En même temps qu'elle publiait son budget, jeudi dernier, la ministre des Finances, Mme Jérôme-Forget, rendait publique la nouvelle politique de tarification du gouvernement qui entrera en vigueur en 2011. Le hic, c'est qu'aucun des principes contenus dans cette politique ne résistera à l'épreuve de la réalité politique. Et c'est bien qu'il en soit ainsi puisqu'un État, ce n'est pas un vendeur de chaussettes!
Si l'on s'en remet aux principes de la nouvelle politique de tarification contenue dans le document Assurer la qualité et le financement des services publics, tous les ministères et les organismes gouvernementaux ont une année pour identifier les services qu'ils offrent à la population et en calculer les coûts. À l'heure actuelle, seulement une fraction des organismes publics, mais pas les ministères, sont en mesure de dire quelle proportion de leurs coûts est couverte par des revenus de tarification. Le travail est donc considérable.
Ce n'est pas inintéressant de connaître les coûts réels de livraison des services publics, que ce soit en santé ou en transport, en éducation ou en agriculture. Une fois ce travail accompli, les mêmes ministères et organismes auront une autre année devant eux pour faire adopter une nouvelle grille de tarifs incluant une indexation automatique à la croissance des coûts.
Voilà donc le moyen que semble privilégier le gouvernement Charest pour récolter les milliards qui manquent à son plan de retour à l'équilibre budgétaire, une fois la récession passée.
Le problème, c'est qu'une telle politique est vouée à l'échec avant même de voir le jour.
À titre d'exemple, un des principes mis en avant consiste à faire payer la totalité des coûts des régimes publics d'assurances par la clientèle. Pour la CSST et la SAAQ, ça va. Mais qu'en sera-t-il de l'assurance médicaments, ou, pis, de l'assurance stabilisation du revenu agricole dont l'État assume 75 % de la facture?
Que dire aussi des garderies qui sont financées par l'État à raison de 84 % de leurs coûts, une proportion qui croît chaque année à cause d'une promesse électorale illogique de gel de tarif?
Il va de soi que certains services publics mériteraient d'être tarifés à un niveau supérieur. Les droits de scolarité universitaires en sont un exemple. Mais quel est le niveau souhaitable? Même les primes du fameux congé parental, lequel devait s'autofinancer en totalité, ne couvrent déjà plus que 82 % des coûts de ce très généreux programme malgré les importantes hausses de cotisations des dernières années. Et l'on n'a rien dit des soins de santé, de l'électricité, du transport collectif, des ponts et des autoroutes...
Il n'y a pas que les groupes de pression et les politiciens pour fausser un processus décisionnel que certains économistes voudraient «neutre». En effet, compte tenu de cet autre principe de la nouvelle politique qui laisserait à chaque organisme les recettes de tarification nécessaires pour couvrir ses coûts, nous assisterions à la commercialisation des ministères et des organismes publics en quête d'augmentations susceptibles de faire grimper leur «chiffre d'affaires» et leur importance relative dans l'appareil d'État, sans oublier les primes au rendement pour les cadres, et l'augmentation des coûts de main-d'oeuvre en général, comme c'est le cas déjà à Hydro-Québec, à la Caisse de dépôt et à Loto-Québec. La belle affaire!
Est-ce là le meilleur moyen de revenir à l'équilibre budgétaire dans le respect du concept de service public?
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j-rsansfacon@ledevoir.ca
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