L’Union européenne et le Royaume-Uni ont scellé dimanche un divorce historique, après un mariage houleux de plus de 40 ans, mettant en garde les députés britanniques qu’il n’était plus question de modifier cet accord négocié dans la douleur.
Le « traité de retrait » approuvé par les dirigeants des pays européens, après 17 mois de tractations avec Londres, doit désormais passer l’épreuve de la ratification du Parlement européen et surtout celle, loin d’être acquise, du Parlement britannique.
« Si les gens pensent qu’on peut encore négocier, ce n’est pas le cas. C’est l’accord qui est sur la table, c’est le meilleur accord possible, c’est le seul possible », a lancé la Première britannique Theresa May, cible de critiques virulentes dans son propre camp.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a envoyé exactement le même message aux parlementaires britanniques: « ceux qui pensent qu’en rejetant cet accord, ils en obtiendront un meilleur seront déçus dans les secondes qui suivent ». « C’est le seul accord possible », a-t-il martelé.
« Il n’y a pas de plan B », ont insisté les chefs de gouvernement irlandais et néerlandais.
« Avenir meilleur »
Malgré l’accord approuvé lors d’un sommet sans fausse note, les Européens se sont gardés de tout triomphalisme. Voir le Royaume-Uni « quitter l’UE n’est pas un moment de jubilation ni de célébration, c’est un moment triste et c’est une tragédie », a déclaré Jean-Claude Juncker.
« Il est tragique de voir le Royaume-Uni quitter l’UE après 45 ans », a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel, tout en saluant « l’œuvre d’art diplomatique » des négociateurs. Le président français Emmanuel Macron a lui qualifié le moment de « grave », voyant dans le Brexit le signe que l’Europe nécessitait une « refondation », « parce qu’elle n’a pas su rassurer nos peuples ».
Le sommet a permis l’adoption du « traité de retrait », un pavé de 585 pages, ainsi que celle d’une « déclaration politique » qui y sera jointe et ébauche les relations futures que vont tenter de nouer les deux partenaires après le divorce, effectif le 29 mars 2019.
Cette relation, qui ne pourra être formellement négociée qu’après le Brexit, devra être « la plus proche possible », selon le texte. « Une chose est certaine, nous resterons amis jusqu’à la fin des temps », a dit le président du Conseil européen Donald Tusk, maître de cérémonie du sommet.
« Il s’agit d’un accord pour un avenir meilleur, qui nous permet de saisir les opportunités qui nous attendent », a plaidé de son côté Mme May après le sommet, reprenant les termes de sa « lettre à la nation » adressée dimanche aux Britanniques.
Plusieurs pays européens, inquiets de la manière dont sera appliqué l’accord de divorce, ont obtenu qu’une déclaration des 27 soit annexée aux conclusions du sommet, pour aborder notamment la question sensible de droits de pêche après le Brexit, chère à la France.
Le texte qualifie ce dossier, non résolu dans le « traité de retrait », de « prioritaire », et demande qu’un accord soit « négocié bien avant la fin de la période de transition » post-Brexit prévue jusqu’à fin 2020 (mais qui pourra être prolongée jusqu’à deux ans).
À ce stade, il est juste prévu que les pêcheurs européens garderont l’accès aux eaux territoriales britanniques et que les Britanniques resteront soumis aux quotas de pêche européens pendant la période de transition.
Des pays comme la France insistent pour qu’à l’avenir, l’accès des produits de la pêche britanniques au marché européen reste conditionné à l’accès des Européens aux eaux britanniques.
La déclaration annexée aux conclusions du sommet aborde aussi d’autres questions sur lesquelles les 27 s’engagent à faire preuve de « vigilance », comme celui de la « concurrence loyale » avec Londres, nécessaire dans le domaine économique.
L’épine Gibraltar
L’unité affichée côté européen dans les négociations s’était fissurée ces derniers jours, quand l’Espagne a fait planer la menace d’une annulation du sommet si elle n’obtenait pas des garanties écrites sur le sort de Gibraltar. Avant que Pedro Sanchez estime samedi après-midi avoir obtenu satisfaction.
Madrid a reçu des garanties écrites de la part de l’UE pour disposer d’un droit de veto sur tout futur accord entre l’UE et le Royaume-Uni concernant Gibraltar, un territoire britannique situé à l’extrême sud de la péninsule ibérique, et dont l’Espagne revendique la souveraineté.
« Le seul qui détient la clé (des relations futures entre l’UE et Gibraltar) est l’Espagne », s’est félicitée dimanche une source gouvernementale espagnole. C’est une « grande victoire ».
L’accord de retrait approuvé dimanche règle notamment la question de la facture que devra payer Londres à l’UE, sans la chiffrer, et prévoit une solution controversée pour éviter le retour d’une frontière physique entre l’Irlande et la province britannique d’Irlande du Nord.