était clairement partisane. Mais il y a quelque chose d'incongru que ce débat se fasse entre un ministre du gouvernement du Québec et le patron d'une agence du gouvernement du Québec, par-dessus la tête des principaux intéressés.
Pour un choix aussi crucial, le milieu montréalais doit participer activement à la décision, parce qu'il sera bénéficiaire du projet, mais aussi parce qu'il a les compétences pour faire les bons choix. D'autant plus que la décision serait moins celle du ministre que de son ministère, celui des Transports, qui ne s'est pas distingué au cours des dernières années par son professionnalisme ou par sa connaissance fine des réalités métropolitaines.
Et pourtant, un jour plus tôt, le premier ministre Philippe Couillard, dans son discours d'ouverture, envoyait un tout autre message. « Nous désirons refonder le partenariat entre Québec et les municipalités, bannir le terme "créature" et envisager l'avenir sur la base de deux ordres de gouvernement, qui ont leurs responsabilités propres et qui travaillent ensemble au service du même contribuable. Nous allons d'abord reconnaître nos principaux moteurs économiques et culturels. Nous soumettrons à cette assemblée un projet de loi sur la ville de Montréal, et un autre sur notre capitale nationale. » Les lois ne changeront rien si on ne casse pas d'abord la culture qu'exprime ce « c'est moi qui décide ».
Le premier ministre ajoutait qu'il avait donné comme mandat au ministre de coordonner une réflexion stratégique sur les projets de transports collectifs de la grande région montréalaise, pour « donner un angle régional à leur mise en ordre de priorité, à leur cohérence et à leur planification » et pour réviser les rôles de l'AMT et de la Communauté métropolitaine de Montréal. Ce nouvel esprit de concertation, on ne l'a pas senti dans les propos du ministre, qui semble déjà avoir rejeté le projet, plus coûteux, de SLR.
Je ne m'immiscerai pas dans le débat lui-même, sauf pour rappeler trois choses. Premièrement, méfions-nous des études complaisantes. Nous avons connu assez de dépassements de coûts dans des grands projets au Québec, souvent sur la foi de données incomplètes, pour qu'il soit clair qu'aucun grand chantier ne devrait être lancé sans toutes les informations sur les coûts et les impacts. Deuxièmement, méfions-nous de l'immaturité structurelle. Rien n'est plus facile pour le milieu montréalais que de réclamer la lune quand on sait que c'est Québec qui paie. Troisièmement, méfions-nous de la logique comptable. Dans le cas de grands projets qui traverseront les générations, la bonne gestion, dans bien des cas, n'est pas de choisir la solution la moins coûteuse.
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