Devant l’ampleur des mouvements de contestation dans les pays occidentaux de cette dernière décennie et la montée des extrémismes tous azimuts — de droite, de gauche, de religion, de mode de vie —, le discours centriste traditionnel semble être en perte totale de voix et ne se contente que de mea-culpa de plus en plus dramatiques sur la voie publique : des multiples excuses que Justin Trudeau a proférées depuis son arrivée au pouvoir aux récentes sorties d’Emmanuel Macron face aux gilets jaunes, les actualités occidentales en regorgent.
Dans l’ère où l’effondrement de l’URSS devrait en théorie déboucher sur le triomphe total des démocraties, ce qu’on constate n’est malheureusement que leur implosion. Les beaux discours sur les vertus de la démocratie, les essais de plus en plus infructueux de répandre le modèle démocratique occidental n’ont en fin de compte qu’abouti à l’effondrement du peu qu’il y avait comme structures étatiques et à leur remplacement par le chaos : l’Irak, la Libye, le Congo n’en sont que les exemples les plus flagrants.
La crise actuelle en France — et celles un peu mieux gérées ailleurs en Occident — fait paraître au grand jour le fait que la démocratie n’est pas en panne seulement dans les pays sous-développés, mais aussi dans les pays développés occidentaux, ceux qui se targuaient de servir de guide et modèle et, surtout, d’imposer leur modèle à tous.
Il y a une réelle dissonance entre ce pour quoi les citoyens croient avoir voté comme politique et ce que les élus — les représentants de la volonté du peuple — décident en leur nom.
Comprendre les enjeux
Si la démocratie, directe ou indirecte, est le gouvernement du peuple, il faut que le peuple, qui est appelé à voter sur les décisions à prendre ou, du moins, à choisir des représentants qui vont prendre ces décisions en son nom, comprenne les enjeux en lice pour qu’il puisse prendre une décision éclairée lors de son vote. Rajoutez à cela les différents « experts » et autres militants de tout acabit qui accaparent les débats, et le pauvre citoyen moyen ne sait plus à quel saint se vouer.
Déjà surchargé par les exigences de la vie, le citoyen est appelé à se prononcer sur les questions complexes, dont les politiques internes, externes, économiques, sociales, culturelles de son gouvernement. Il n’a qu’une occasion à le faire au milieu du tintamarre de plusieurs équipes où toute discussion se résume à une récitation répétitive de slogans à deux lignes.
En plus, une grande partie de ces déclarations ne sont que des conclusions tirées de sondages, dont se servent des « stratèges » pour déterminer un programme électoral qui serait le plus « vendable » pour l’électorat en question, qu’importe la réalité.
Le pauvre électeur se résigne alors à voter non pas sur le fond, qu’il ne comprend pas, mais sur la forme. Et nos élections démocratiques dégénèrent en des concours de beauté entre les candidats.
Une fois que l’électeur a voté, les élus ont les mains libres. Ces mêmes « stratèges » sont toujours prêts à des exercices magistraux de sophisme pour lui expliquer que la décision que « ses » élus ont prise est exactement ce pour quoi il a voté, comme le pipeline que le premier ministre Justin Trudeau s’est payé avec l’argent des contribuables !
Et l’on s’étonne que les électeurs se sentent bernés, qu’ils se sentent dupés, qu’ils se sentent carrément volés et, dans un élan de rage impuissante, prennent les rues d’assaut ? On craint la montée des populismes ? Il est trop tard pour craindre, les populismes sont là depuis déjà longtemps, dans les années 1920. Si l’histoire doit nous servir d’exemple, rappelons-nous le désastre qu’a été l’aboutissement de la montée précédente.
Le plus éclairé possible
Que faire alors ? Y aurait-il une issue, ou doit-on se contenter de répéter la boutade de Churchill sur la démocratie — « Il a été dit que la démocratie est la pire forme de gouvernement, à l’exception de toutes les autres qui ont été essayées » — et de hausser les épaules en signe d’impuissance ? Ou faire comme Macron, lancer des « débats » sur tout sauf l’essentiel, en espérant noyer le poisson ?
Une question fondamentale se pose donc aujourd’hui dans le monde démocratique : comment s’assurer que le vote du citoyen soit le plus éclairé possible, afin d’éviter la récurrence de ces lendemains de veille qui semblent être la norme après chaque élection. Comment faire pour responsabiliser davantage l’élu et l’électeur à la fois ?
L’élection démocratique s’apparente à un contrat entre l’élu et l’électeur, que l’électeur signe par son vote. Il faut s’assurer que l’électeur ait bien compris le contrat. Il faut aussi s’assurer que l’électeur ne vote pas sur des questions qu’il ne saisit pas, car c’est là qu’il va se sentir frustré, berné, trompé et que sa patience va finir par déborder.
Ce ne sont pas les « débats » de Macron ou les assemblées publiques de Trudeau qui vont résoudre ce problème. Il faudrait plutôt repenser la machine démocratique dans son ensemble.