HISTOIRE

Aux États-Unis, un Vice-Président métis, amérindien et canadien-français

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Tribune libre

La nomination, pour la première fois, d’une femme, Kamala Harris, à la Vice-Présidence des États-Unis en réjouit beaucoup. On ajoute aussi que c’est la première fois qu’une personne non blanche accède à ce poste. Erreur. Les États-Unis ont déjà eu un Vice-Président que l’on présente maintenant comme Amérindien, mais qui était en réalité un Métis à la fois Amérindien de la nation des Kaws ou Kansas – qui ont donné leur nom au Kansas actuel -- et ...Canadien-français : Charles Curtis, Vice-Président du Président Herbert Hoover, de 1929 à 1933.


Avant de devenir le 31e


Vice-Président des États-Unis, Charles Curtis eut une longue carrière politique comme membre du Parti républicain, élu du Kansas à la Chambre des représentants de 1893 à 1907 puis au Sénat de 1907 à 1913 et de nouveau de 1915 à 1929. Avocat, on lui doit de nombreux projets de loi. Et c’est sans doute là qu’il a réussi ses réalisations politiques les plus importantes notamment le célèbre Curtis Act qui concerne la répartition et l’attribution des terres aux Amérindiens du Kansas et leur assimilation, présentés à l’époque comme de grandes réussites, mais critiqués très sévèrement par la suite.


Entre autres, cette loi, adoptée sans le consentement des Amérindiens concernés, anéantissait la souveraineté des Amérindiens sur leur territoire : a) en annulant les lois amérindiennes et en abolissant le système de justice des nations concernées; b) en enlevant aux Amérindiens le contrôle de leurs biens et en le remettant au Secrétaire de l’Intérieur; c) en nommant un Inspecteur responsable des territoires amérindiens pour superviser, mais en réalité pour anéantir, le gouvernement des nations visées; d) et en établissant un cadre d’action dépouillant les nations du contrôle qu’elles avaient sur leurs ressources. Tout ceci conduisit aussi en quelques années à l’établissement des fameux pensionnats qui devaient compléter l’assimilation de ces nations.


Charles Curtis est né le 25 janvier 1860 à Topeka (dans ce qui était alors le Territoire du Kansas); son père était Oren Arms Curtis, vétéran de la Guerre de Sécession d’origine écossaise, et sa mère, Ellen Pappan Curtis, Métisse, à la fois d’origine canadienne-francaise et amérindienne (des nations Kaw, Osage et Potawatomi, descendante du chef kaw Plume Blanche et du chef osage Pawhuska). Du côté canadien- français, elle était originaire d’une famille Pépin de Yamachiche au Québec. (Comme il arrive souvent, l’épellation de son nom a été modifiée par sonorisation; le « é » n’existant pas en anglais et le « a » anglais étant prononcé « é », Pépin est devenu Pappan). On trouve dans sa généalogie des Mongrain (devenus Mogray) dont un chef de la nation osage, des Lafond (devenus La Fou), des Lessard (devenus Lessert), des Bellemare » (Bellmard), des de Gonneville (Gonville) , des Roy, des Desnoyers, des Laflèche, etc.


À la suite du décès de sa mère lors d’une épidémie de choléra alors qu’il avait trois ans, le petit Charles a été confié à ses grands-parents maternels francophones afin de recevoir une bonne éducation et d’apprendre ses deux langues maternelles, le français et le kaw, langues qu’il parlait couramment par la suite comme en font foi les témoignages de l’époque. (Ce qui rappelle qu’à l’exception de Jean Chrétien, tous les premiers ministres du Canada présentés comme Canadiens français ont ou avaient l’anglais – et non le français-- comme langue maternelle. Laurier, Saint-Laurent, Trudeau père et Trudeau fils.)


Il a ensuite fait des études de droit et est devenu avocat puis il a entrepris une carrière politique remarquable à l’intérieur du Parti républicain. Témoignage de son importance et de sa grande popularité, il a été en page couverture du magazine Time trois fois pendant sa carrière. Comme Vice-Président de Hoover, Charles Curtis a eu un rôle plutôt discret. De plus, on considère généralement que la présidence de Herbert Hoover n’est pas particulièrement remarquable et a été plutôt malheureuse. Hoover a hérité de la Grande Dépression économique de 1929, déclarée au début de son mandat, sans doute causée par le laisser-aller des administrations précédentes, et il n’a pas su ou pu mettre fin à cette tragédie. Hoover et Curtis ont ensuite été défaits par le démocrate Franklin Delano Roosevelt, qui a adopté de nombreuses mesures pour tenter de sortir le pays de la Grande Dépression qui, selon certains, n’a véritablement pris fin qu’à la Deuxième Guerre mondiale.


André Sirois

Avocat auprès de l’ONU


PS Certains auront noté le deuxième nom du Président Biden : Joseph Robinette Biden. Ils auront pu être tentés d’y voir un nom canadien-français. Ce n’est pas le cas. Un peu de recherches dans l’arbre généalogique de Biden indique clairement que ce nom vient d’Angleterre et qu’on en trouve facilement la trace jusqu’en 1500 et peut-être avant. Son origine pourrait même remonter à la conquête de l’Angleterre par les Normands de Guillaume le conquérant en 1066.



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